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30/09/2021 | FRANCE | N°19MA00663

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 30 septembre 2021, 19MA00663


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1°) L'association Avenir d'Alet, la Ligue de protection des oiseaux de l'Aude (LPO) et l'association aide à l'initiative pour le respect de l'environnement (AIRE) ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 mai 2016 du préfet de l'Aude par lequel il a accordé un permis de construire modificatif n° PC 011 406 07 H0008-M01 pour " la modification d'un poste de livraison " sur la commune de Véraza à la société Véraza Energies.

Par un jugement n° 1604230 du 7 décem

bre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

2°) L'as...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1°) L'association Avenir d'Alet, la Ligue de protection des oiseaux de l'Aude (LPO) et l'association aide à l'initiative pour le respect de l'environnement (AIRE) ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 mai 2016 du préfet de l'Aude par lequel il a accordé un permis de construire modificatif n° PC 011 406 07 H0008-M01 pour " la modification d'un poste de livraison " sur la commune de Véraza à la société Véraza Energies.

Par un jugement n° 1604230 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

2°) L'association Avenir d'Alet, la LPO de l'Aude et l'association AIRE ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 juin 2017 du préfet de l'Aude, par lequel il a accordé un permis de construire modificatif n° PC 011 406 07 H0008-M02 pour " la modification d'un poste de livraison " sur la commune de Véraza à la société Véraza Energies et la décision implicite de rejet née du silence gardé sur son recours gracieux.

Par un jugement n° 1706155 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 19MA00663, le 9 février 2019, le 24 juin 2019 et le 23 novembre 2020, la LPO de l'Aude, l'association Avenir d'Alet et l'association AIRE, représentées par la SCP Cabinet Darribere, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1604230 du 7 décembre 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler le permis de construire modificatif n° PC 011 406 07 H0008-M01 du 10 mai 2016 délivré par le préfet de l'Aude ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- elles ont intérêt pour agir ;

- le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation en mettant à leur charge une somme à verser à la société Véraza Energies ;

- la société n'a pas engagé de frais d'avocat ;

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

- l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme a été méconnu et les sociétés ont commis des manœuvres frauduleuses, dès lors que au moins deux sociétés déposent une demande sur le même terrain en vue d'éviter d'avoir recours à la procédure de lotissement prévue à l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme, ou à tout le moins de division parcelle ;

- le signataire de la demande ne disposait d'aucun mandat à cet effet ;

- la société ne disposait d'aucun droit pour construire sur le terrain ;

- à cet égard, elles sollicitent la communication de la promesse de bail passée avec le propriétaire du terrain du 21 décembre 2015 et le bail emphytéotique du 31 octobre 2017 ;

- l'enquête publique sur le lieu des constructions projetées n'a pas été affichée dans le cadre du permis initial ;

- le contenu de la demande de permis modificatif est frauduleux dès lors qu'elle ne concerne pas à titre principal la modification de la position du poste de livraison mais bouleverse son aspect ;

- le formulaire de demande ne mentionne ni la parcelle concernée, ni la superficie du terrain concerné ;

- la demande de permis de construire a fait une présentation frauduleuse au regard des dispositions des articles R. 111-2, R. 111-5 et R. 111-26 du code de l'urbanisme ;

- le gestionnaire de la voie n'a pas donné son accord, contrairement à ce que prévoit l'article R. 421-15 du code de l'urbanisme ;

- les documents graphiques du dossier de demande de permis sont erronés ;

- le dossier de demande ne comprend pas les éléments mentionnés aux articles R. 431-9 et 16 du code de l'urbanisme ;

- l'étude d'impact est entachée de carences ;

- l'arrêté est entaché d'un vice de forme dès lors qu'il ne mentionne ni le numéro de la parcelle, ni sa superficie ;

- le conseil départemental ne s'est pas prononcé sur la faisabilité de l'opération ;

- l'arrêté ne mentionne pas l'avis défavorable conforme de la CDPENAF ;

- la décision a été rendue en l'absence d'avis conforme de la CDPENAF laquelle présente le caractère d'une garantie dans le cadre d'une telle procédure;

- l'arrêté qui tente de contourner l'avis défavorable de la CDPENAF est entaché de détournement de procédure ;

- le permis relevant d'une autorisation unique telle que prévue à l'article L. 181-1 du code de l'environnement devait respecter les dispositions du code de l'environnement, au regard de la sensibilité du site, de la protection du paysage montagnard et de l'intérêt des lieux et de la protection de la biodiversité ;

