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28/06/2021 | FRANCE | N°19MA02525

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 28 juin 2021, 19MA02525


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL Atelier Khelif, la société R2M et la société Oteis ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'enjoindre au département des Bouches-du-Rhône de communiquer la délibération du conseil départemental du 29 janvier 2010 et de condamner le département des Bouches-du-Rhône à leur verser la somme de 103 037,44 euros hors taxes au titre de l'augmentation de la masse des prestations du marché de maîtrise d'oeuvre de l'opération de reconstruction et de réhabilitation du collège Alphonse Dau

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL Atelier Khelif, la société R2M et la société Oteis ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'enjoindre au département des Bouches-du-Rhône de communiquer la délibération du conseil départemental du 29 janvier 2010 et de condamner le département des Bouches-du-Rhône à leur verser la somme de 103 037,44 euros hors taxes au titre de l'augmentation de la masse des prestations du marché de maîtrise d'oeuvre de l'opération de reconstruction et de réhabilitation du collège Alphonse Daudet à Istres, la somme de 132 120,30 euros hors taxes au titre de l'augmentation du délai d'exécution de ce marché, le montant de la taxe à la valeur ajoutée afférente à ces sommes, ainsi que les intérêts moratoires à compter du 4 décembre 2015 ou, à titre subsidiaire de leur allouer les sommes proposées à titre de règlement amiable par le comité consultatif de règlement amiable des différends relatifs aux marchés.

Par un jugement n° 1710132 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 4 juin 2019, le 20 septembre 2020 et le 31 mai 2021, l'EURL Atelier Khelif, la société R2M et la société Oteis, représentées par Me B... de la Selarl B... Maly, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de condamner le département des Bouches-du-Rhône à leur verser les sommes de 103 037,44 euros hors taxes et de 132 120,30 euros hors taxes majorées du montant de la taxe à la valeur ajoutée ;

3°) de majorer ces sommes des intérêts moratoires au taux légal à compter du 4 décembre 2015 ;

4°) à titre subsidiaire, de leur allouer les sommes proposées par le comité consultatif de règlement amiable des différends relatifs aux marchés ;

5°) de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la demande présentée au tribunal n'était pas tardive car, en vertu des stipulations de l'article 12.32 du cahier des clauses administratives générales, elles devaient adresser leur mémoire en réclamation au département, ce qu'elles ont fait dans le délai prescrit par ce cahier ;

- les stipulations de l'avenant n° 2 ne font pas obstacle à leur demande dès lors que cet avenant ne porte que sur certaines des prestations introduites par le maître de l'ouvrage et qu'elles n'ont pas renoncé, par cet avenant, au reste de leurs réclamations ;

- elles sont en droit d'être rémunérées de l'intégralité des prestations de maîtrise d'oeuvre supplémentaires réalisées du fait de la modification du programme ;

- elles sont en droit d'être rémunérées de l'intégralité des prestations de maîtrise d'oeuvre supplémentaires réalisées du fait de l'allongement du délai d'exécution du marché.

Par des mémoires en défense enregistrés le 27 juillet 2020 et le 29 avril 2021, le département des Bouches-du-Rhône, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérantes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL Atelier Khelif, la société R2M et la société Oteis sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 ;

- le décret n° 93-1268 du 29 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... Grimaud, rapporteur,

- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant le département des Bouches-du-Rhône.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement conclu le 15 mars 2006, la société Treize développement, mandataire du département des Bouches-du-Rhône, maître de l'ouvrage, a confié à un groupement d'entreprises constitué de l'EURL Atelier Khelif, de la société Sudequip, aux droits de laquelle vient la société Oteis, et de la société R2M, un marché de maîtrise d'oeuvre portant sur l'opération de reconstruction et de réhabilitation du collège Alphonse Daudet d'Istres. A la suite de l'achèvement de l'opération, la société Treize développement a, le 21 octobre 2015, notifié le décompte général du marché de maîtrise d'oeuvre au groupement. L'EURL Atelier Khelif a présenté un mémoire en réclamation au maître de l'ouvrage et au maître de l'ouvrage délégué, qui l'ont reçu respectivement le 4 décembre 2015 et le 11 décembre 2015. Cette réclamation ayant été rejetée le 3 mars 2016, l'EURL a saisi le comité consultatif de règlement amiable des différends relatifs aux marchés, qui a rendu un avis sur ce litige le 23 juin 2017. Le département des Bouches-du-Rhône ayant, par courrier du 27 octobre 2017, averti le groupement qu'il ne suivrait pas cet avis, l'EURL Atelier Khelif, la société Oteis et la société R2M ont saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande de condamnation du département des Bouches-du-Rhône à leur verser les sommes de 103 037,44 euros au titre de l'augmentation de la masse des travaux et de 132 120,30 euros au titre de l'augmentation des délais d'exécution du marché. Le tribunal a, par son jugement du 23 avril 2019, rejeté cette demande.

