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28/06/2021 | FRANCE | N°20MA04796

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 28 juin 2021, 20MA04796


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sud Est a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler le sous-traité de concession du service public balnéaire relatif au lot n° H3d de la plage de Pampelonne, conclu le 19 octobre 2018 entre la commune de Ramatuelle et la société Tropezina Beach Development.

Par un jugement n° 1900452 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Toulon a résilié le sous-traité d'exploitation conclu le 19 octobre 2018 trois mois après la notification de son jugement et a rejeté le s

urplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sud Est a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler le sous-traité de concession du service public balnéaire relatif au lot n° H3d de la plage de Pampelonne, conclu le 19 octobre 2018 entre la commune de Ramatuelle et la société Tropezina Beach Development.

Par un jugement n° 1900452 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Toulon a résilié le sous-traité d'exploitation conclu le 19 octobre 2018 trois mois après la notification de son jugement et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 décembre 2020 et le 17 mai 2021 sous le n° 20MA04796, la société Tropezina Beach Development, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Sud Est devant le tribunal administratif de Toulon ;

3°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de la société Sud Est en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative car il ne répond pas au moyen relatif à l'irrecevabilité de la demande de la société Sud Est en raison de l'absence de démonstration de la lésion de l'un de ses intérêts ;

- la demande présentée devant le tribunal ne contestait que le traité de concession de plage et ne pouvait donc conduire à l'annulation du sous-traité ;

- les intérêts de la société Sud Est n'étaient pas lésés car, eu égard à la qualité de son offre, notamment sur le critère n° 3, elle n'aurait jamais été admise à négocier et son offre n'aurait jamais été retenue ;

- la société Sud Est n'invoquait devant le tribunal aucun vice en rapport direct avec l'intérêt lésé dont elle pourrait se prévaloir ;

- sa candidature était régulière car le formulaire DC 1 ne constitue pas une pièce obligatoire dont l'absence vicierait sa candidature dès lors que les autres pièces du dossier apportaient les informations prévues par ce document ;

- l'irrégularité tenant à l'insuffisance du DC 1, à la supposer avérée, ne portait pas atteinte à la licéité de la concession, et ne constituait pas davantage un vice du consentement ;

- le vice relevé était régularisable ;

- la résiliation est excessive au regard de l'intérêt général et l'intérêt public commande la poursuite du contrat.

Par un mémoire enregistré le 9 février 2021 et le 28 avril 2021, la commune de Ramatuelle, représentée par Me C..., conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 décembre 2020 et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Sud Est en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens invoqués par la société Tropezina Beach Development sont fondés ;

- la résiliation porterait une atteinte excessive à l'intérêt général.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2021, la société Sud Est, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Tropezina Beach Development en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la commune de Ramatuelle et la société Tropezina Beach Development sont infondés ;

- la candidature de la société Tropezina Beach Development était en outre irrégulière car, à la date limite de dépôt des candidatures, elle n'avait pas déposé les fonds correspondant à son capital social auprès d'un établissement bancaire, de telle sorte qu'elle ne pouvait être regardée comme une société en cours de constitution ;

- la candidature de cette société était également irrégulière en l'absence de production des éléments susceptibles de justifier des capacités respectives de ses quatre actionnaires, ses deux actionnaires personnes physiques n'ayant, notamment, produit aucune des pièces exigées par le règlement de consultation ;

- les actionnaires de la société Tropezina Beach Development n'ayant pas fourni la caution bancaire exigée à l'article 6.3. du règlement de consultation, cette candidature était irrégulière ;

- la candidature de la société Nana doit être regardée comme irrégulière si la commune n'établit pas que les membres du groupement candidat ont produit les documents exigés pour l'appréciation des candidatures et désigné le mandataire du groupement, ou que la société peut être effectivement regardée comme une société en cours de constitution et que sa capacité financière a bien été examinée au regard des justificatifs produits par ses futurs associés ;

- la candidature de la société Nana doit être regardée comme irrégulière si la commune n'apporte pas de précision relative aux engagements et attestations financières produits par cette société qui ont permis de retenir un chiffre d'affaires escompté de trois millions d'euros ;

- la candidature de la société Nana était irrégulière car le formulaire DC1 qu'elle a remis à la commune n'a pas été signé ;

- la candidature de la société Rama est irrégulière car elle n'a pas produit les éléments nécessaires pour établir qu'elle est bien une société en voie de constitution, et ses associés n'ont pas produit tous les documents nécessaires à l'examen de leurs capacités ;

- la candidature de la société Rama doit être regardée comme irrégulière si la commune n'apporte pas de précisions relatives aux engagements et attestations financières produits par cette société qui ont permis de retenir un chiffre d'affaires escompté de trois millions d'euros ;