- le permis modificatif a été délivré en l'absence de permis de construire initial en ce qu'il ne concernait pas le poste de livraison, ce qui caractérise des manœuvres frauduleuses ;

- le poste de livraison est une construction distincte du permis modificatif et ne pouvait donner lieu à permis modificatif ;

- la société a commis des manœuvres frauduleuses en ce que le permis modificatif constitue un bouleversement de l'architecture du poste ;

- la société pétitionnaire a commis des manœuvres frauduleuses en ce que l'arrêté autorisant le poste de livraison a été obtenu sans avis préalable de la CDPENAF alors qu'elle avait précédemment émis un avis défavorable sur le projet et en ce qu'elle n'a pas fait une présentation sincère des impératifs d'accès au site et des atteintes à l'environnement ;

- le préfet a entaché l'arrêté d'incompétence négative au regard des dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté méconnait la règle de distance mentionnée à l'article R. 111-16 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme ;

- l'article R. 111-15 est illégal dès lors qu'il ne permet pas à l'administration de faire respecter les dispositions des articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'urbanisme et il est contraire à la législation européenne, en particulier l'article 6 de la directive " Habitat " du 21 mai 1992 ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 aujourd'hui reprises à l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et L. 122-9 du code de l'urbanisme ;

- le permis de construire dans un site Natura 2000 devait être refusé.

Par des mémoires enregistrés le 23 avril 2019, le 4 novembre 2019 et le 21 décembre 2020, la société Véraza énergies, représentée par Me Elfassi, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de chacune des associations.

Elle soutient que :

- les associations n'ont pas intérêt pour agir ;

- les moyens tirés de l'insuffisance du dossier au regard des dispositions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme et de l'article R. 423-1 du même code sont tardifs en application de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme ;

- les autres moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2020, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les associations n'ont pas intérêt pour agir ;

- les dispositions des articles L. 111-4 et L. 111-5 du code de l'urbanisme ne sont pas applicables de sorte que le moyen est inopérant ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Une ordonnance portant clôture immédiate de l'instruction a été émise le 5 janvier 2021.

Les associations Avenir d'Alet, la Ligue de protection des oiseaux de l'Aude et l'association aide à l'initiative pour le respect de l'environnement ont présenté un mémoire enregistré le 13 septembre 2021 qui n'a pas été communiqué.

II. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le numéro 19MA00664, le 9 février 2019, le 1er juillet 2019, le 23 novembre 2020, le 10 décembre 2020 et le 4 janvier 2021, la LPO de l'Aude, l'association Avenir d'Alet et l'association AIRE, représentées par la SCP Cabinet Darribere, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1706155 du 7 décembre 2018 du tribunal administratif de Montpellier;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 27 juillet 2017 et la décision implicite de rejet du recours gracieux déposé le 28 août 2017 contre le permis modificatif n° PC 011 406 07 H008 M02 ;

3°) d'enjoindre au pétitionnaire d'engager une étude environnementale et en particulier une étude des incidences sur les deux sites Natura 2000 et de déposer une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées au titre des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le premier mémoire en défense de la société Véraza Energies qui ne permet d'identifier aucune personne physique représentant la société est irrecevable ;

- elles ont intérêt pour agir ;

- le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation en mettant à leur charge une somme à verser à la société Véraza Energies alors que la société défenderesse n'a pas fait appel à un avocat et n'ont pas exposé de frais d'avocat ;

- le principe de l'égalité des armes n'a pas été respecté devant le tribunal dès lors qu'elles n'ont disposé que de 11 jours pour examiner le mémoire en défense intervenu avant la clôture de l'instruction ;

- elles se réfèrent aux moyens soulevés en première instance ;

- le permis de construire initial étant illégal, le permis modificatif est illégal par voie de conséquence ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision attaquée concernait uniquement un poste de livraison ;

- la décision a été prise par une autorité incompétente ;

- l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme a été méconnu et les sociétés ont commis des manœuvres frauduleuses, dès lors que au moins deux sociétés déposent une demande sur le même terrain en vue d'éviter d'avoir recours à la procédure de lotissement prévue à l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme, ou à tout le moins de division parcellaire ;

- la société ne disposait d'aucun droit pour construire sur le terrain ;

- à cet égard, elles sollicitent la communication de la promesse de bail passée avec le propriétaire du terrain du 21 décembre 2015 et du bail emphytéotique du 31 octobre 2017 ;

