La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/10/2021 | FRANCE | N°19MA04363

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 14 octobre 2021, 19MA04363


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les décisions du 12 avril 2019 par lesquelles l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a déclaré irrecevable leur demande de réexamen de demande d'asile et les arrêtés du 7 juin 2019 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éloignement.
<

br>Par un jugement n° 1905786, 1905787 du 8 août 2019, le tribunal administratif de Mars...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les décisions du 12 avril 2019 par lesquelles l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a déclaré irrecevable leur demande de réexamen de demande d'asile et les arrêtés du 7 juin 2019 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éloignement.

Par un jugement n° 1905786, 1905787 du 8 août 2019, le tribunal administratif de Marseille a suspendu l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire français du 7 juin 2019 jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci et a enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer sans délai une attestation de demandeur d'asile à M. et Mme A....

Procédure devant la Cour :

I°) Par une requête N° 19MA04363 enregistrée le 17 septembre 2019, M. B... A..., représenté par Me Henry, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 août 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'État en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen ;

- les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ont été méconnues au regard des menaces de mort qui pèsent sur elle et sur sa famille en cas de retour en Albanie et au regard de sa situation familiale en France ;

- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- le jugement est entaché d'une erreur de fait et d'erreurs de droit.

La requête a été transmise au préfet des Bouches du Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 avril 2021.

II°) Par une requête n° 19MA04364 enregistrée le 17 septembre 2019, Mme D... A..., représentée par Me Henry, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 août 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'État en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen ;

- les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ont été méconnues au regard des menaces de mort qui pèsent sur elle et sur sa famille en cas de retour en Albanie et au regard de sa situation familiale en France ;

- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- le jugement est entaché d'une erreur de fait et d'erreurs de droit.

La requête a été transmise au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... s'est vue refuser le bénéfice de l'aide juridictionnelle, par une décision du 29 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Quenette a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant albanais né le 19 avril 1979, et Mme A..., ressortissante albanaise née le 25 novembre 1988, ont déposé une première demande de réexamen de leur demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, laquelle l'a rejetée pour irrecevabilité par deux décisions du 12 avril 2019. Ils relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Marseille confirmant les arrêtés du 7 juin 2019 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éloignement.

2. Les requêtes n° 19MA04363 et n° 19MA04364 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, des erreurs de droit ou d'appréciation des faits que le premier juge aurait commises.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Les moyens tirés de l'insuffisante motivation et du défaut d'examen de la décision portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination doivent être écartés, par adoption des motifs du tribunal aux points 12, 13, 14, 23 et 24 de son jugement qui n'appellent pas de précision en appel.

5. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de cet article 3 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ". Ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un État pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que celui-ci s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet État, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'État de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

6. Les requérants soutiennent qu'ils risquent d'être exposés, en Albanie, pays dont ils sont originaires, à des traitements inhumains et dégradants, dès lors que M. A..., qui y exerçait la profession de policier, est victime d'une vendetta de la part d'une personnalité notoire, entretenant des liens avec le pouvoir en place, qui a été condamnée à trois ans d'emprisonnement après l'avoir violemment agressé à l'occasion de la verbalisation de son véhicule. M. A... soutient avoir été contacté par le député Murrizi pour retirer sa plainte alors que M. C... avait fait appel, puis par M. C... lui-même. Il se prévaut par ailleurs d'une plainte classée sans suite par le procureur de la république, précisant que M. A... a été menacé par le chauffeur du député Murrizi le 30 mars 2017. S'il est constant que, postérieurement à cette violente altercation, la voiture du père de M. A... chez qui ils logeaient et où des grenades non explosées ont été retrouvées, a été incendiée, les requérants ne justifient pas de la persistance de leurs craintes personnelles et actuelles en cas de retour dans leur pays, en produisant plusieurs documents relatifs à ce dernier, notamment un dépôt de plainte auprès du Procureur de Krujë du 1er mars 2019, une déclaration notariale du 13 juin 2019, une attestation du procureur près le tribunal de grande instance de Krujë du 30 mai 2019, une attestation du chef du village où réside le père de M. A... du 24 juillet 2019 et un rapport médical du 25 juillet 2019, lesquels sont dénués de précisions crédibles et pertinentes sur les raisons d'un acharnement à leur endroit près d'un an et demi après leur départ définitif d'Albanie, ainsi que l'a estimé la Cour nationale du droit d'asile dans un arrêt du 28 août 2019. Par ailleurs, il ressort des différentes pièces produites que les autorités albanaises ont poursuivi et condamné M. C.... Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la CEDH de la décision fixant le pays de destination et, en tout état de cause, de l'obligation de quitter le territoire, doivent être écartés.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. M. et Mme A... soutiennent qu'en prononçant à leur encontre les décisions attaquées, le préfet des Bouches-du-Rhône a porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, dès lors notamment que la sœur de M. A... est présente en France et bénéficie de la protection subsidiaire, que leur troisième enfant est né récemment, le 22 mai 2019, que M. A... a été embauché en contrat à durée indéterminée au sein de la société SRT Formation le 6 mai 2019, que leurs deux premiers enfants sont scolarisés et qu'ils ne peuvent mener en Albanie une vie familiale normale eu égard aux menaces de mort qui pèsent sur eux. Toutefois, il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme A... sont entrés récemment en France, le 15 janvier 2018, et qu'ils ne justifient pas, par les pièces qu'ils produisent, de l'intensité et de la stabilité de leurs liens privés et familiaux sur le territoire. Les seules circonstances que M. A... aurait récemment conclu un contrat à durée indéterminée avec la société SRT Formation et que leurs deux premiers enfants seraient scolarisés en France pour la rentrée du mois de septembre 2019 ne suffit pas à le démontrer. Par ailleurs, les requérants ne justifient pas être dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine où ils ont vécu jusqu'en décembre 2017 et où il est établi que résident les parents de M. A.... S'ils soutiennent craindre pour leur vie en cas de retour dans leur pays d'origine, cela n'est pas établi ainsi qu'il a été dit au point 6. Dans ces circonstances, les décisions attaquées n'ont pas porté au droit de M. et Mme A... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elles ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle.

9. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. Si les requérants soutiennent que le risque de vendetta en Albanie met en danger la vie et l'intégrité de leurs trois enfants en cas de retour dans leur pays d'origine, ils n'établissent pas de la persistance de ce risque ainsi qu'il a été dit au point 6. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que l'obligation de quitter le territoire vers l'Albanie porterait atteinte à l'intérêt supérieur de leurs enfants et méconnaîtrait par suite les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation des décisions d'obligation de quitter le territoire français prononcées à l'encontre de M. et Mme A... et fixant le pays de destination doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent jugement, qui rejette les conclusions présentées à fin d'annulation des obligations de quitter le territoire français prononcées à l'encontre de M. et Mme A... et fixant le pays de destination, n'implique aucune mesure d'injonction.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

13. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A..., à Me Henry et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2021, où siégeaient :

- M. Chazan, président de chambre,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 octobre 2021.

7

N° 19MA04363, 19MA04364

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04363
Date de la décision : 14/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Marc-Antoine QUENETTE
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : SELARL HENRY TIERNY AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-10-14;19ma04363 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award