La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/09/2021 | FRANCE | N°21MA00081

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 16 septembre 2021, 21MA00081


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer une carte de résident, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000787 du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire complémentaire enr

egistrés sous le numéro 21MA0082 les 8 janvier et 17 mars 2021, Mme C..., représentée par Me Mazas, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer une carte de résident, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000787 du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés sous le numéro 21MA0082 les 8 janvier et 17 mars 2021, Mme C..., représentée par Me Mazas, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer une carte de résident, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et la décision de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une carte de résident dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 35 et 75 de la loi d 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions en litige sur sa situation personnelle ;

- le tribunal n'a pas correctement analysé le moyen tiré de la méconnaissance de la Directive du 25 novembre 2003 ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- le préfet a commis une erreur de droit et méconnu le champ d'application de la loi ; elle peut se prévaloir de l'article L. 314-1 du code de l'entrée et du séjour des estrangers et du droit d'asile ; en outre l'article 11 de l'accord franco-ivoirien est incompatible avec la Directive 2003/109/CE ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L 314-2 et L. 314-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions en litige sur sa situation personnelle ;

- le litige soulève une question de droit nouvelle qui doit être transmise pour avis au Conseil d'Etat et ne devrait pas être dispensé de conclusions du rapporteur public.

Le préfet de l'Hérault a produit des mémoires en défense les 2 et 19 mars 2021 par lesquels il conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés.

II. Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés sous le numéro 21MA00081 les 8 janvier et 27 mars 2021, Mme C..., représentée par Me Mazas, demande à la Cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 juin 2020 ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une carte de résident dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 35 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

- l'exécution de la mesure d'éloignement risque d'entrainer pour elle des conséquences difficilement réparables ;

- elle invoque des moyens sérieux d'annulation tirés du défaut de motivation, de l'erreur dans le champ d'application de la loi, de l'erreur de droit, de l'erreur manifeste d'appréciation.

Le préfet de l'Hérault a produit des mémoires en défense les 2 et 19 mars 2021 par lesquels il conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été accordé à Mme C... par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention franco-ivoirienne relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Abidjan le 21 septembre 1992 ;

- la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me Mazas représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... relève appel du jugement du 26 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer une carte de résident, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et la décision de rejet de son recours gracieux.

2. Les affaires enregistrées sous les n° 21MA00081 et 21MA00082 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, Mme C... n'ayant soulevé le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions portant refus de carte de résident et obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle que dans un mémoire du 14 avril 2020, produit après clôture de l'instruction intervenue par ordonnance du 3 avril 2020 et non communiqué, le tribunal administratif de Montpellier n'avait pas à statuer sur un tel moyen. Mme C... n'est donc pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient omis de statuer sur ce moyen.

4. En second lieu, Mme C... a soulevé en première instance le moyen tiré de " l'erreur dans le champ d'application de la loi, moyen d'ordre public, du refus de titre de séjour ", en se référant aux articles 11 de l'accord franco-ivoirien du 21 septembre 1992, L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et 4 et 6 de la Directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003. Le tribunal administratif a répondu à ce moyen sur l'ensemble de ces fondements légaux, notamment en rappelant que la requérante ne pouvait utilement se prévaloir des articles 4 et 6 de la Directive dès lors que son article 3-2 exclut les étudiants de son champs d'application. Dans ces conditions, le tribunal a répondu au moyen soulevé et Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait commis une " erreur d'analyse " ou omis de statuer sur ce moyen.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. En premier lieu, le préfet de l'Hérault a indiqué que Mme C..., qui avait séjourné en France pendant trois ans sous couvert de titres étudiants ne pouvait bénéficier d'une carte de résident longue durée CE dès lors que les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile excluait la prise en compte des titres étudiants pour calculer la durée de la résidence ininterrompue en France et a ainsi suffisamment motivé son refus de délivrance d'une carte de résident. Le préfet de l'Hérault n'avait pas à viser l'article L. 314-1 du même code qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne définit pas une catégorie de carte de résident, ni d'ailleurs les autres dispositions des articles L. 314-9 à 314-15 du même code qui, elles, définissent les diverses catégories de cartes de résident. Le moyen tiré du défaut de motivation ne pourra donc qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent code régit l'entrée et le séjour des étrangers en France métropolitaine (...). Ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales ". Aux termes de l'article 11 de la convention franco-ivoirienne relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Abidjan le 21 septembre 1992 : " Après trois années de résidence régulière et non interrompue, les ressortissants de chacune des Parties contractantes établis sur le territoire de 1'autre Partie peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans, dans les conditions prévues par l'État d'accueil. Ce titre de séjour est renouvelable de plein droit, et les droits et taxes exigibles lors de sa délivrance ou de son renouvellement sont fixés dans les conditions prévues par la législation de l'Etat d'accueil ".

