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04/10/2021 | FRANCE | N°20MA00010

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 04 octobre 2021, 20MA00010


Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 3 janvier, 15 mai et 26 novembre 2020, la société Carrefour Hypermarchés, représentée par Frêche et associés AARPI, demande à la cour :

1°) d'annuler le permis de construire délivré le 5 novembre 2019 par le maire de la commune de La Ciotat à la société Seydis SHO en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de la commune de La Ciotat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial est insu...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 3 janvier, 15 mai et 26 novembre 2020, la société Carrefour Hypermarchés, représentée par Frêche et associés AARPI, demande à la cour :

1°) d'annuler le permis de construire délivré le 5 novembre 2019 par le maire de la commune de La Ciotat à la société Seydis SHO en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de la commune de La Ciotat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial est insuffisamment motivé ;

- le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale est incomplet ;

- la zone de chalandise a été sous-évaluée ;

- la CNAC a inexactement apprécié l'impact du projet en matière d'aménagement du territoire et de développement durable.

Par des observations en défense, enregistrées le 14 avril et le 9 juin 2020, la société Seydis SHO, représentée par la SCP Bouyssou et associés, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par la société Carrefour Hypermarchés ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Carrefour Hypermarchés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2020, la commune de La Ciotat, représentée par la SELARL Drai associés, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par la société Carrefour Hypermarchés ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société requérante n'a pas intérêt à agir ;

- les moyens soulevés par la société Carrefour Hypermarchés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la Commission nationale d'aménagement commercial qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Merenne,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Bail, représentant la commune de La Ciotat, et de Me Bouyssou, représentant la société Seydis SHO.

Considérant ce qui suit :

1. La société Seydis SHO a demandé le 24 novembre 2018 au maire de la commune de La Ciotat un permis de construire un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique (" drive "), comprenant dix pistes de ravitaillement. La commission départementale d'aménagement commercial des Bouches-du-Rhône a rendu un avis favorable sur le projet le 25 avril 2019. La Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), à l'issue de sa séance du 12 septembre 2019, a notamment rejeté le recours de la société Carrefour Hypermarchés et émis un avis favorable sur le projet de la société Seydis SHO. Le maire de la commune de La Ciotat a délivré le permis de construire demandé par un arrêté du 5 novembre 2019. La société Carrefour Hypermarchés demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la motivation de l'avis de la CNAC :

2. Contrairement à ce que soutient la société requérante, l'avis de la CNAC du 12 septembre 2019 comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, y compris les éléments de fait retenus pour considérer que le projet respectait les objectifs fixés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Cet avis est par suite suffisamment motivé, conformément à l'article R. 752-16 du même code.

Sur le caractère complet du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale :

3. En premier lieu, si la société requérante se prévaut d'une erreur dans la délimitation de la zone de chalandise du projet, elle n'établit pas en quoi une telle erreur, à la supposer même établie, aurait été de nature à fausser l'appréciation portée par la Commission nationale, d'autant plus que l'argumentation de la société requérante s'appuie sur les éléments communiqués par le pétitionnaire à la CNAC concernant la part de la clientèle résidant en dehors de la zone de chalandise.

4. En deuxième lieu, il résulte du a) du 2° de l'article R. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable que le dossier doit comprendre une carte ou un plan indiquant les limites de la zone de chalandise, accompagné des éléments justifiant les chiffres avancés lorsqu'il est fait état d'une fréquentation touristique dans la zone de chalandise. Le pétitionnaire a indiqué au dossier de demande que la fréquentation touristique de la zone était importante, et justifié les chiffres qu'il a avancés concernant le nombre de résidences secondaires sur les communes de Ceyreste, La Ciotat et Cassis. Il n'avait pas avancé de chiffres concernant l'hébergement hôtelier ou les locations saisonnières et n'avait donc pas à en justifier.

