Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... J..., venant aux droits de son époux décédé, a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2017 par lequel le maire de la commune de Sotta a autorisé Mme B... I... et M. A... D... à construire une villa individuelle sur la parcelle cadastrée section D, n°799, située à Nivalella Tippa.
Mme H... J... est intervenue à l'instance au soutien de cette demande.
Par un jugement n°1800174 du 22 août 2019, le tribunal administratif de Bastia a admis l'intervention de Mme H... J... et rejeté la demande de Mme C... J....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 octobre 2019 et 12 février 2021, Mmes H... et C... J..., représentées par Me F..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 22 août 2019, rejetant la demande de Mme C... J... ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Sotta du 13 décembre 2017 ;
3°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Sotta, de Mme I... et de M. D... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- le jugement n'est pas signé conformément aux dispositions des articles R. 741-2 et suivants du code de justice administrative ;
- le tribunal a omis de statuer sur l'intervention de Mme C... J... ;
- les pétitionnaires sont forcés de circuler sur la propriété de Mme C... J... pour accéder au terrain d'assiette du projet ; il ne peut leur être reproché de ne pas avoir signalé la non-ouverture à la circulation de celle-ci ; l'arrêté, pris en toute connaissance de cause, méconnaît ainsi son droit de propriété et il est justifié d'un intérêt à le contester ;
S'agissant de la légalité de l'arrêté :
- il a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, l'engagement de respecter la règlementation thermique n'étant pas signé ;
- le projet architectural n'est pas assorti de pièces satisfaisantes au regard des exigences des articles R. 431-8, R. 431-9 et R. 431-10 du code de l'urbanisme ;
- la demande a été déposée en fraude de leurs droits ;
- le projet méconnaît l'article AU 3 du plan local d'urbanisme dès lors que la propriété est enclavée ;
- l'arrêté méconnaît également l'article AU 4 du même plan dès lors qu'il prévoit que la conformité du système d'assainissement sera vérifiée après travaux ;
- le projet ne respecte pas la règle de hauteur fixée par l'article AU 10 dudit plan ;
- il ne respecte pas davantage les dispositions de l'article AU 13 du plan local d'urbanisme dès lors qu'il ne prévoit pas de plantation au niveau du " carport ".
Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 janvier et 26 février 2021, M. D... et Mme I..., représentés par Me E..., concluent au rejet de la requête et subsidiairement à ce qu'il soit sursis à statuer en vue de la délivrance d'un permis modificatif. Ils demandent qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mmes J... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève ;
- un permis modificatif pourra prévoir la nécessité de justifier d'une servitude de passage au plus tard au dépôt de la déclaration d'ouverture de chantier.
La procédure a été communiquée à la commune de Sotta qui n'a pas produit d'observations.
Les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur le sursis à statuer que la Cour était susceptible de prononcer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, pour permettre la régularisation du vice pouvant entacher le permis de construire litigieux au regard des dispositions de l'article AU 3 du plan local d'urbanisme, par la délivrance d'un permis modificatif assorti d'une prescription tenant à la production, au plus tard au dépôt de la déclaration d'ouverture de chantier, par les bénéficiaires, d'actes authentiques de servitudes de passage permettant l'accès à la parcelle d'assiette du projet depuis la voie publique.
Des observations en réponse à cette invitation ont été enregistrées pour M. D... et Mme I... le 25 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant M. D... et Mme I....
Considérant ce qui suit :
1. Mmes H... et C... J... relèvent appel du jugement du 22 août 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de Mme C... J... tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2017 par lequel le maire de la commune de Sotta a autorisé Mme B... I... et M. A... D... à construire une villa individuelle sur la parcelle cadastrée section D, n°799, située à Nivalella Tippa.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En application de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, le recours d'une personne physique à l'encontre d'un permis de construire n'est recevable que si la construction autorisée est " de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ".
3. En l'espèce, même si la parcelle cadastrée section D, n°799, des pétitionnaires n'est pas directement bordée par les parcelles cadastrées section D, n°50 et 881, qui appartiennent à Mme C... J..., il ressort des pièces du dossier que son accès depuis la voie publique n'est possible qu'en empruntant les parties de la route dite " Alzitella ", reliant les routes départementales n° 959 et 459, aménagées sur lesdites parcelles. Par un arrêt rendu le 11 février 2014, n°11MA04203, confirmé par une décision du Conseil d'Etat du 27 mars 2015, la Cour de céans a jugé que cette route ne pouvait être regardée comme ouverte à la circulation publique. A la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, aucune circonstance nouvelle, à supposer même qu'une interdiction d'accès n'aurait été matérialisée qu'au cours de l'année 2019, ne permettait de retenir une appréciation différente. Dès lors, la construction projetée était nécessairement de nature à affecter directement les conditions de jouissance du bien de Mme J..., dans la mesure où elle en impliquait l'utilisation par les pétitionnaires. Par suite, c'est à tort que le tribunal a déclaré irrecevable la demande dont il était saisi. L'article 2 de son jugement du 22 août 2019 doit, par voie de conséquence, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité soulevés, être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... J... devant le tribunal administratif de Bastia.