Sur les demandes indemnitaires présentées par les requérantes, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande présentée au tribunal :

2. Aux termes de l'article 9 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre : " La mission de maîtrise d'oeuvre donne lieu à une rémunération forfaitaire fixée contractuellement. Le montant de cette rémunération tient compte de l'étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux.". Aux termes de l'article 30 du décret du 29 décembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé : " Le contrat de maîtrise d'oeuvre précise, d'une part, les modalités selon lesquelles est arrêté le coût prévisionnel assorti d'un seuil de tolérance, sur lesquels s'engage le maître d'oeuvre, et, d'autre part, les conséquences, pour celui-ci, des engagements souscrits. (...) En cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître de l'ouvrage, le contrat de maîtrise d'oeuvre fait l'objet d'un avenant qui arrête le programme modifié et le coût prévisionnel des travaux concernés par cette modification, et adapte en conséquence la rémunération du maître d'oeuvre et les modalités de son engagement sur le coût prévisionnel.".

3. Il résulte des dispositions précitées que le titulaire d'un contrat de maîtrise d'oeuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l'ensemble de ses charges ainsi que le bénéfice qu'il en escompte, et que seules une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage peuvent donner lieu, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération. En outre, le maître d'oeuvre qui effectue des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d'oeuvre et qui n'ont pas été décidées par le maître d'ouvrage n'a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations que lorsque, soit elles ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, soit le maître d'oeuvre a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat.

4. Dans l'hypothèse où une modification de programme ou de prestations a été décidée par le maître de l'ouvrage, le droit du maître d'oeuvre à l'augmentation de sa rémunération est uniquement subordonné à l'existence de prestations supplémentaires de maîtrise d'oeuvre utiles à l'exécution des modifications décidées par le maître de l'ouvrage. En revanche, ce droit n'est subordonné ni à l'intervention de l'avenant qui doit normalement être signé en application des dispositions précitées de l'article 30 du décret du 29 décembre 1993 ni même, à défaut d'avenant, à celle d'une décision par laquelle le maître d'ouvrage donnerait son accord sur un nouveau montant de rémunération du maître d'oeuvre.

En ce qui concerne la demande relative aux prestations supplémentaires de maîtrise d'oeuvre :

5. Il résulte de l'instruction que le maître de l'ouvrage délégué, après avoir validé les études de la phase d'avant-projet définitif, a suspendu le 8 janvier 2007 l'exécution des missions de maîtrise d'oeuvre restant à exécuter. Le maître de l'ouvrage ayant ensuite redéfini en partie le programme de l'opération, la société Treize développement a, le 5 février 2009, ordonné la reprise des études de maîtrise d'oeuvre. A la suite des modifications de programme ainsi décidées par le maître de l'ouvrage, les parties ont conclu le 22 juillet 2013 un avenant n° 2 énumérant les prestations supplémentaires de maîtrise d'oeuvre mises à la charge du groupement et lui octroyant une rémunération supplémentaire de 35 094,20 euros hors taxes à ce titre.

