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25/10/2021 | FRANCE | N°19MA03855

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 25 octobre 2021, 19MA03855


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ravestein BV a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le grand port maritime de Marseille (GPMM) à lui verser la somme de 770 282,80 euros toutes taxes comprises au titre de l'exécution du marché de conception, de construction et d'installation d'un bateau-porte de la forme de radoub n° 2, majorée des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts ainsi que de mettre à la charge du grand port maritime de Marseille la somme de 3 000 euros au titre de l'article L

. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1706471 du 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ravestein BV a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le grand port maritime de Marseille (GPMM) à lui verser la somme de 770 282,80 euros toutes taxes comprises au titre de l'exécution du marché de conception, de construction et d'installation d'un bateau-porte de la forme de radoub n° 2, majorée des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts ainsi que de mettre à la charge du grand port maritime de Marseille la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1706471 du 11 juin 2019 le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la société Ravestein BV et mis à sa charge le versement de la somme de 2 000 euros au grand port maritime de Marseille sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 août 2019, 24 septembre et 12 octobre 2020, la société Ravestein BV, représentée par Me Revol, demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le grand port maritime de Marseille à lui verser la somme de 761 156,91 euros toutes taxes comprises au titre de l'exécution du marché de conception, de construction et d'installation d'un bateau-porte de la forme de radoub n° 2, majorée des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge du grand port maritime de Marseille la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire en jugeant sa demande irrecevable au motif que, par application de l'article R. 421-2 du code de justice administrative, le différend serait né du silence gardé par le GPMM sur la lettre de réclamation du 17 novembre 2014 ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que le silence gardé pendant deux mois par l'autorité compétente avait fait naître un différend en application des dispositions de l'article R. 421-2 du code de justice administrative ; ces dispositions ne s'appliquent pas aux mesures prises dans le cadre de l'exécution d'un contrat ;

- sa demande est recevable ; les stipulations de l'article 42 du CCAG-MI relatives à la naissance du différend et au délai pour former une réclamation n'avaient pas vocation à s'appliquer et la société Ravestein était recevable à saisir le juge administratif ; le différend est né, au plus tard, au jour de la saisine du CCIRAL le 16 mars 2015 ; par le mémoire de saisine du CCIRAL, la société Ravestein exposait ses prétentions quant au différend ; à ce mémoire de saisine était notamment jointe la lettre de réclamation du 17 novembre 2014 ; compte tenu de sa teneur, la lettre de réclamation du 17 novembre 2014 valait à l'évidence lettre de réclamation au sens et pour l'application de l'article 42.2 du CCAG-MI ; en application de l'article 127 du code des marchés publics, la saisine du CCIRAL a suspendu les délais de recours contentieux jusqu'à la prise de décision du pouvoir adjudicateur après avis du comité ; l'avis du CCIRAL a été rendu le 17 mars 2017 et notifié aux parties le 6 avril 2017, la décision prise sur cet avis par le GPMM est intervenue le 17 juillet 2017 ; dès lors, le délai de recours contentieux de droit commun n'a commencé véritablement à courir pour la totalité du délai de deux mois qu'à partir du 17 juillet 2017 ; sa demande, enregistrée le 14 septembre 2017, est donc recevable ;

- subsidiairement, les stipulations de l'article 42 du CCAG-MI ont été respectées ; aucun différend n'a pu naître tant au 11 septembre 2014 qu'au 13 octobre 2014 ; sa réclamation, formée le 17 novembre 2014, n'a d'une part donné lieu à aucune réponse formelle de l'administration et d'autre part n'était assortie d'aucun délai de mise en demeure au terme duquel la société aurait pu considérer le silence comme un refus ;

- le titulaire d'un marché public ne renonce pas à demander réparation du préjudice que lui cause un allongement des délais d'exécution du marché lorsqu'il ne formule pas de réserve sur des ordres de service qui ne font que tirer les conséquences de retards sans être à l'origine de ces retards ; en l'espèce, les ordres de service dont le GPMM entend se prévaloir concernent la suspension de l'exécution du marché compte tenu notamment du plan de charge important de la forme de radoub n° 2 ; la fin de non-recevoir soulevée par le GPMM relative à la prétendue absence de réserve aux ordres de service sera par conséquent écartée ;