- le dossier de demande ne comprend pas les éléments mentionnés aux articles R. 431-5 du code de l'urbanisme relatifs aux accès ;

- la société a commis un détournement de procédure en ne fournissant pas à l'administration les informations nécessaires relatives aux accès et aménagements de sorte que les prescriptions du permis sont entachées de carence ;

- l'étude d'impact est entachée de carences, ce qui caractérise des manœuvres frauduleuses et n'est plus d'actualité ;

- le dossier était insuffisant dès lors qu'il ne mentionne pas les éléments permettant d'apprécier le respect des dispositions des articles R. 111-2 et R. 111-5 et L. 332-8 du code de l'urbanisme, en ce qui concerne la voirie et les accès, ne mentionne pas l'alimentation électrique, qu'il ne mentionne pas les travaux indispensables pour les réseaux contrairement à ce que prévoit l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme, qu'il ne comprend ni étude d'impact, ni l'étude d'évaluation de l'incidence du projet sur un site Natura 2000 en violation de l'article R. 431-16, qu'il comporte des erreurs pour l'appréciation de la règle de distance prévue à l'article R. 111-16 du même code, qu'il ne comporte pas l'autorisation prévue à l'article R. 414-27 du code de l'environnement ;

- le permis modificatif a été délivré en l'absence de permis de construire initial ;

- le permis a été délivré en l'absence d'avis conforme de la CDPENAF ;

- le préfet de l'Aude n'a pas exercé ses prérogatives s'agissant de la desserte et des accès et pour lesquels il ne pouvait déléguer ses pouvoirs au président du conseil départemental, et en ce qui concerne la protection de l'environnement des paysages et de la biodiversité ;

- l'arrêté méconnaît l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme dès lors que le projet nécessite des aménagements publics exceptionnels ;

- le permis est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles R. 111-2 et R. 111-5 du code de l'urbanisme ;

- le permis de construire initial ne pouvait être accordé compte tenu de l'insuffisance des accès ;

- les autorisations requises du gestionnaire de la voirie pour créer des accès n'ont pas été obtenues et les prescriptions de l'arrêté concernant les aménagements routiers sont insuffisantes ce qui caractérise un détournement de procédure ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme ;

- l'article R. 111-26 méconnaît l'article 6 de la directive n° 92/43/CEE Habitat Faune Flore ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de reprises à l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme au regard de l'atteinte à l'intérêt des lieux et à la biodiversité et L. 122-9 du code de l'urbanisme ;

- le permis relevant d'une autorisation unique telle que prévue à l'article L. 181-1 du code de l'environnement devait respecter les dispositions du code de l'environnement, au regard de la sensibilité du site, de la protection du paysage montagnard et de l'intérêt des lieux et de la protection de la biodiversité ;

- l'autorisation environnementale contestée est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des article L. 411-1 et suivants du code de l'environnement ;

- l'autorisation nécessitait d'engager une procédure de dérogation aux mesures de protection des espèces protégées en application des dispositions R. 411-6 du code de l'environnement ;

- le permis modificatif n'a pas régularisé les illégalités dont était entaché le permis initial et le premier permis modificatif ;

- elles se réfèrent à leurs écritures initiales s'agissant de l'implantation de l'éolienne E3.

Par des mémoires enregistrés le 26 avril 2019, le 19 décembre 2019, le 21 décembre 2020 et le 31 décembre 2020, la société Véraza Energies, représentée par Me Elfassi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de chacune des associations.

Elle soutient que :

- les associations n'ont pas intérêt pour agir ;

- les moyens soulevés sont infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2020, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les associations n'ont pas intérêt pour agir ;

- les moyens sont infondés.

Une ordonnance portant clôture immédiate de l'instruction a été émise le 5 janvier 2021.

Les associations Avenir d'Alet, la Ligue de protection des oiseaux de l'Aude et l'association aide à l'initiative pour le respect de l'environnement ont présenté un mémoire enregistré le 13 septembre 2021 qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chazan,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,

- et les observations de M. Dargegen, président de l'association Avenir d'Alet, et de Me Surteauville, substituant Me Elfassi, représentant la société Saint-Salvayre Energies.

