Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par jugement n° 1901443 du 4 février 2020, le tribunal administratif de Montpellier, saisi par Mme C..., a dit n'y avoir lieu à statuer sur ses conclusions à fin d'annulation de la mise en demeure du 25 janvier 2019 émise à son encontre et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête tendant à l'annulation de la mise en demeure du 20 décembre 2018 également émise à son encontre pour le remboursement de la somme principale de 4 697 euros, assortie d'une majoration de 470 euros, correspondant aux mensualités du 1er septembre 2012 au 30 juin 2013 d'une bourse sur critères sociaux attribuée par l'Université Paris 6 durant l'année universitaire 2012/2013.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 1er avril et 20 septembre 2020, Mme B... C..., représentée par Me Vlajkovic, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901443 du 4 février 2020, en tant que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la mise en demeure du 20 décembre 2018 émise à son encontre par la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales ;
2°) d'annuler ladite mise en demeure ;
3°) de condamner la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales à lui payer une somme de 2 650 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le titre de perception daté du 1er décembre 2014 que lui a adressé la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales en réponse à son courriel de demande d'explication du 5 janvier 2019 ne lui a jamais été notifié ;
- la créance est prescrite en application de l'article 2224 du code civil prévoyant une prescription quinquennale ;
- l'action en recouvrement est également prescrite en application de l'article 2224 du code civil.
Par des mémoires en défense enregistrés les 24 août et 12 novembre 2020, la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales, représentée par Me Rosenfeld, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme C... à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en l'espèce, l'opposition à contrainte de Mme C... (contestation du bien-fondé de la créance mise en recouvrement) a donné lieu à un accusé de réception le 12 janvier 2019 et a été transmise à l'ordonnateur à l'origine du titre de perception, le rectorat de Paris, qui disposait d'un délai de 6 mois à compter de sa réclamation pour lui apporter une réponse ; à défaut d'une décision notifiée dans ce délai, la contestation devait être considérée comme rejetée, ce qui semble avoir été le cas en l'espèce, le délai ayant expiré le 12 juillet 2019 sans qu'une décision ait été notifiée à Mme C... qui disposait d'un délai de deux mois à compter du 12 juillet 2019, soit au plus tard le 12 septembre 2019, pour saisir le tribunal, ce qu'elle n'a pas fait, le délai de recours figurant dans le courrier du 29 janvier 2019 ; le titre de recette est donc définitif ; Mme C... ne peut donc plus opposer la prescription de la créance constatée dans un titre de recettes définitif ; en application de l'article 115 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, le titre de recettes lui a été notifié à nouveau par courriel du 7 janvier 2019 ;
- pour des raisons budgétaires, les titres de perception ne sont pas adressés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception mais en courrier simple, ce qui a bien évidemment été fait s'agissant du titre émis à l'encontre de Mme C... ;
- en l'espèce, la prescription de recouvrement est celle de la créance, c'est-à-dire la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil ; le titre a été émis le 1er décembre 2014 et la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales avait donc 5 ans pour poursuivre Mme C... à compter de 1'émission du titre, soit jusqu'au 1er décembre 2019 ; dès lors, la mise en demeure de payer du " 20 décembre 2018 " erronément datée du " 20 décembre 2019 " (erreur de plume), notifiée le 2 janvier 2019, est parfaitement valable.
Par ordonnance du 13 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 décembre 2020 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gilles Taormina, rapporteur,
- les conclusions de M. Renaud Thielé, rapporteur public,
- et les observations de Me Plantin pour la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., étudiante à l'Université Paris 6 durant l'année universitaire 2012/2013, a bénéficié sur cette période d'une bourse sur critères sociaux. Par un titre de perception émis le 1er décembre 2014, le rectorat de Paris lui en a demandé le remboursement pour absences injustifiés aux examens du 1er semestre de ladite année universitaire. En l'absence de paiement, le comptable public lui a adressé deux mises en demeure en date des 20 décembre 2018 et 25 janvier 2019 de payer la somme principale de 4 697 euros, assortie d'une majoration de 470 euros, correspondant aux mensualités du 1er septembre 2012 au 30 juin 2013. Ayant formé opposition à exécution par lettre datée du 9 janvier 2019, qu'elle a transmise par courriel du 12 janvier 2019, contestant ainsi le bien-fondé du titre de recettes émis à son encontre, Mme C... a reçu le 6 février 2019 une nouvelle mise en demeure pour le même objet, datée du 25 janvier 2019 finalement retirée par le comptable public. En réponse à son opposition à contrainte, la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales lui a indiqué, par courrier mentionnant les voies et délais de recours prévus par les articles 117 et 118 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 valant accusé de réception de son recours d'assiette, en date du 29 janvier 2019 présenté à son destinataire le 4 février 2019, avoir transmis par courrier du 6 février 2019 sa réclamation d'assiette à l'ordonnateur du titre de perception, le rectorat de Paris, et rejeter par ailleurs sa contestation relative au recouvrement (opposition à poursuite) de la créance résultant du titre de perception et donc maintenir la mise en demeure de payer. Mme C... a, alors, saisi le tribunal administratif de Montpellier à fin d'annulation des deux mises en demeure émises à son encontre, invoquant la prescription de la créance et celle du recouvrement.