- elle est fondée à solliciter le paiement des travaux et des prestations supplémentaires indispensables d'un montant total de 533 818,91 euros ; le coût lié à la modification du lest sous le bateau porte et la réalisation de la quille est d'un montant de 55 956,14 euros ; le coût d'installation et d'enlèvement de l'actionneur de marque Rotork, remplacé par un actionneur de marque Auma, s'élève à 7 096,94 euros ; le coût de l'enlèvement du cardan sur la vanne by-pass est de 2 765,39 euros ; la modification du système d'ouverture des trappes doit être payée à hauteur de la somme de 19 219,23 euros ; le coût lié à la réalisation d'une passerelle démontable pour accéder au bateau-porte est de 26 298,59 euros ; l'installation d'un système de trous d'homme supplémentaires a occasionné un coût de 8 719,13 euros ; la demande d'installation de crosses utiles à l'accès aux compartiments constitue une dépense supplémentaire d'un montant de 2 580,29 euros ; la mise en place de portillons de chaque côté de la passerelle doit donner lieu au paiement d'une somme de 9 547,86 euros ; le coût de la mise en place des supports sous-marins s'élève à 15 262,93 euros ; le coût lié au système de fermeture des caillebotis est de 7 834,33 euros ; le coût concernant le mécanisme d'articulation du bateau-porte s'élève à 7 480,73 euros ; une somme de 2 671,20 euros au titre de la conception du support sous eau lui est due ; des prestations supplémentaires, concernant le positionnement des vannes de remplissage, doivent être rémunérées à hauteur de 5 511,42 euros ;

- elle est fondée à solliciter l'indemnisation du préjudice né du retard de livraison et de l'immobilisation sur site de ses personnels et de ses équipements ; les coûts supplémentaires pour le transport et l'immobilisation du bateau-porte sont imputables au pouvoir adjudicateur et doivent lui être payés à hauteur de la somme de 347 153,22 euros ; le report de la date de commencement des travaux a engendré un coût d'immobilisation des équipements et du personnel sur le site d'un montant de 15 721,51 euros ;

- les difficultés rencontrées dans l'exécution du marché, chiffrées et justifiées, sont évaluées à 362 874,73 euros (347 153,22 + 15 721,51) ; ce montant représente près de 41,98 % du montant du marché (base : 864 400 euros hors taxes) ; ces difficultés, indépendamment des travaux supplémentaires qui ont été réalisés, ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat ;

- elle est fondée à solliciter le paiement de la somme de 102 000 euros correspondant à des pénalités de retard appliquées à tort ;

- les travaux de levée des réserves n'ayant pu être effectués pour des raisons imputables au grand port maritime de Marseille, celles-ci doivent être regardées comme ayant été levées ; elle sollicite à ce titre le versement des sommes de 38 898 euros au titre de la restitution de la retenue de garantie, de 64 830 euros au titre du paiement de la facture du 2 février 2015 et de 21 610 euros au titre du paiement de la facture du 6 février 2015 ;

- la retenue pratiquée sur le solde méconnaît les dispositions de l'article 101 du code des marchés publics.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 7 octobre 2019 et 4 novembre 2020, le grand port maritime de Marseille, représenté par la SELARL UGCC avocats, agissant par Me Bainvel, conclut au rejet de la requête et à ce que la société Ravestein BV lui verse une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement n'est pas entaché d'irrégularité ; les premiers juges n'ont pas méconnu le principe du contradictoire ; le GPMM opposait deux fins de non-recevoir tirées, d'une part, de la méconnaissance des dispositions de l'article 42.2 du CCAG-MI à défaut de mémoire en réclamation transmis par la société Ravestein BV après la naissance d'un différend entre les parties et, d'autre part, de la méconnaissance des dispositions de l'article 42.3 du CCAG-MI au vu de la saisine tardive du tribunal à la suite du rejet implicite de la demande indemnitaire de la société RBV, rejet intervenu le 17 janvier 2015 ;

- la demande est irrecevable ; l'article 42 du CCAG-MI est applicable en l'espèce ; que le différend soit né entre les parties au 11 septembre 2014, au 17 janvier 2015 ou au 16 mars 2015, aucun mémoire en réclamation en bonne et due forme n'a été notifié au pouvoir adjudicateur dans les 2 mois de la survenance dudit différend ; la saisine du CCIRAL n'a aucunement eu pour effet de dispenser la société appelante de respecter les dispositions du CCAG-MI s'agissant de la production d'un mémoire en réclamation dans les 2 mois suivant la naissance du différend ; l'appelante échoue à prouver qu'un mémoire en réclamation a été produit dans les délais contractuels ;

- la notification de la décision explicite de rejet de l'avis du CCIRAL intervenue le 17 juillet 2017 a mis un terme à la suspension des délais de recours contentieux à l'encontre de la décision du 17 janvier 2015 ; la portion du délai qui restait à courir était de un jour ; la requête introductive d'instance du 14 septembre 2017 est donc irrecevable de ce fait ;

- la requête est irrecevable en raison de l'absence de réserves aux ordres de services émises conformément à l'article 3.8 du CCAG-MI ;

- la demande indemnitaire est infondée ; elle n'est pas justifiée par l'existence de travaux supplémentaires pouvant donner lieu à rémunération ;

- les pénalités de retard sont justifiées ;

- les réserves n'ayant pas été levées, la société Ravestein BV n'est pas fondée à réclamer le remboursement de la retenue de garantie et le paiement de factures correspondant à des prestations réservées.