5. En troisième lieu, si le plan prévu au b) du 2° de l'article R. 752-6 n'indique pas les disponibilités foncières connues dans un rayon d'un kilomètre autour du projet, l'existence de disponibilités foncières qui auraient pu, le cas échéant, être utilement portées à la connaissance de la Commission ne ressort pas des pièces du dossier.

6. En quatrième lieu, s'agissant des études de trafic prévues au c) du 4° de l'article R. 752-6, la société requérante ne précise pas en quoi les comptages réalisés en mai 2016 et en mai 2017 seraient obsolètes. Aucune disposition n'imposait de les réaliser au cours de la période estivale. Les flux journaliers de circulation ont été établis sur la base d'une étude de marché et d'une étude de trafic réalisés au bénéfice du pétitionnaire par des cabinets spécialisés. Leurs conclusions ne sont pas utilement remises en cause par la société requérante, dont les allégations ne relèvent pas d'un niveau technique équivalent.

7. En cinquième lieu, la création par le pétitionnaire de trois ouvertures sur la voie publique se rapporte aux modalités d'accès immédiat au site, et non à sa desserte par les axes de circulation et les moyens de transport. La société requérante ne peut utilement soutenir que les dispositions du g) du 4° de l'article R. 752-6, qui porte sur les aménagements envisagés de la desserte du projet, auraient imposé de joindre au dossier de demande des documents garantissant le financement et la réalisation effective de tels aménagements à la date d'ouverture de l'équipement commercial. Ces dispositions n'imposent pas non plus la production des autorisations prévues par d'autres législations pour les réaliser.

8. En sixième lieu, la société requérante fait valoir que l'impact environnemental et sanitaire des produits et équipements de construction et de décoration listés au dossier de demande n'a pas été évalué sur l'ensemble de leur cycle de vie. Il résulte du c) du 5° de l'article R. 752-6 que seuls les produits et équipements ayant fait l'objet d'une telle évaluation doivent faire l'objet d'une liste descriptive, lorsque le pétitionnaire entend faire valoir cet élément au titre des effets du projet en matière de développement durable. Il suit de là que l'absence d'une telle évaluation n'est pas de nature à rendre le dossier incomplet.

9. Le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande doit donc être écarté.

Sur l'objectif d'aménagement du territoire :

10. En premier lieu, le projet est situé dans une la zone d'activité Athelia, au nord-ouest de la commune de La Ciotat. Cette zone dédiée aux activités économiques comprend déjà plusieurs sites commerciaux où il est usuel pour la clientèle de se rendre en voiture. Sa localisation est complémentaire de celle des établissements similaires déjà ouverts. Le projet réhabilite une friche industrielle. Enfin, le critère prévu au c) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce n'implique pas qu'un projet soit nécessairement implanté en centre-ville pour être autorisé, en particulier compte tenu de la nature de celui autorisé.

11. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la commune de La Ciotat comprend déjà trois points permanents de retrait exploités par des grandes enseignes. L'impact du projet sur le petit commerce ne peut donc être que marginal compte tenu de l'offre similaire préexistante. En outre, selon l'article de presse produit au dossier, les difficultés du centre-ville de la commune de La Ciotat ont d'autres causes que la création de points permanents de retrait. Il n'est donc pas établi que le projet porterait atteinte à l'animation de la vie urbaine.

12. En troisième lieu, les conditions de manœuvre des véhicules de livraison sur le site du projet ne se rapportent pas aux flux de transport générés par ce dernier. Elles sont étrangères à l'appréciation portée par la CNAC sur le respect de l'objectif d'aménagement du territoire.