6. En vertu de l'article 4.4 du cahier de l'acte d'engagement du marché : " Conformément à l'article 4-2 du cahier des clauses administratives particulières, un avenant fixera le forfait définitif de rémunération (F) après l'approbation de l'APD par le maître de l'ouvrage. / Ce forfait définitif de rémunération (F), établi dans les conditions économiques en vigueur au mois M0, sera arrêté dès que le coût prévisionnel de travaux (C) aura été établi au stade de l'APD. Il sera calculé par application de la formule suivante : F = (E/C x Fp). / E est la partie de l'enveloppe financière prévisionnelle affecté aux travaux fixée par le maître de l'ouvrage dont le montant est précisé à l'article 5.1. du présent acte d'engagement. / (...) En cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître de l'ouvrage, et conformément à l'article 2 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 modifiée et à l'article 30 du décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993, l'avenant qui fixera le forfait définitif arrêtera les modifications de programme et le coût prévisionnel des travaux concernés par cette modification. / Le forfait définitif de rémunération (F), établi dans les conditions économiques en vigueur au mois M0, sera alors calculé par application de la formule suivante : F = (E / Cb) x Fp + Cm x (Fp / Cb). / Cb : coût prévisionnel des travaux du programme de base (programme initial inscrit dans le dossier de consultation des concepteurs) établi au stade de l'APD. / Cm : coût prévisionnel des travaux associé à la modification de programme décidée par le maître de l'ouvrage, établi au stade de l'APD.".

7. Si les requérantes sont fondées à demander la rémunération des prestations supplémentaires de maîtrise d'oeuvre qu'elles ont réalisées en vertu des règles rappelées aux points 2 à 4 ci-dessus sans qu'un avenant ait été signé afin d'en assurer la rémunération, elles ne sont pas fondées à invoquer les stipulations de l'article 4.4 de l'acte d'engagement de leur marché, relatives au cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître de l'ouvrage et intégrées dans l'avant-projet définitif. Elles ne sont donc pas fondées à exiger que le taux de rémunération fixé par le marché soit purement et simplement appliqué à la masse des travaux résultant des modifications de programme, mais seulement à être rémunérées du prix réel des prestations supplémentaires de maîtrise d'oeuvre dont elles doivent établir la réalité. Or, alors que le département des Bouches-du-Rhône conteste formellement la réalisation de prestations supplémentaires par les requérantes au-delà de celles indemnisées dans le cadre de l'avenant n° 2 conclu entre les parties, les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre se bornent à faire état de missions liées à la prise en compte, dans le programme architectural et technique de l'opération, de la réglementation thermique 2005, des conclusions d'un rapport de détection de l'amiante, d'un nouveau document technique unifié relatif aux faux-plafonds, de la réglementation sur les personnes à mobilité réduite, de la modification du programme pédagogique et des modifications du mode de dévolution des marchés. Elles ne démontrent toutefois pas la réalité de prestations supplémentaires en conséquence de ces modifications en ne produisant qu'un tableau du temps passé par les différents participants au projet sur les différentes phases du chantier postérieures à la reprise des travaux à la suite de leur interruption. Leur demande sur ce point ne peut donc être que rejetée.

En ce qui concerne la demande relative à l'allongement du chantier :

8. L'EURL Atelier Khelif, la société R2M et la société Oteis n'établissent nullement, et il ne résulte pas de l'instruction, que la prolongation du chantier résulterait de sujétions techniques imprévues qui auraient bouleversé l'exécution du marché ou que cette prolongation aurait contraint les requérantes à effectuer des prestations supplémentaires de maître d'oeuvre. La demande de 132 120,30 euros qu'elles présentent sur ce point doit dès lors être rejetée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que L'EURL Atelier Khelif, la société R2M et la société Oteis ne sont pas fondées à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté leurs conclusions à fin de condamnation du département des Bouches-du-Rhône.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par l'EURL Atelier Khelif, la société Oteis et la société R2M sur leur fondement soit mise à la charge du département des Bouches-du-Rhône, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'EURL Atelier Khelif, de la société Oteis et de la société R2M, à verser au département des Bouches-du-Rhône sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'EURL Atelier Khelif, de la société Oteis et de la société R2M est rejetée.

Article 2 : L'EURL Atelier Khelif, la société Oteis et la société R2M verseront une somme de 2 000 euros au département des Bouches-du-Rhône sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Atelier Khelif, à la société Oteis, à la société R2M, au département des Bouches-du-Rhône et à la société treize développement.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2021, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- Mme Christine Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. C... Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2021.

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N° 19MA02525

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02525
Date de la décision : 28/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Domaine - Domaine privé - Régime - Aliénation.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales - Recevabilité - Recevabilité du recours pour excès de pouvoir en matière contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : GRZELCZYK

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-28;19ma02525 ?
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