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01/10/2021 | FRANCE | N°20MA04860

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 01 octobre 2021, 20MA04860


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... M'Houmadi a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2020 par lequel le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an assortie d'un signalement aux fins de non-admission dans le système informatique Schengen.

Par un jugement n° 2009197 du 1er décembre 2020, la magistrate désignée par la présidente du

tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 26 novembre 2020 et a enjo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... M'Houmadi a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2020 par lequel le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an assortie d'un signalement aux fins de non-admission dans le système informatique Schengen.

Par un jugement n° 2009197 du 1er décembre 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 26 novembre 2020 et a enjoint au préfet du Var de délivrer sans délai à M. M'Houmadi une attestation de demandeur d'asile.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 décembre 2020 et le 27 août 2021, le préfet du Var demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille du 1er décembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. M'Houmadi devant le tribunal administratif de Marseille.

Il soutient qu'en l'absence de démarche volontaire de M. M'Houmadi en vue de demander l'asile en vertu des dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'invocation de toute crainte ou danger en cas de retour de l'intéressé dans son pays d'origine, la demande d'asile qu'il a présentée après son interpellation apparaît dilatoire et ne faisait donc pas obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement à son encontre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2021, M. M'Houmadi, représenté par Me Hamchache, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à l'autorité préfectorale de lui délivrer une carte de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer le temps de cet examen un récépissé valant autorisation provisoire de séjour et de travail sous la même condition d'astreinte et enfin à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de séjour qui lui a été opposé, la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, ainsi que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français assortie d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen sont insuffisamment motivés ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est en outre entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision lui interdisant de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an assortie d'une inscription au fichier SIS est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est en outre entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

M. M'Houmadi a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guidal a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. M'Houmadi, de nationalité comorienne, est entré en France en 2008 selon ses déclarations. La demande de titre de séjour qu'il avait présentée en qualité de parent d'enfant français a été rejetée par un arrêté du 19 juin 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône, ce refus étant assorti d'une obligation de quitter le territoire français. L'intéressé s'est soustrait à l'exécution de cette mesure d'éloignement en ne se présentant pas à l'embarquement du vol réservé à cette fin. Il a toutefois été interpellé lors d'un contrôle d'identité et, par un arrêté du 26 novembre 2020, le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 1er décembre 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté. Le préfet du Var relève appel de ce jugement.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 741 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) / L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. Toutefois, ce délai peut être porté à dix jours ouvrés lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément. (...) / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2. / Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention. ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office (...). " L'article L. 743-2 dudit code dispose que : " Par dérogation à l'article L. 743-1, (...) le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : 5° L'étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; / 6° L'étranger fait l'objet d'une décision définitive d'extradition vers un Etat autre que son pays d'origine ou d'une décision de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande de remise par une cour pénale internationale ; (...)". Enfin, aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " Lorsque l'étranger se présente en personne auprès de l'office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, en vue de demander l'asile, la personne est orientée vers l'autorité compétente. "

3. Ces dispositions ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au préfet une demande d'asile formulée par un étranger à l'occasion de son interpellation. Il résulte également de ces dispositions que le préfet est tenu d'enregistrer cette demande d'asile et, hors les cas visés à l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, concernant l'hypothèse d'un ressortissant étranger placé en rétention, et aux 5° et 6° de l'article L. 743-2 du même code, de délivrer au demandeur l'attestation mentionnée à l'article L. 741-1 de ce code lorsque l'étranger a fourni l'ensemble des éléments mentionnés à l'article R. 741-3 ou, lorsque la demande est incomplète ou les empreintes inexploitables, de convoquer l'intéressé à une date ultérieure pour compléter l'enregistrement de sa demande ou pour procéder à un nouveau relevé de ses empreintes. Ce n'est que dans l'hypothèse où l'attestation de demande d'asile n'a pas été préalablement délivrée par le préfet sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 743-2 que ce dernier peut, le cas échéant, sans attendre que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ait statué, faire obligation à l'étranger de quitter le territoire français.

4. En l'espèce, il ressort du procès-verbal de son audition par les services de police, le 26 novembre 2020, que M. M'Houmadi a déclaré s'être rendu en France pour voir son père, de nationalité française et rester auprès de lui, n'avoir jamais fait l'objet de " pressions " particulières dans son pays d'origine et souhaiter ne pas y retourner mais seulement se maintenir sur le territoire français " pour vivre bien, car on a une bonne vie en France ". Ainsi, lors de cette audition à la question : " Avez-vous effectué une demande d'asile en France ou dans un autre Etat de l'espace Schengen ' ", M. M'Houmadi a répondu : " J'ai demandé à rester en France avec mon père ". Si après avoir été informé qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement à destination des Comores il a déclaré " je veux rester en France et demande l'asile ", il n'a jamais soutenu dans le même temps avoir fait l'objet dans son pays d'origine de risques pour sa liberté ou son intégrité physique non plus que pour sa vie ni y être exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Au demeurant, invité par courrier du 14 décembre 2020, pris en exécution du jugement attaqué, à se présenter au guichet unique des demandeurs d'asile de la préfecture des Bouches-du-Rhône pour y déposer sa demande d'asile, l'intéressé s'est abstenu de toute démarche en ce sens. Compte tenu des conditions dans lesquelles cette déclaration a été formulée et alors qu'elle n'était étayée par aucun élément précis et circonstancié, M. M'Houmadi ne peut être regardé comme ayant entendu solliciter l'asile au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 741 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, les autorités de police n'étaient pas tenues de transmettre au préfet du Var cette prétendue demande, ni le préfet de l'enregistrer.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Var est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a estimé que la demande d'asile présentée par M. M'Houmadi lors de son interpellation faisait obstacle à ce qu'il édicte à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai et annule, pour ce motif, l'arrêté du 26 novembre 2020.

