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04/10/2021 | FRANCE | N°20MA03887

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 04 octobre 2021, 20MA03887


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 octobre 2020, 12 mars 2021 et 15 avril 2021, la SAS Distribution Casino France, représentée par la SELARL Concorde avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté de permis de construire du Maire de Roquefort-les-Pins portant le n° PC 00610519T0065 du 21 août 2020, en ce qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Roquefort-les-Pins la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 octobre 2020, 12 mars 2021 et 15 avril 2021, la SAS Distribution Casino France, représentée par la SELARL Concorde avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté de permis de construire du Maire de Roquefort-les-Pins portant le n° PC 00610519T0065 du 21 août 2020, en ce qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Roquefort-les-Pins la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable, ayant intérêt pour agir ;

- le dossier présente des insuffisances et méconnait donc l'article R. 752-6 du code de commerce, en ce qui concerne la nature des activités exercées dans les cellules commerciales, les flux de circulation et les équipements envisagés ; il a été irrégulièrement fractionné pour tromper la Commission nationale d'aménagement commercial ;

- le projet méconnait les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce en ce qui concerne les objectifs en matière d'animation de la vie urbaine, d'aménagement du territoire et de développement durable ;

- le projet est incompatible avec le plan local d'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 et 9 février 2021, 1er et 27 avril 2021, la SNC Roquefort-les-Pins - Centre village, représentée par Me Camus, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS Distribution Casino France une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société requérante ne dispose d'aucun intérêt pour agir ;

- les moyens soulevés par la SAS Casino Distribution France ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2021, la commune de Roquefort-les-Pins, représentée par la SELARL Plenot-Suares-Blanco-Orlandini, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS Distribution Casino France une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- La requête est irrecevable faute de justification des titres de la SAS Distribution Casino France lui permettant d'agir ;

- Les moyens invoqués ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la société " Les nouveaux constructeurs ", à la SAS Bérénice pour la ville et le commerce et à la Commission nationale d'aménagement commercial qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marcovici,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Girard, représentant la SAS Distribution Casino France, de Me Camus, représentant la SNC Roquefort-les-Pins - Centre village, et de Me Gadd, représentant la commune de Roquefort-les-Pins.

Considérant ce qui suit :

1. La commission départementale d'aménagement commercial des Alpes Maritimes a, le 15 novembre 2019, émis un avis favorable à une demande de permis de construire valant autorisation d'exploiter un ensemble de 2194 m2 de vente comprenant treize boutiques pour une surface de vente de 1793 m2 et une halle de marché de 401 m2, prévu sur le territoire de la commune de Roquefort-les-Pins. Par un arrêté du 21 août 2020, le maire de la commune a autorisé la construction valant autorisation d'exploiter d'un ensemble de onze boutiques d'une superficie de 916 m2 constituant une extension de cet ensemble commercial, après avis positif de la commission départementale le 15 janvier 2020 et de la Commission nationale d'aménagement commercial le 25 juin 2020. La SAS Casino Distribution France demande l'annulation de cet arrêté.

2. Si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale d'aménagement commercial, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la Commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables. En l'espèce, la commission nationale a satisfait à cette obligation. Le moyen tiré de ce qu'elle aurait entaché sa décision d'une insuffisance de motivation doit donc être écarté.

3. Si, comme il est rappelé au paragraphe 1, la Commission nationale a examiné le 15 janvier 2020 un projet d'extension de l'ensemble commercial en cause, il n'en résulte pas que le projet aurait été irrégulièrement fractionné, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis lui-même, du rapport de présentation devant la Commission, et des avis des ministres chargés de l'urbanisme et chargé du commerce, que la Commission a pu examiner en toute connaissance de cause le projet dans sa globalité.