- l'enveloppe par laquelle la société Rama a soumis sa candidature et son offre n'était pas anonyme et sa candidature aurait donc dû être écartée ;

- l'offre de la société Tropezina Beach Development était incohérente sur le plan du chiffre d'affaires, sur le plan des effectifs et du plan de financement et du compte prévisionnel d'exploitation et aurait dû être écartée comme irrégulière dès lors qu'elle méconnaissait le cahier des charges ;

- l'offre de la société Rama, incohérente sur le plan du chiffre d'affaires, sur le plan des hypothèses de fréquentation, du plan de financement et du compte prévisionnel d'exploitation aurait dû être écartée comme irrégulière dès lors qu'elle méconnaissait le cahier des charges ;

- les moyens soulevés par la société Tropezina Beach Development ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 2 juin 2021.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Ramatuelle a été enregistrée le 16 juin 2021.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 janvier 2021 et le 28 avril 2021 sous le n° 21MA00047, la commune de Ramatuelle, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 décembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Sud Est devant le tribunal administratif de Toulon ;

3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société Sud Est en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les intérêts de la société Sud Est n'étaient pas lésés car, eu égard à la qualité de son offre, notamment sur le critère n° 3, elle n'aurait jamais été admise à négocier et son offre n'aurait jamais été retenue ;

- la société Sud Est n'invoquait devant le tribunal aucun vice en rapport direct avec l'intérêt lésé dont elle pourrait se prévaloir ;

- la candidature de la société Tropezina Beach Development était régulière car le formulaire DC 1 ne constitue pas une pièce obligatoire dont l'absence vicierait sa candidature dès lors que les autres pièces du dossier apportaient les informations prévues par ce document ;

- l'irrégularité tenant à l'insuffisance du DC 1, à la supposer avérée, ne portait pas atteinte à la licéité de la concession, et ne constituait pas davantage un vice du consentement ;

- le vice relevé était régularisable ;

- la résiliation est excessive au regard de l'intérêt général et l'intérêt public commande la poursuite du contrat.

Par des mémoires enregistrés le 5 mars 2021 et le 17 mai 2021, la société Tropezina Beach Development, représentée par Me D..., conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 décembre 2020 et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société Sud Est en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Ramatuelle sont fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2021, la société Sud Est, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Ramatuelle en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Ramatuelle ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 2 juin 2021.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Ramatuelle a été enregistrée le 16 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.G... Grimaud, rapporteur,

- les conclusions de M.F... Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société Tropezina Beach Development, de Me E... représentant la commune de Ramatuelle et de Me B... représentant la société Sud Est.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 20MA04796 et n° 21MA00047 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

2. Par un arrêté du 7 avril 2017, le préfet du Var a accordé à la commune de Ramatuelle la concession de la plage naturelle de Pampelonne pour une durée de douze ans à compter du 1er janvier 2019. La commune de Ramatuelle a engagé, le 30 juin 2017, une procédure de mise en concurrence en vue de l'attribution de sous-traités de concession du service public balnéaire sur cette plage. Six sociétés ont soumis une candidature à l'attribution du lot H3d. L'offre de la société Tropezina Beach Development a été classée en première position, suivie des offres des sociétés Rama, Nana et Sud Est. Seules les sociétés Tropezina Beach Development, Rama et Nana ont été admises à négocier les termes de leurs offres avec la commune. Par une délibération du 16 juillet 2018, le conseil municipal a attribué le lot H3d à la société Tropezina Beach Development. Le sous-traité relatif à ce lot a été conclu le 19 octobre 2018. Saisi par la société Sud Est, candidat évincé au terme de la procédure de passation, le tribunal administratif de Toulon a décidé la résiliation du sous-traité d'exploitation conclu le 19 octobre 2018, avec effet trois mois après la notification de son jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". En vertu de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...) / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

4. Alors que la société Tropezina Beach Development soutenait dans ses écritures que la demande de la société Sud Est était irrecevable car l'attribution du contrat ne lésait aucun de ses intérêts, ce moyen n'est pas visé par le jugement attaqué, qui n'y a pas davantage répondu. La société Tropezina Beach Development est par suite fondée à soutenir que les premiers juges ont méconnu les dispositions reproduites ci-dessus et entaché leur jugement d'irrégularité et que celui-ci doit par conséquent être annulé.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Tropezina Beach Development devant le tribunal administratif de Toulon.

Sur les conclusions à fin d'annulation du sous-traité de concession :

6. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d'une demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution du contrat. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini. Toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l'Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l'excès de pouvoir jusqu'à la conclusion du contrat, date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet.

7. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office.

8. Saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

En ce qui concerne la recevabilité :

9. Si, en premier lieu, la société Tropezina Beach Development et la commune de Ramatuelle soutiennent que la demande de la société Sud Est est irrecevable car elle ne tendrait qu'à l'annulation du traité de concession de plage conclu entre l'Etat et la commune de Ramatuelle, il résulte au contraire clairement des écritures de la société Sud Est que, si elle évoque parfois à tort le " contrat de concession " conclu entre la commune et la société Tropezina Beach Development, elle demande l'annulation du sous-traité conclu entre ces mêmes parties. Cette fin de non-recevoir doit donc être écartée.

10. En second lieu, il résulte de l'instruction que la société Sud Est, qui exploitait au demeurant déjà un sous-traité de concession, a présenté sa candidature assortie d'une offre en vue de l'attribution du contrat attaqué, a vu son offre classée en quatrième position et conteste la légalité de l'attribution de celui-ci en sa qualité de candidate évincée. Contrairement à ce que soutiennent la société Tropezina Beach Development et la commune de Ramatuelle, la société Sud Est se prévaut ainsi d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine par la conclusion du contrat et est donc recevable à en demander l'annulation ou, à défaut, la résiliation. Cette fin de non-recevoir doit donc être écartée.

En ce qui concerne le lien entre les moyens invoqués par la société Sud Est et l'intérêt dont elle se prévaut :

11. Ainsi qu'il a été dit au point 2 ci-dessus, la société Sud Est n'a pas été admise à la négociation en raison du classement attribué aux offres des sociétés Tropezina Beach Development, Rama et Nana. Elle conteste toutefois la régularité des offres de ces trois sociétés. Par suite, et alors même que le règlement de la consultation n'imposait pas l'admission d'un nombre minimal de candidats à la négociation avec la commune, les manquements ainsi imputés à la procédure, qui étaient de nature à permettre l'admission à la négociation de sociétés dont les offres devaient en réalité être écartées, sont susceptibles d'avoir fait perdre une chance à la société Sud Est d'être elle-même admise à la négociation et de se voir attribuer le contrat. La société Tropezina Beach Development et la commune de Ramatuelle ne sont donc pas fondées à soutenir que les moyens invoqués par la société Sud Est ne sont pas en rapport direct avec l'intérêt lésé dont elle se prévaut.

En ce qui concerne les vices invoqués par la requérante et leurs conséquences :

12. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article 21 du décret du 1er février 2016 : " I. - L'autorité concédante vérifie les conditions de participation relatives aux capacités et aux aptitudes des candidats nécessaires à la bonne exécution du contrat de concession. A cet effet, elle ne peut exiger des candidats que des renseignements et documents non discriminatoires et proportionnés à l'objet du contrat de concession ainsi que des renseignements et documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager. / (...) III. - Les renseignements, documents et les niveaux minimaux de capacité demandés sont précisés dans l'avis de concession ou, en l'absence d'un tel avis, dans un autre document de la consultation ". En vertu des dispositions de l'article 23 de ce texte : " I. - Avant de procéder à l'examen des candidatures, l'autorité concédante qui constate que des pièces ou informations dont la production était obligatoire conformément aux articles 19, 20 et 21 peuvent demander aux candidats concernés de compléter leur dossier de candidature dans un délai approprié. Elle informe alors les autres candidats de la mise en oeuvre de la présente disposition. / II. - Les candidats qui produisent une candidature incomplète, le cas échéant après mise en oeuvre des dispositions du I, ou contenant de faux renseignements ou documents ne sont pas admis à participer à la suite de la procédure de passation du contrat de concession. (...) ".

13. Le règlement de consultation régissant la procédure de passation d'un contrat de la commande publique est obligatoire dans toutes ses mentions. L'administration ne peut, dès lors, attribuer le marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par ce règlement.

14. En l'espèce, aux termes des dispositions de l'article 6.3 du règlement de la consultation fixant le contenu des plis des offres des candidats, ceux-ci doivent contenir les documents suivants : " Chemise n° 1 : Fiche comportant : / a) : les nom, prénom, du candidat, nom de la société qui est candidate le cas échéant, adresse (joindre une copie du dernier avis de l'impôt sur le revenu ou sur les sociétés comportant l'adresse du candidat) / (...) Chemise n° 3 : Extrait d'inscription au registre du commerce et des sociétés de moins de trois mois (sauf en cas de première activité non salariée) / (...) Chemise n° 4 : Références techniques démontrant l'aptitude du candidat à assurer l'ensemble des missions imparties à un délégataire du service public balnéaire : / (...) 2/ En cas de candidature d'une personne morale : a) statuts à jour de la société et des éventuelles sociétés détentrices de parts (...) / Chemise n° 6 : Références financières (...) En cas de première activité non salariée, tous éléments, caution bancaire, etc... permettant d'apprécier précisément la solidité financière du candidat, sa capacité financière à mener à bien son projet (...) / Chemise n° 7 : déclarations du candidat (formulaires types marchés publics). : / a) Imprimé DC1 dûment complété et signé (...) / Les candidats qui produisent une candidature incomplète ou contenant de faux renseignements ou documents ne seront pas admis à participer à la suite de la procédure de passation des contrats de concession ".