Deux notes en délibéré, présentées par les associations requérantes, ont été enregistrées respectivement le 21 septembre 2021 dans la requête n° 19MA00664 et le 29 septembre 2021 dans la requête n° 19MA00663.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de l'Aude a délivré à la société Véraza Energies le 20 décembre 2014, un permis de construire trois éoliennes et un poste de livraison. Par un arrêt n° 17MA03931 du 30 juin 2020, la Cour a rejeté la requête des associations " ligue pour la protection des oiseaux - Aude (LPO Aude), " Avenir d'Alet " et " aide à l'initiative pour le respect de l'environnement " (AIRE). Par ailleurs, le préfet de l'Aude a délivré le 10 mai 2016 un premier permis modificatif à cette société n° PC 011 406 07 H0008-M01 portant sur la modification de l'implantation du poste de livraison et son aspect extérieur. Il a délivré, le 27 juin 2017, un deuxième permis de construire modificatif n° PC 011 406 07 H0008-M02 apportant des compléments au dossier du permis, apportant des précisions sur l'accès au poste de livraison depuis la voirie départementale et modifiant le tracé pour l'accès aux éoliennes elles-mêmes. Les associations LPO-Aude, Avenir d'Alet et AIRE relèvent appel sous le numéro 19MA00663 du jugement n° 1604230 du 7 décembre 2018, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation l'arrêté du préfet de l'Aude du 10 mai 2016 et sous le numéro 19MA00664 du jugement n° 1706155 du 7 décembre 2018, par lequel il a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du même préfet du 27 juin 2017.

2. Les requêtes n° 19MA00663 et 19MA00664 présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur la recevabilité des mémoires en défense de la société Véraza Energies :

3. Si la présentation des mémoires de la société Véraza Energies par ministère d'avocat ne la dispense pas de justifier que l'action a été engagée par une personne justifiant d'une qualité à cet effet, il ressort des pièces du dossier qu'en l'espèce, l'action est engagée pour le compte du gérant de cette société, lequel a qualité pour agir de plein droit au nom de celle-ci, conformément aux dispositions de l'article L. 223-18 du code de commerce. Par suite, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les mémoires de cette société sont irrecevables en l'absence d'identification de son représentant.

Sur la régularité des jugements de première instance :

S'agissant de la méconnaissance du principe de l'égalité des armes par le jugement n° 1706155 du 7 décembre 2018, du tribunal administratif de Montpellier :

4. Les associations requérantes font valoir que le principe de l'égalité des armes n'a pas été respecté devant le tribunal dès lors qu'elles n'ont disposé que de onze jours pour examiner le mémoire en défense du préfet de l'Aude intervenu avant la clôture de l'instruction.

5. Il incombe au juge, dans la mise en œuvre de ses pouvoirs d'instruction, de veiller au droit des parties et notamment d'assurer la mise en œuvre du principe de l'égalité des armes, à laquelle contribue notamment le respect du principe du contradictoire. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Aude a produit un mémoire en défense le 31 mai 2018, communiqué aux associations requérantes le 1er juin 2018, qu'elles indiquent avoir reçu le 3 juin 2018, onze jours avant intervention de la clôture de l'instruction le 15 juin 2018. Alors que la société Véraza avait déjà présenté un mémoire en défense le 9 mars 2018, ce mémoire se bornait à conclure au rejet de la requête, sans invoquer de moyen nouveau et n'apportait aucun élément quant à l'intérêt pour agir des associations que le tribunal n'a pas reconnu. Dans ces conditions, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le jugement attaqué a été rendu en violation du principe d'égalité des armes.

S'agissant de la recevabilité des demandes de première instance :

6. Aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. " ;

7. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'une association n'est recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision individuelle relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol que si elle a déposé ses statuts en préfecture avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. Il appartient au juge administratif, lorsque cette condition est remplie, d'apprécier si l'association requérante justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision qu'elle attaque en se fondant sur les statuts tels qu'ils ont été déposés à la préfecture antérieurement à la date de l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.

8. D'autre part, lorsqu'un requérant, sans avoir contesté le permis initial, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Il appartient dans tous les cas au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

9. En l'espèce, les associations requérantes ont formé un recours contre le permis initial, lequel a été rejeté ainsi qu'il a été dit par l'arrêt précité du 30 juin 2020 et ont contesté dans des instances distinctes les permis modificatifs. Le permis modificatif n° 1 consiste à modifier l'implantation du poste de livraison et son aspect extérieur et à en réduire très légèrement la surface de plancher. Le permis modificatif n° 2 précise l'accès au poste de livraison depuis la voirie départementale, complète la notice du projet initial, met à jour le plan de masse, complète le plan de végétation, corrige une erreur affectant les coordonnées de l'éolienne E3 et modifie le tracé du chemin d'accès aux éoliennes en substituant un tracé rectiligne à un trajet sinueux à la suite de la suppression de deux éoliennes par rapport au projet initial, ainsi que leur plateforme d'accès. Il comporte une réserve tenant à ce que l'itinéraire d'accès pour l'acheminement des convois fasse l'objet d'une reconnaissance préalable pour apprécier si d'éventuels travaux d'aménagement du domaine routier sont nécessaires. Contrairement à ce que soutiennent les associations, il ne ressort d'aucune pièce du dossier, au vu notamment des formulaires de demande de permis, qu'ils autoriseraient le déplacement de l'éolienne E3. Dès lors, il y a lieu d'examiner l'intérêt pour agir des associations au regard de la portée des modifications apportées par ces permis modificatifs contestés dans la présente instance.