Par une ordonnance du 05 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté´ du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics industriels ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... Guillaumont, rapporteur,

- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me Revol pour la société Ravestein BV et de Me Duval-Zouari pour le grand port maritime de Marseille.

Une note en délibéré, présentée pour la société Ravestein BV, a été enregistrée le 12 octobre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement conclu le 1er août 2013, le grand port maritime de Marseille a attribué à la société Ravestein BV un marché, décomposé en deux phases, portant, d'une part, sur la conception, la construction et l'installation d'un nouveau bateau-porte et, d'autre part, sur la dépose, le démantèlement et l'évacuation du bateau-porte existant, situé dans la forme de radoub n° 2. Le montant global et forfaitaire du marché était de 1 033 822,40 euros toutes taxes comprises. Les deux phases du marché ont été respectivement réceptionnées avec réserves le 2 octobre 2014 avec effet au 9 septembre 2014 et le 28 novembre 2014 avec effet au 10 novembre 2014. La société Ravestein BV a ensuite sollicité, par lettre du 17 novembre 2014 adressée au grand port maritime de Marseille, le règlement de travaux supplémentaires d'un montant de 549 974,40 euros. Elle a également saisi le comité consultatif de règlement amiable des litiges (CCIRAL) qui a émis, le 6 avril 2017, l'avis de lui appliquer des pénalités de retard d'un montant de 60 000 euros et de lui accorder une somme de 100 000 euros hors taxes en réparation des préjudices causés par les décisions de suspension de l'exécution du marché prises par le grand port maritime de Marseille. Par un courrier du 17 juillet 2017, le grand port maritime de Marseille a refusé de suivre l'avis rendu. La société Ravestein BV a saisi le tribunal administratif de Marseille le 14 septembre 2017 d'une demande tendant à obtenir la condamnation du grand port maritime de Marseille à lui verser la somme de 770 282,80 euros toutes taxes comprises, majorée des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts. Par un jugement n° 1706471 du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande. La société Ravestein BV fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. (...). "

3. En retenant que le silence gardé par le GPMM pendant deux mois sur la demande formulée le 17 novembre 2014 par la société Ravestein BV avait donné naissance à une décision implicite de rejet et que la société Ravestein BV n'avait pas présenté de mémoire en réclamation au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois suivant la naissance du différend en méconnaissance des prescriptions de l'article 42.2 du CCAG-MI, le tribunal administratif n'a pas, contrairement à ce que soutient la requérante, soulevé d'office un moyen nouveau, mais s'est borné à examiner les fins de non-recevoir opposées par le GPMM en se fondant sur les éléments soumis au débat contradictoire des parties. Par suite, le moyen tiré de ce que le principe du caractère contradictoire de la procédure aurait été méconnu doit être écarté.

4. En second lieu, la régularité du jugement ne dépendant pas de son bien-fondé, la société Ravestein BV ne peut utilement soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une erreur de droit.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. L'article 2 du cahier des clauses administratives particulières du marché en cause renvoie, au titre des documents généraux applicable au marché, au cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics industriels (CCAG-MI) approuvé par arrêté du 16 septembre 2009. Aux termes de l'article 42.2 du chapitre 7 " Différends et litiges " du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics industriels (CCAG-MI) : " Différends entre les parties / 42.1. Le pouvoir adjudicateur et le titulaire s'efforceront de régler à l'amiable tout différend éventuel relatif à l'interprétation des stipulations du marché ou à l'exécution des prestations objet du marché. / 42.2. Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'une lettre de réclamation exposant les motifs de son désaccord, et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Cette lettre doit être communiquée au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion. / 42.3. Le pouvoir adjudicateur dispose d'un délai de deux mois, courant à compter de la réception de la lettre de réclamation, pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation. / Commentaires : Le pouvoir adjudicateur ou le titulaire peut soumettre tout différend qui les oppose au comité consultatif de règlement amiable des litiges, dans les conditions mentionnées à l'article 127 du code des marchés publics ". Aux termes de l'article 127 du code des marchés publics dans sa version applicable au litige : " Les pouvoirs adjudicateurs et les titulaires de marchés publics peuvent recourir aux comités consultatifs de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics dans des conditions fixées par décret. / Ces comités ont pour mission de rechercher des éléments de droit ou de fait en vue d'une solution amiable et équitable. La saisine d'un comité consultatif de règlement amiable interrompt le cours des différentes prescriptions. / La saisine du comité suspend les délais de recours contentieux jusqu'à la décision prise par le pouvoir adjudicateur après avis du comité. / La composition, l'organisation et les modalités de fonctionnement des comités consultatifs, notamment les pouvoirs propres de leurs présidents, sont fixés par décret ".