7. D'autre part, aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France, conforme aux lois et règlements en vigueur, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 313-6, L. 313-8 et L. 313-9, aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 313-10, aux articles L. 313-11, L. 313-11-1, L. 313-14 et L. 314-9, aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 9° de l'article L. 314-11 et aux articles L. 314-12 et L. 315-1 peut obtenir une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-CE " s'il dispose d'une assurance maladie. La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence. Les moyens d'existence du demandeur sont appréciés au regard de ses ressources qui doivent être stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues aux articles L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles et L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement (...) ". Enfin aux termes de l'article 3 de la Directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 : " La présente directive s'applique sans préjudice des dispositions plus favorables : b) des accords bilatéraux déjà conclus entre un Etat membre et un pays tiers avant la date d'entrée en vigueur de la présente directive. ".

8. Il résulte de la combinaison de ces stipulations et dispositions que si, en application des stipulations précitées de l'article 11 de la convention franco-ivoirienne, les ressortissants ivoiriens peuvent prétendre à la délivrance d'une carte de résident dès qu'ils justifient de trois années de résidence régulière et ininterrompue sur le territoire français, ils ne peuvent obtenir ce titre que, ainsi que l'indique cet article 11, " dans les conditions prévues par la législation de l'Etat d'accueil ".

9. Or, s'il ressort des pièces du dossier que Mme C... justifie d'une résidence régulière et ininterrompue d'au moins trois années sur le territoire français dès lors qu'elle est entrée régulièrement en France en 2010 et qu'elle a depuis lors bénéficié de titres de séjour et d'autorisations provisoires de séjour lui permettant de se maintenir sur le territoire français de manière régulière, il est constant que Mme C... a disposé de titres de séjour en qualité d'étudiante. Or, les dispositions précitées de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile exigent que, pour bénéficier d'une carte de résident longue durée, l'étranger puisse justifier d'un séjour régulier en France sous couvert de l'une des cartes de séjour énumérées à cet article au nombre desquelles ne figure pas le titre de séjour portant la mention " étudiant ". En outre, contrairement à ce qui est soutenu, Mme C... ne peut se prévaloir de l'article L. 314-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne définit pas une catégorie de carte de résident, ni en tout état de cause, des dispositions des articles L. 314-9 à L. 314-15 du même code définissant les diverses catégories de cartes de résident, dont elle ne remplit pas les conditions. Ainsi, le préfet de l'Hérault pouvait, pour ce seul motif, refuser de délivrer à Mme C... une carte de résident de dix ans.

10. En outre, contrairement à ce que soutient Mme C..., il n'existe aucune contrariété entre les stipulations de l'article 11 de l'accord franco-ivoirien, réduisant de cinq à trois ans la durée requise de présence régulière en France pour obtenir une carte de résident longue durée, et les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et au séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article 4 de la Directive du 25 novembre 2003 précitée fixant une durée de résidence de cinq ans, dès lors que la Directive s'applique sans préjudice des accords bilatéraux déjà conclus entre un Etat membre et un pays tiers, en vertu de son article 3 b).

11. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur de droit, aurait méconnu le champ d'application de la loi et de ce qu'il existerait une contrariété entre les disposions et stipulations précitées de l'accord franco-ivoirien, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la Directive du 25 novembre 2003 ne peuvent être qu'écartés.

12. En troisième lieu, dès lors que Mme C... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer une carte de résident, elle ne peut utilement soutenir qu'elle remplirait les conditions d'intégration prévues par l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou ne constituerait pas une menace à l'ordre public au sens de l'article L. 314-3 du même code, et que le préfet aurait ainsi commis une erreur manifeste d'appréciation.

13. En quatrième lieu, Mme C... est présente en France depuis l'année 2010 sous couvert de titres de séjour en qualité d'étudiante qui ne lui donnaient pas vocation à s'installer durablement sur le territoire français. Mme C... est célibataire et sans enfant, et n'a travaillé à temps partiel que de manière accessoire à ses études, comme le lui permettait son statut d'étudiante. Dans ces conditions, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle en refusant de lui délivrer une première carte de résident de dix ans.

14. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir le Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative dès lors que le présent litige ne soulève aucune question de droit nouvelle, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en litige, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

15. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 2000787 du 26 juin 2020, les conclusions de la requête n° 21MA00081 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

16. Par voie de conséquence du rejet des conclusions aux fins d'annulation, il y a lieu de rejeter les conclusions aux fins d'injonction présentées par la requérante.

Sur les frais liés au litige :

17. L'Etat n'étant pas partie perdante à la présente instance, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par Mme C... sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et " 35 " et 75 de la loi d 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21MA00081 de Mme C....

Article 2 : La requête n° 21MA00082 de Mme C... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à Me Mazas et au ministre de l'intérieur.

Copies en sera adressée au préfet de l'Hérault

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021 où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 septembre 2021.

2

N° 21MA00081, 21MA00082

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00081
Date de la décision : 16/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Elisabeth BAIZET
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : CABINET MAZAS - ETCHEVERRIGARAY;CABINET MAZAS - ETCHEVERRIGARAY;CABINET MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-09-16;21ma00081 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award