6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. M'Houmadi devant le tribunal administratif et devant la Cour.

Sur les autres moyens soulevés par M. M'Houmadi à l'encontre de l'arrêté du 26 novembre 2020 du préfet du Var :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige vise les textes applicables ainsi que le refus de séjour qui a été opposé à M. M'Houmadi le 5 octobre 2019 et l'existence d'une précédente mesure d'éloignement à l'exécution de laquelle il s'est soustrait, qu'il mentionne des éléments circonstanciés relatifs tant à ses conditions de séjour en France qu'à sa situation personnelle et familiale et qu'il fait état de ce que ces éléments ne méconnaissent pas les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'il précise que si ce dernier a déclaré vouloir rester en France et demander l'asile, les éléments dont il fait état ne justifient pas la non mise à exécution de la mesure d'éloignement. Ainsi, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire n'est pas entachée d'insuffisance de motivation. L'arrêté en litige, s'il fait obligation à M. M'Houmadi de quitter le territoire français sans délai, ne porte pas refus de délivrance à l'intéressé d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce qu'un tel refus serait insuffisamment motivé est inopérant.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. M'Houmadi a reconnu le 25 novembre 2020, soit la veille de l'arrêté contesté, à la mairie du 7ème secteur de Marseille, l'enfant dont Mme A... C... était alors enceinte. Si l'intéressé soutient qu'il vit en concubinage avec cette dernière qui est de nationalité française, il n'apporte aucun justificatif probant de nature à établir l'existence d'une vie commune avec l'intéressée. S'il fait état de la présence en France de son père, sans au demeurant en justifier, il n'est pas établi qu'il serait dépourvu de toute attache personnelle et familiale dans son pays d'origine où demeurent ses trois frères et ses deux sœurs. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux buts en vue desquels il a pris la décision en litige et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Ces stipulations s'appliquent, conformément à l'article 1er de cette convention, à " tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable ". Il en résulte qu'elles ne peuvent être utilement invoquées pour contester la légalité d'une décision faisant obligation à un étranger de quitter le territoire français antérieure à la naissance de l'enfant.

11. En l'espèce, l'enfant reconnu par M. M'Houmadi, issu de sa relation alléguée avec Mme A... C... n'était pas encore né à la date de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision méconnaîtrait les stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant est inopérant.

12. En quatrième lieu, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Aux termes de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit, sauf s'il constitue une menace pour l'ordre public, " à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ". Toutefois, comme il a été dit précédemment, à la date de la décision contestée, l'enfant dont M. M'Houmadi a reconnu la paternité n'était pas encore né. Dès lors il ne peut davantage se prévaloir utilement de ces dernières dispositions.

13. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qui est soutenu, le préfet du Var a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. M'Houmadi avant de prendre à son encontre une mesure d'éloignement.

En ce qui concerne la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

14. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, les moyens tirés respectivement de ce que la décision en litige serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ne peuvent qu'être écartés.

15. En deuxième lieu, la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation maque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

16. En troisième et dernier lieu, il ne ressort, ni des motifs de la décision en litige, ni des autres pièces du dossier, que le préfet du Var se serait abstenu de procéder, compte tenu des éléments portés à sa connaissance, à un examen particulier de la situation personnelle de M. M'Houmadi. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire serait entachée d'une erreur de droit à défaut d'un tel examen ne peut être accueilli.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

17. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination vise notamment l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise la nationalité de M. M'Houmadi et indique que celui-ci n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à ces dispositions, ni aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, M. M'Houmadi n'est pas fondé à soutenir que cette décision ne serait pas suffisamment motivée.

18. En second lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

19. Si M. M'Houmadi soutient que sa vie est en danger en cas de retour aux Comores, il n'apporte aucune précision ni aucun justificatif à l'appui de cette allégation. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant les Comores comme pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne précitée et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

20. Aux termes du troisième paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".

21. En premier lieu, pour justifier l'adoption d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an à l'encontre de M. M'Houmadi, le préfet du Var a retenu que l'intéressé était présent sur le territoire français depuis une date indéterminée mais en tout état de cause depuis au moins le 2 avril 2011 date de délivrance de son passeport, qu'il s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement et se maintenait irrégulièrement sur le territoire français et que, nonobstant les circonstances qu'il avait déclaré que son père et son amie vivaient en France et que son comportement ne représentait pas une menace pour l'ordre public, il était célibataire et sans charge de famille. Dans ces conditions, le préfet a suffisamment motivé sa décision au regard des critères énoncés au troisième paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.

22. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

23. En troisième lieu, eu égard aux conditions du séjour en France de M. M'Houmadi et aux circonstances relatives à sa vie privée et familiale mentionnées au point 9 du présent arrêt, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre serait injustifiée et disproportionnée dans son principe et dans sa durée. Par suite, les moyens tirés de ce que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

24. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Var est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a annulé son arrêté du 26 novembre 2020 faisant obligation à M. M'Houmadi de quitter le territoire français sans délai et lui interdisant de retourner sur le territoire national pendant une durée d'un an. Dès lors, il y a lieu d'annuler les articles 2 à 4 de ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. M'Houmadi devant le tribunal administratif de Marseille. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par l'intéressé à fin d'injonction et d'astreinte et ses conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2009197 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille du 1er décembre 2020 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M'Houmadi devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M'Houmadi et ses conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... M'Houmadi et à Me Hamchache.

Copie en sera adressée au préfet du Var et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er octobre 2021.

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N° 20MA04860

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04860
Date de la décision : 01/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-01-01-01 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. - Légalité interne. - Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite. - Demandeurs d'asile. - Demande ayant un caractère dilatoire.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SCP HAMCHACHE - RIAHI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-10-01;20ma04860 ?
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