Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 mars 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour dès la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1803916 du 17 septembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 avril 2021, Mme C... épouse E..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 mars 2018 du préfet de l'Hérault ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à Me B... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet a commis une erreur de droit car l'exercice d'une activité n'est pas exigé pour l'obtention d'un titre de séjour sur le fondement du 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur de droit en exigeant qu'elle bénéficie de ressources suffisantes alors que son époux en dispose ;
- le préfet a commis une erreur de droit en ne prenant pas en compte ses ressources propres ;
- le préfet a commis une erreur de droit en s'abstenant de procéder à un examen de sa situation personnelle ;
- le préfet a commis une erreur de fait et une erreur d'appréciation en estimant les ressources de la famille insuffisantes dès lors que son époux dispose de ressources supérieures au montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées ;
- en refusant de l'admettre au séjour, le préfet a fait une inexacte application du
7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... épouse E... ne sont pas fondés.
Mme C... épouse E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Entrée pour la première fois en France le 8 juin 2014 selon ses déclarations, Mme C... épouse E..., née en 1968 et de nationalité marocaine, a demandé le 5 décembre 2017 à se voir délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant communautaire sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 mars 2018, le préfet de l'Hérault a rejeté cette demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de
ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; / 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3° ". Les troisième et quatrième alinéas de l'article R. 121-4 de ce code, dans leur rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, disposent quant à eux : " (...) Lorsqu'il est exigé, le caractère suffisant des ressources est apprécié en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé. En aucun cas, le montant exigé ne peut excéder le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles ou, si l'intéressé remplit les conditions d'âge pour l'obtenir, au montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale. / La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour. ".
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault a examiné la situation personnelle de Mme C... épouse E... avant de rejeter sa demande de titre de séjour. La requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur de droit faute d'examen des circonstances particulières de l'espèce.
4. En deuxième lieu, il résulte des termes de la décision attaquée que le préfet de l'Hérault ne s'est pas borné à opposer à la requérante l'absence d'activité professionnelle de son époux mais a vérifié que celui-ci exerçait une activité professionnelle ou disposait de ressources, comme l'imposent les dispositions du 4° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ouvrent droit au séjour qu'au conjoint du ressortissant communautaire qui remplit les conditions prévues au 1° de cet article. Si le préfet a par ailleurs évoqué dans sa décision les ressources de la famille, il résulte de la rédaction de l'arrêté que cette mention n'a trait en réalité qu'aux seules ressources de l'époux de la requérante, conformément aux dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, si Mme C... épouse E... fait valoir que le préfet aurait commis une erreur de droit en s'abstenant de prendre en compte ses propres ressources, il ressort en tout état de cause des pièces du dossier que la requérante, qui ne travaillait plus depuis 2016, ne disposait d'aucune ressource propre à la date de l'arrêté attaqué. Mme C... épouse E... n'est donc pas fondée à soutenir que la décision serait entachée d'erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que les seules ressources de M. E... sont constituées d'un versement mensuel de la caisse d'assurance retraite et de santé au travail de la région Occitanie de 852 euros au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées. Si l'intéressé atteint ainsi le niveau de ressources exigé par les dispositions du troisième alinéa de l'article R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il résulte des dispositions du quatrième alinéa de ce texte que cette allocation, qui constitue une prestation sociale non contributive, ne peut être prise en compte pour évaluer les ressources de l'intéressé. M. E... et son épouse ne disposant d'aucune autre ressource qui ne soit pas constitutive d'une prestation sociale non contributive, la requérante n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur de fait ou d'une erreur d'appréciation.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...). ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Si Mme C... épouse E... fait valoir qu'elle réside en France depuis 2014 en compagnie de son mari et y a travaillé, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante et son époux, qui n'ont l'un et l'autre travaillé que quelques mois en France et dont les ressources sont exclusivement constituées de prestations sociales, aient connu une intégration socioprofessionnelle notable. Par ailleurs, si Mme C... épouse E... est titulaire d'un titre de séjour espagnol de longue durée, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E..., qui est de nationalité espagnole, dispose d'un titre de séjour l'autorisant à séjourner durablement en France, et le couple n'a pas d'attaches en France en dehors d'un de leurs fils, majeur, qui se trouve, selon le préfet de l'Hérault, en situation irrégulière en France, alors que leurs deux autres enfants résident en Espagne. Dans ces conditions, le préfet de l'Hérault n'a pas, en lui refusant le séjour, porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été édictée en méconnaissance des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article. ".
9. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
10. Si Mme C... épouse E... a travaillé pendant quelques mois en France et y réside en compagnie de son mari, il ne résulte ni de ces circonstances, ni d'aucune autre circonstance invoquée par l'intéressée qu'en ne régularisant pas sa situation par la délivrance du titre de séjour sollicité, l'autorité administrative aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... épouse E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, par leur jugement, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 30 mars 2018. Sa requête doit dès lors être rejetée.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C... épouse E..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique s'opposent à ce que la somme réclamée par Me B... sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... épouse E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse E..., au ministre de l'intérieur et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2021, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- Mme Christine Massé-Degois, présidente assesseure,
- M. D... Grimaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 juin 2021.
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N° 21MA01418
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