2. Mme C... relève appel du jugement n° 1901443 du 4 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a dit n'y avoir lieu à statuer sur ses conclusions à fin d'annulation de la mise en demeure du 25 janvier 2019 et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête tendant à l'annulation de la mise en demeure du 20 décembre 2018. Elle doit être regardée comme demandant la décharge de l'obligation de payer la somme résultant de cette mise en demeure et du titre de recettes émis à son encontre le 1er décembre 2014.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 113 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 précité : " Le recouvrement des ordres de recouvrer... s'effectue comme en matière d'impôts directs ". Aux termes de l'article 115 du même décret : " Le titre de perception est adressé au redevable sous pli simple ou, le cas échéant, par voie électronique ". Aux termes de l'article 117 du même décret : " Les titres de perception émis en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales peuvent faire l'objet de la part des redevables :/ 1° Soit d'une contestation portant sur l'existence de la créance, son montant ou son exigibilité ; / 2° Soit d'une contestation portant sur la régularité du titre de perception. / Les contestations du titre de perception ont pour effet de suspendre le recouvrement de la créance ". Aux termes de l'article 118 du même décret : " En cas de contestation d'un titre de perception, avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser cette contestation, appuyée de toutes pièces ou justifications utiles, au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer./ Le droit de contestation d'un titre de perception se prescrit dans les deux mois suivant la notification du titre ou, à défaut, du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause./ Le comptable compétent accuse réception de la contestation en précisant sa date de réception ainsi que les délais et voies de recours. Il la transmet à l'ordonnateur à l'origine du titre qui dispose d'un délai pour statuer de six mois à compter de la date de réception de la contestation par le comptable. A défaut d'une décision notifiée dans ce délai, la contestation est considérée comme rejetée. / La décision rendue par l'administration en application de l'alinéa précédent peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de cette décision ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent ". Aux termes de l'article 2224 du code civil : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ".
4. Il résulte de l'instruction et il n'est au demeurant pas contesté que le motif de remboursement de la bourse universitaire réclamé à Mme C... est l'existence d' " absences injustifiées aux examens du premier semestre ". En application des dispositions précitées de l'article 2224 du code civil, le délai de prescription quinquennale du recouvrement comme de la créance a donc commencé à courir à compter de la connaissance par le rectorat de Paris de ces absences, soit en février 2013. Les versements de la bourse d'études étant échelonnés de septembre 2012 à juin 2013, la prescription quinquennale du recouvrement comme de la créance a couru à compter de février 2013 pour les mensualités payées de septembre 2012 à février 2013, puis à compter du paiement de chaque mensualité de mars à juin 2013, pour le remboursement et le recouvrement de chacune de ces mensualités. Le dernier délai de prescription de la créance et du recouvrement a ainsi expiré en juin 2018, à défaut d'actes interruptifs de cette prescription. Cette prescription est interrompue notamment par la notification au redevable du titre de recettes et de mises en demeure. Or, Mme C... conteste, sans pouvoir être infirmée utilement sur ce point par la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales qui reconnaît n'adresser les titres de recettes que par lettre simple pour des raisons d'économies, avoir reçu, dans le délai de prescription, notification du titre de recettes. Dès lors, Mme C... est fondée à soutenir que la créance mise en recouvrement à son encontre par mise en demeure du 20 décembre 2018 notifiée le 2 février 2019 était prescrite. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a considéré que, eu égard à l'intervention du titre de recettes émis à l'encontre de Mme C... le 1er décembre 2014, la créance n'était pas prescrite à la date de la mise en demeure du 20 décembre 2018 notifiée le 2 janvier 2019. Il y a lieu en conséquence d'annuler dans cette mesure ce jugement et de décharger Mme C... de l'obligation de payer résultant de la mise en demeure du 20 décembre 2018 et du titre de recettes émis à son encontre le 1er décembre 2014.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales une somme au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C... qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1901443 du 4 février 2020 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la requête de Mme C... tendant à l'annulation de la mise en demeure du 20 décembre 2018.
Article 2 : Mme C... est déchargée de l'obligation de payer résultant de la mise en demeure du 20 décembre 2018 et du titre de recettes émis à son encontre le 1er décembre 2014.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales.
Copie en sera faite au recteur de l'académie de Paris.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2021, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- M. Gilles Taormina, président assesseur,
- M. François Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 octobre 2021.
N°20MA01515 4