6. D'une part, l'apparition d'un différend, au sens des stipulations précitées de l'article 42.2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics industriels, entre le titulaire du marché et l'acheteur résulte, en principe, d'une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de l'acheteur et faisant apparaître le désaccord. Elle peut également résulter du silence gardé par l'acheteur à la suite d'une mise en demeure adressée par le titulaire du marché l'invitant à prendre position sur le désaccord dans un certain délai.

7. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative dans sa version applicable au litige : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. / Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi. / La date du dépôt de la réclamation à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête ". Aux termes de l'article R. 421-4 du code de justice administrative : " Les dispositions des articles R. 421-1 à R. 421-3 ne dérogent pas aux textes qui ont introduit des délais spéciaux d'une autre durée ".

8. Pour les contrats qui se réfèrent expressément au cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics industriels, les stipulations de l'article 42-2 régissent seules les modalités de règlement des différends survenus entre les parties.

9. Il résulte de l'instruction qu'une réunion s'est tenue le 11 septembre 2014 entre la société Ravestein BV et le grand port maritime de Marseille au cours de laquelle la requérante a fait part de l'exécution de travaux supplémentaires. Cette réunion a été suivie d'un courrier du 17 novembre 2014 par lequel la société Ravestein BV, se prévalant de cette réunion, s'en est tenue à demander au grand port maritime de Marseille le paiement de travaux supplémentaires d'un montant de 549 974,40 euros. D'une part, il résulte de ce qui a été indiqué au point 6 que la réunion du 11 septembre 2014 ne saurait révéler à elle seule l'existence d'un différend au sens des dispositions précitées de l'article 42.2 du CCAG. D'autre part, dès lors que le courrier du 17 novembre 2014 ne mettait pas le GPMM en demeure de prendre position dans un certain délai sur le désaccord, l'absence de réponse à ce courrier et l'absence de règlement de la somme considérée par le GPMM ne peuvent être regardées comme révélant une prise de position de celui-ci. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a jugé qu'en application des dispositions de l'article R. 421-2 du code de justice administrative l'absence de réponse du grand port maritime de Marseille au courrier du 17 novembre 2014 avait fait naître une décision implicite de rejet le 17 janvier 2015 constitutive du différend au sens des stipulations de l'article 42.2 du CCAG-MI.

10. Néanmoins, d'une part, il résulte de l'instruction que la société Ravestein BV a saisi le comité consultatif de règlement amiable des litiges de ses prétentions indemnitaires à l'égard du GPMM le 16 mars 2015. D'autre part, il résulte également de l'instruction, en particulier de l'avis rendu par ce comité et du rapport de son rapporteur, que dans le cadre de la procédure devant le comité consultatif de règlement amiable des litiges, le GPMM a produit plusieurs mémoires dans lesquels il a refusé de faire droit aux prétentions indemnitaires de la société Ravestein BV et auxquels cette dernière a répliqué. Dans les circonstances de l'espèce, à défaut d'autres circonstances révélant l'apparition du différend à une date antérieure, le différend doit être regardé comme étant apparu à la date à laquelle le premier mémoire en défense produit par le GPMM devant le comité consultatif de règlement amiable des litiges a été communiqué à la société Ravestein BV, soit au plus tard le 15 juillet 2015, date à laquelle la société Ravestein BV a répliqué audit mémoire. Par ailleurs, la société n'établit pas avoir adressé un mémoire en réclamation dans le délai de deux mois à compter de cette date. Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, la saisine du comité consultatif de règlement amiable des litiges ne saurait avoir pour effet de suspendre le délai de deux mois prévu à l'article 42.2 du cahier des clauses administratives générales pour présenter un mémoire en réclamation.

11. Il résulte de ce qui précède que la société Ravestein BV n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du grand port maritime de Marseille, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Ravestein BV demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Ravestein BV une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le grand port maritime de Marseille et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Ravestein BV est rejetée.

Article 2 : La société Ravestein BV versera au grand port maritime de Marseille une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société Ravestein BV et au grand port maritime de Marseille.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Guy Fédou , président,

- M. Gilles Taormina , président assesseur,

- M. B... Guillaumont, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2021.

N° 19MA03855 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03855
Date de la décision : 25/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-08 Marchés et contrats administratifs. - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Olivier GUILLAUMONT
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : UGGC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-10-25;19ma03855 ?
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