15. Il résulte de l'instruction, d'une part, que le formulaire DC1 produit par la société Tropezina Beach Development dans le cadre de sa soumission n'était que partiellement renseigné et n'était pas signé et, d'autre part, que la commune de Ramatuelle n'a pas invité cette société à régulariser cette candidature, comme le lui permettaient les dispositions de l'article 22 du décret du 1er février 2016. Il s'ensuit qu'à supposer même que le contenu des autres pièces produites par la société Tropezina Beach Development à l'appui de son offre ait été de nature à pallier les manques entachant le formulaire DC1, cette offre était irrégulière et devait être d'emblée écartée, sans que ce vice, qui aurait dû en tout état de cause entraîner l'exclusion de cette offre, puisse être régularisé devant le tribunal administratif de Toulon.

16. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la procédure de passation du contrat en cause est entachée d'un vice qui découle d'un manquement de la commune de Ramatuelle à ses obligations de mise en concurrence. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que ce manquement découle d'une volonté de favoriser le candidat attributaire. Dès lors, eu égard à la portée de ce vice et aux conditions dans lesquelles il a été commis, cette irrégularité n'est pas de nature à entraîner l'annulation du contrat en cause. En revanche, alors même que ce vice n'affecte ni la licéité du contrat, ni les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il a entraîné l'attribution du contrat à un candidat qui aurait dû être évincé, de telle sorte qu'il implique sa résiliation.

17. En second lieu, la société Sud Est soutient également que la candidature de la société Tropezina Beach Development était irrégulière en raison de l'absence de dépôt des fonds correspondant à son capital social auprès d'un établissement bancaire, de l'absence de production des éléments susceptibles de justifier des capacités respectives de ses quatre actionnaires, de l'absence de fourniture de la caution bancaire exigée à l'article 6.3 du règlement de consultation et de son incohérence sur le plan du chiffre d'affaires, des effectifs, du plan de financement et du compte d'exploitation prévisionnel. Elle soutient par ailleurs que la candidature de la société Nana doit être regardée comme irrégulière en l'absence de production des documents exigés pour l'appréciation des candidatures et de désignation du mandataire du groupement, en l'absence de précision relative aux engagements et attestations financières produits par cette société, et en l'absence de signature du formulaire DC1. Enfin, la société Sud Est fait valoir que la candidature de la société Rama est irrégulière car, d'une part, elle n'a pas produit les éléments nécessaires pour établir qu'elle est bien une société en voie de constitution, ses associés n'ont pas produit tous les documents nécessaires à l'examen de leurs capacités par la commune, qui n'apporte aucune précision relative aux engagements et attestations financières produits par cette société et, d'autre part, l'enveloppe par laquelle la société Rama a soumis sa candidature et son offre n'était pas anonyme, de telle sorte que sa candidature aurait dû être écartée, enfin que l'offre de cette société est incohérente sur le plan du chiffre d'affaires, de ses hypothèses de fréquentation, de son plan de financement et de son compte prévisionnel d'exploitation. Toutefois, aucun de ces vices, à les supposer établis, n'est de nature à entrainer l'annulation du contrat attaqué.

18. Eu égard à la nécessité pour le délégataire ou, à défaut, pour la commune, d'assurer le service public balnéaire et notamment de pourvoir aux missions d'entretien de sécurité, d'accessibilité et de mise à disposition de sanitaires et, d'autre, part, des incidences négatives qu'engendrerait la démolition des installations de la société Tropezina Beach Development sur la plage de Pampelonne au cours de la saison estivale, ainsi qu'en raison de la date de lecture du présent arrêt, il y a lieu de différer la résiliation de ce contrat au 30 septembre 2021.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par la commune de Ramatuelle et la société Tropezina Beach Development sur leur fondement soit mise à la charge de la société Sud Est, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 000 euros à la charge de la commune de Ramatuelle ainsi que la même somme à la charge de la société Tropezina Beach Development, à verser à la société Sud Est sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1900452 du tribunal administratif de Toulon du 10 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : Le sous-traité de concession conclu le 19 octobre 2018 entre la commune de Ramatuelle et la société Tropezina Beach Development est résilié à compter du 30 septembre 2021.

Article 3 : La commune de Ramatuelle et la société Tropezina Beach Development verseront chacune une somme de 1 000 euros à la société Sud Est en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Tropezina Beach Development, à la commune de Ramatuelle et à la société Sud Est.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2021, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- Mme Christine Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. G... Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 28 juin 2021.

2

N° 20MA04796, 21MA00047


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04796
Date de la décision : 28/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-06 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SELAS REALYZE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-28;20ma04796 ?
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