10. Enfin, aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. ". Il résulte de ces dispositions qu'une association n'est recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision individuelle relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol que si elle a déposé ses statuts en préfecture avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. Il appartient au juge administratif, lorsque cette condition est remplie, d'apprécier si l'association requérante justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision qu'elle attaque en se fondant sur les statuts tels qu'ils ont été déposés à la préfecture antérieurement à la date de l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.

En ce qui concerne l'association LPO-Aude :

11. Aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 142-1 du code de l'environnement dans sa version applicable : " Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 ainsi que les associations mentionnées à l'article L. 433-2 justifient d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément. ".

12. Il ressort des pièces du dossier que la LPO de l'Aude est une association agréée pour la protection de l'environnement. En vertu de ses statuts, elle a pour objet " la protection des oiseaux et des écosystèmes dont ils dépendent, et pour cela elle travaille (...) à obtenir une stricte application des lois et règlements qui protègent les oiseaux et les écosystèmes dont ils dépendent. ". Si les dispositions précitées du code de l'environnement lui permettent de contester par la voie du recours pour excès de pouvoir toute décision administrative ayant un rapport direct avec cet objet sans que puisse lui être opposée l'étendue de son ressort géographique, elles ne la dispensent pas -et lui imposent au contraire expressément - de justifier des effets dommageables, pour l'environnement, de la décision contestée.

13. En l'espèce, l'association ne précise pas l'atteinte aux intérêts qu'elle défend qui résulterait des modifications apportées au permis initial par les permis modificatifs litigieux. La modification de l'aspect extérieur du poste de livraison n'est pas de nature à donner intérêt pour agir à cette association, compte tenu de son objet. La LPO de l'Aude ne saurait invoquer utilement les dommages allégués causés à l'environnement par les éoliennes reliées au poste de livraison litigieux, dès lors que celles-ci ont fait l'objet d'un permis de construire distinct et ne constituent pas, avec le poste de livraison, un ensemble immobilier unique. Le raccordement de l'installation litigieuse au réseau électrique se rattache à une opération distincte de celle de la délivrance d'un permis de construire. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'installation du poste de livraison nécessiterait " des saignées dans la route d'accès ". En tout état de cause, les permis litigieux n'autorisent aucuns travaux d'aménagement routier. Au surplus, de tels travaux relèvent de conditions d'exécution du permis initial et de ses modificatifs, de sorte que les dommages allégués du fait de leur exécution, qui devrait le cas échéant donner lieu à une décision du gestionnaire de la voie, sont sans incidence sur la légalité des permis contestés dans la présente instance. Il résulte de ce qui précède que l'association LPO de l'Aude ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour contester les permis modificatifs délivrés à la société Véraza Energies.

En ce qui concerne l'association Avenir d'Alet :

14. Il ressort de l'article 2 de ses statuts que cette association a pour objet " la promotion d'Alet, la sauvegarde du patrimoine architectural culturel, et le rappel des intérêts communaux " et qu'elle envisage des actions " pour un urbanisme mettant en valeur les monuments classés (...) et les sites classés (agglomération d'Alet dans son ensemble) ", " lutte contre l'urbanisme désordonné défigurant notre village ", " protection des sites naturels et de la rivière ". Cet objet statutaire, dans les termes où il est rédigé, doit être regardé comme circonscrit au territoire de la commune d'Alet-les-Bains. Il est toutefois de nature à conférer à l'association Avenir d'Alet un intérêt pour agir contre des projets extérieurs à ce territoire mais comportant pour celui-ci un impact de nature à porter atteinte aux intérêts qu'elle s'est donnée pour objet de défendre. Il appartient à cet égard à la requérante d'établir l'existence d'un tel impact.

