Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2010159 du 19 avril 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 mai 2021, Mme D..., représentée par Me Mboup, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... Guillaumont, rapporteur,
- et les observations de Me Mboup, représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Entrée pour la première fois en France le 11 novembre 2013, Mme D..., née le 28 juillet 1967 et de nationalité arménienne, a demandé le 13 août 2020 à se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 novembre 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté cette demande et ordonné l'éloignement de l'intéressée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme D..., entrée en France en novembre 2013, y résidait de manière continue depuis sept ans à la date de l'arrêté attaqué. Par ailleurs, si la mère de la requérante, âgée de quatre-vingt-dix ans, réside toujours en Arménie, il ressort des pièces du dossier que Mme D... est veuve depuis mars 2013 et que ses trois enfants, nés respectivement en 1988, 1989 et 1991, résident régulièrement en France depuis plusieurs années, de même que les petits-enfants A... la requérante. Mme D... doit dès lors être regardée comme ayant implanté l'essentiel de ses attaches familiales en France, où elle apparaît en outre bien insérée socialement. Elle est dès lors fondée à soutenir que, dans les circonstances particulières de l'espèce, le préfet des Bouches-du-Rhône a violé les stipulations précitées en rejetant sa demande de titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 novembre 2020 et, par conséquent, que ce jugement et cet arrêté doivent être annulés.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
6. Il y a lieu, eu égard au motif d'annulation énoncé ci-dessus et en l'absence de tout changement intervenu dans la situation de Mme D..., d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme D... d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2010159 du tribunal administratif de Marseille du 19 avril 2021 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 novembre 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme D... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme D... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2021, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- M. Gilles Taormina, président assesseur,
- M. C... Guillaumont, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 septembre 2021.
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N° 21MA01948