13. En quatrième lieu, ainsi que l'a retenu la CNAC, des travaux de réfection de la voirie ont été réalisés afin de sécuriser la circulation des piétons et des véhicules, et d'éviter les difficultés d'accès pour les véhicules lourds. Si la société requérante fait valoir que ces travaux seraient insuffisants, elle ne l'établit pas, et ce, quelle que soit la disposition exacte des potelets anti-stationnement et du marquage au sol. En outre, la version du projet sur laquelle la CNAC a rendu un avis favorable ne nécessite pas la réalisation de manœuvres de recul sur la voie publique par les véhicules de livraison. La société requérante n'établit pas non plus, par les éléments qu'elle fournit, que le projet génèrerait aux heures de pointe une file d'attente de véhicules de la clientèle excédant la capacité d'accueil du site. Enfin, l'argumentation par laquelle elle conteste l'estimation des flux de véhicules doit être écartée pour les mêmes motifs que ceux vus au point 6.

14. La CNAC n'a donc pas inexactement qualifié les faits en considérant que le projet ne portait pas atteinte à l'objectif d'aménagement du territoire.

Sur l'objectif de développement durable :

15. Au titre de la qualité environnementale, la CNAC a retenu que le projet prévoyait une toiture végétalisée de 1 028 mètres carrés, une amélioration de la performance énergétique par rapport à la réglementation thermique 2012, divers dispositifs d'économies d'énergie et de gestion des déchets, l'installation de 67 panneaux photovoltaïques et la mise en place d'un revêtement perméable sur les aires de stationnement réservées au personnel, permettant de porter la perméabilité à 17,8% du terrain d'assiette du projet. En outre, ce terrain d'une superficie de 2 700 mètres carrés est une friche industrielle, dont la réhabilitation contribue à une consommation économe de l'espace. Il n'est pas établi que le projet entraînera une imperméabilisation du sol compte tenu de la forte imperméabilisation du site existant. Le projet prévoit également la création de 316 mètres carrés d'espaces verts. Le fait que la cuve destinée au recueil des eaux pluviales ait une capacité de 60 ou 70 mètres cubes est indifférent.

16. Pour estimer que l'insertion architecturale et paysagère du projet était satisfaisante, la CNAC a retenu, outre la toiture végétalisée, que sa hauteur avait été réduite à 9 mètres, et qu'il comportait des couleurs et matériaux sobres. Le projet est situé dans une zone industrielle. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne dissimule pas la végétation environnante et les paysages alentours. La société requérante n'établit pas, au regard de l'argumentation qui lui est opposée en défense, que le basalte prévu pour le bardage ne serait pas effectué avec un matériau caractéristique des filières de production locale.

17. Le seul fait que le projet génère des flux de véhicules ne suffit pas pour considérer qu'il serait à l'origine de nuisances au détriment de son environnement proche. Il n'est pas établi que le projet entraînera une congestion de trafic à proximité directe de la voie d'accès à l'autoroute, à supposer qu'une telle congestion puisse être regardée comme une nuisance au sens du c) du 2° de l'article L. 752-6.

18. Compte tenu de ces éléments, la CNAC n'a pas non plus inexactement qualifié les faits en considérant que le projet ne portait pas atteinte à l'objectif de développement durable.

19. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Carrefour Hypermarchés n'est pas fondée à demander l'annulation du permis de construire délivré le 5 novembre 2019 par le maire de la commune de La Ciotat à la société Seydis SHO en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale. Il n'est dès lors pas nécessaire de se prononcer sur la fin de non-recevoir invoquée par la commune en défense.

Sur les frais liés au litige :

20. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société Carrefour Hypermarchés versement de la somme de 3 000 euros à la commune de La Ciotat et à la société Seydis SHO au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens.

21. En revanche, les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société requérante sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Carrefour Hypermarchés est rejetée.

Article 2 : La société Carrefour Hypermarchés versera à la commune de La Ciotat et à la société Seydis SHO la somme de 3 000 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Carrefour Hypermarchés, à la commune de La Ciotat et à la société Seydis SHO.

Copie en sera adressée à la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2021, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Merenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2021.

6

No 20MA00010


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00010
Date de la décision : 04/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : DRAI ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-10-04;20ma00010 ?
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