4. Aucune disposition légale ou réglementaire, et notamment pas l'article R 752-6 du code de commerce, n'exige que les preneurs des différentes boutiques qui sont inférieures à trois cents mètres carrés ou même leur secteur d'activité, figurent dans le dossier de demande. Au demeurant, le dossier indiquait, pour l'ensemble commercial de 3110 m2 où est situé le projet en cause, la répartition prévisible de l'activité des boutiques et de la halle. Si la requérante reproche également au projet l'absence d'étude d'impact du projet, il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a produit une étude d'impact dans le dossier qu'il a déposé, comportant également une étude des flux de circulation suffisante. Si la SAS Distribution Casino France soutient que la Commission nationale ne disposait pas des informations suffisantes concernant le financement des équipements nécessaires au projet, notamment sur la " voirie locale pour permettre une connexion entre l'impasse du plan de la rocaille et le chemin du Valbois " et " la réalisation de l'extension des aménagements le long de la départementale... ", il ressort des pièces du dossier que ces équipements sont prévus par le contrat de concession d'aménagement, dont les requérants n'établissent pas l'inopposabilité par la seule affirmation non établie de sa nullité, et seront réalisés par le porteur du projet. Au total, la Commission disposait des éléments lui permettant de donner un avis éclairé sur le projet.

5. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- ... / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / ... / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. ". Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

6. Le projet est situé dans une zone destinée à recevoir des immeubles d'habitation et n'avoir qu'une influence marginale sur les commerces de centre-ville, qui ont pour activité, à 40 % de commerce alimentaire, et dont le taux de vacance actuel est faible. Il devrait avoir surtout pour effet de résorber l'évasion commerciale, et d'assurer la cohérence de l'offre commerciale, actuellement en déficit. De fait, le projet aura pour effet de renforcer l'animation de la vie urbaine. Le projet est économe en termes de consommation d'espace, et limite l'imperméabilisation des sols, 58 % des places de stationnement étant situées dans un parking en infrastructure souterraine. Il prévoit également un nombre important de places aériennes pour les automobiles, une part significative étant équipées pour la recharge des véhicules électriques. Des places destinées aux vélos sont également prévues ainsi que le covoiturage et l'autopartage. Des accès vélos et piétons sont prévus par le projet. Les impacts sur la circulation sont limités y compris en période de pointe où des réserves de capacité subsistent. Par ailleurs, la toiture sera en partie végétalisée. Contrairement aux affirmations de la société requérante, une partie des sols est déjà artificialisé, et les parkings sont en partie aériens, de manière à limiter ladite artificialisation. La bonne insertion paysagère est soulignée par l'avis du ministre chargé de l'urbanisme, la construction étant dans le style provençal du pays. Sa qualité environnementale est également bonne. Le nombre d'arbres est augmenté de plus de la moitié. Si le projet ne permet pas de s'assurer de la diversité de l'offre à venir, il n'en résulte pas que l'objectif de protection des consommateurs soit méconnu. Au total, le projet ne méconnait pas les dispositions de l'article L 752-6 du code du commerce.

7. Aux termes de l'article L. 752-17 du code du commerce : " I. - Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, (...) tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. (...) / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. (...) ". L'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme dispose que : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. (...) ".

8. La société requérante a saisi la Cour en se prévalant de sa qualité de professionnelle dont les activités sont susceptibles d'être affectées par le projet. Il s'ensuit que le moyen qu'elle soulève tiré de ce que le permis de construire attaqué est contraire aux dispositions du plan local d'urbanisme, qui est relatif à la régularité du permis en tant qu'il vaut autorisation de construire, est inopérant.

Sur les frais du litige :

9. La commune de Roquefort-les-Pins n'ayant pas la qualité de partie perdante à l'instance, les conclusions de la SAS Distribution Casino France fondées sur les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. En revanche, il y a lieu sur le fondement de ces mêmes dispositions de mettre à la charge de la SAS Distribution Casino France une somme de 3 000 euros, à verser à la SNC Roquefort-les-Pins - Centre village et une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Roquefort-les-Pins.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Distribution Casino France est rejetée.

Article 2 : Il est mis à la charge de la SAS Distribution Casino France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à la SNC Roquefort-les-Pins - Centre village et une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Roquefort-les-Pins.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à SNC Roquefort-les-Pins - Centre village, à la SAS Distribution Casino France, à la commune de Roquefort-les-Pins à la société " Les nouveaux constructeurs " et à la SAS Bérénice pour la ville et le commerce.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2021, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président-assesseur,

- M. Merenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2021.

2

N° 20MA03887


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme - Régime issu de la loi du 3 janvier 1986 sur le littoral.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme - Schéma d'aménagement de la Corse.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SELARL CONCORDE AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 04/10/2021
Date de l'import : 12/10/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20MA03887
Numéro NOR : CETATEXT000044167144 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-10-04;20ma03887 ?
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