15. L'association fait valoir que le poste de livraison litigieux est situé à moins de 700 mètres du territoire de la commune alors qu'une grande partie du site Natura 2000 Hautes-Corbières se trouve sur son territoire. Elle invoque également, alors qu'elle fait valoir qu'elle a également pour objet la promotion du tourisme, l'importance du site touristique du hameau de Saint-Salvayre, lequel comporte une église classée monument historique, permet une vue panoramique sur la chaine des Pyrénées et le Pic de Bugarach qui est un site classé, et notamment la présence de circuits de randonnées équestres et pédestres et d'un site d'escalade. Toutefois, le permis modificatif n°1, se borne à substituer une construction avec bardage bois à une construction en pierre, l'installation d'un poste de livraison étant déjà autorisée par le permis initial. Le projet n'est pas situé sur le territoire de la commune d'Alet et pas davantage dans " l'agglomération " d'Alet. Il n'est ni établi ni allégué qu'il porterait atteinte aux vues sur les paysages naturels depuis le hameau de Saint-Salvayre, ni même qu'il serait visible depuis ce hameau. Ainsi qu'il a été dit, les permis n'autorisent aucun déplacement des éoliennes et les réseaux électriques associés au projet devront donner lieu à une autorisation distincte. Enfin, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les modifications litigieuses seraient susceptibles d'avoir un quelconque impact sur la fréquentation des circuits de randonnées qui passent à proximité de l'installation et traversent également le territoire de la commune ou sur celle du site d'escalade. Dans ces conditions, les permis litigieux ne peuvent être regardés comme susceptibles de porter atteinte aux intérêts défendus par l'association " Avenir d'Alet ". Dès lors, cette association ne justifie pas d'un intérêt pour les contester.

En ce qui concerne l'association aide à l'initiative dans le respect de l'environnement (AIRE) :

16. Cette a association poursuit son objet statutaire dans le pays de la Haute-Vallée de l'Aude " (huit cantons) ". En vertu de l'article 2 de ses statuts, elle a notamment pour objet " d'exercer une vigilance constante contre toute nuisance à notre environnement dans le souci de préserver notre milieu écologique " et de " Lutter contre l'urbanisme désordonné, les constructions, occupations des sols et aménagements inopportuns ".

17. L'association AIRE se borne à invoquer l'atteinte aux paysages résultant de l'installation d'un poste de livraison déjà autorisé par le permis initial. La modification de son aspect extérieur, lequel, ainsi qu'il a été dit consiste à substituer une construction habillée par un bardage bois à une construction en pierre, n'est pas de nature à lui donner un intérêt suffisant pour contester le permis litigieux. Pour le surplus, alors que le projet ne prévoit pas de déplacement d'éoliennes, elle n'invoque aucune atteinte aux intérêts qu'elle entend défendre en rapport direct avec les autres modifications apportées au permis initial, s'agissant du contenu du dossier ou de l'accès aux éoliennes, introduites par les permis litigieux. Ainsi elle ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour les contester.

18. Il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a jugé qu'elles ne justifiaient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le juge de première instance :

19. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne font pas obstacle à ce que soit mise à la charge de la partie perdante une somme demandée par une personne morale au titre des frais exposés dans l'instance et non compris dans les dépens, alors même que cette personne morale n'a pas été représentée par un avocat. En l'espèce, la société Véraza Energies, représentée par son gérant en première instance, a fait état de frais exposés. Il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment au volume des écritures échangées entre les parties dans chacune des requêtes de première instance, qu'en limitant la somme mise à la charge de chaque association à 750 euros, le tribunal n'aurait pas tenu compte de leur situation économique, au demeurant non étayée, ou de l'équité. Dès lors, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal a mis la somme litigieuse à leur charge au profit de la société Véraza Energies.

Sur les frais exposés en appel :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de mettre à la charge des associations requérantes, la somme que la société Véraza Energies leur demande au titre des frais exposés, non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la LPO de l'Aude et autres sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la requête d'appel de la société Véraza Energies tendant l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Ligue pour la Protection des Oiseaux de l'Aude, à l'association aide à l'initiative pour le respect de l'environnement, à l'association Avenir d'Alet, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la Société Véraza Energies.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2021.

3

N°19MA00663, 19MA00664

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00663
Date de la décision : 30/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-04 Procédure. - Introduction de l'instance. - Intérêt pour agir.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Guillaume CHAZAN
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : SCP CABINET DARRIBERE;SCP CABINET DARRIBERE;SCP CABINET DARRIBERE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-09-30;19ma00663 ?
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