Sur la légalité de la décision contestée :
En ce qui concerne la demande de permis de construire :
5. En premier lieu, en application de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, les demandes de permis de construire sont adressées : " a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; / c) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation pour cause d'utilité publique. ".
6. Ces dispositions régissent la recevabilité de la demande d'autorisation au regard des droits sur la parcelle d'assiette de la construction qui fait l'objet de la demande, dont les conditions de desserte doivent par ailleurs être examinées pour déterminer si, au regard des règles applicables sur ce point, l'autorisation peut être légalement accordée. Ainsi ces dispositions n'imposent pas au pétitionnaire de justifier du droit de passer sur les terrains donnant accès au terrain d'assiette. La circonstance que les consorts I... et D... ne disposeraient pas d'un tel droit n'est ainsi pas de nature à caractériser un défaut de qualité à demander le permis de construire litigieux, délivré sous réserve des droits des tiers, et le dépôt d'une telle demande, ne peut être regardé comme une " fraude du droit de propriété de la famille J... ".
7. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutiennent Mmes J..., les pétitionnaires ont dûment fourni, à l'appui de leur demande de permis de construire, une attestation relative à la prise en compte de la réglementation thermique, signée par M. D... lui-même, conformément aux dispositions combinées des articles R. 431-16 du code de l'urbanisme et R. 111-20-1 du code de la construction et de l'habitation.
8. En troisième lieu, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
9. Le dossier de demande comportait en l'espèce, s'agissant du projet architectural, une notice décrivant notamment le terrain d'assiette du projet, son environnement, l'organisation et l'implantation de la construction et de l'accès, le traitement des espaces verts ainsi que les matériaux et teintes prévus, conformément aux exigences de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme. Contrairement à ce que soutiennent Mmes J..., le projet architectural était également assorti, dans le respect des dispositions de l'article R. 431-9 du même code, du plan de masse des constructions à édifier, faisant dûment apparaître le système d'assainissement individuel projeté ainsi que l'accès à la route dite " Alzitella " mentionnée ci-dessus, que les pétitionnaires considéraient ouverte à la circulation publique, et l'arrivée des réseaux depuis cette route. Enfin, eu égard à l'environnement du projet, caractérisé par une urbanisation très éparse, la seule circonstance que les constructions avoisinantes ne soient pas visibles sur les documents graphique et photographiques fournis en application de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme, faisant par ailleurs figurer le traitement des accès et du terrain et offrant une vue plus lointaine de celui-ci, n'empêchait pas de mesurer l'impact visuel du projet. Au demeurant, si les requérantes soutiennent que les documents produits par les pétitionnaires seraient insuffisants au regard des exigences du code de l'urbanisme, elles n'indiquent pas en quoi ces défaillances auraient été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. Dès lors, leur moyen tenant à l'insuffisance des pièces relatives au projet architectural doit être écarté.
En ce qui concerne le projet de construction :
10. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés (...) ". L'article AU 3 du plan local d'urbanisme de la commune de Sotta précise : " Pour être constructibles, les terrains doivent être desservis par une voie publique soit directement, soit par une servitude de passage. / (...) ".
11. Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente et, en cas de recours, le juge administratif doivent s'assurer qu'une ou plusieurs voies d'accès au terrain d'assiette du projet pour lequel un permis de construire est demandé permettent de satisfaire aux exigences posées par ces règles. A cette fin, pour apprécier les possibilités d'accès au terrain pour le propriétaire ou les tiers, il leur incombe de s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle par une voie ouverte à la circulation publique et, le cas échéant, de l'existence d'un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie.
12. En l'espèce, il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus au point 3 que le terrain d'assiette du projet n'est pas directement accessible par une voie ouverte à la circulation publique. Les consorts I... et D... ne disposent par ailleurs pas d'une servitude de passage sur les parcelles privées susceptibles de leur donner accès à une telle voie. Dès lors, en délivrant l'autorisation litigieuse, le maire de la commune de Sotta a méconnu les dispositions de l'article AU 3 du plan local d'urbanisme.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article AU 4 du plan local d'urbanisme : " le pétitionnaire devra apporter la preuve que le système de traitement des eaux préconisé dans sa demande est compatible avec la charge polluante à traiter et les caractéristiques du terrain (aptitude à l'assainissement non collectif et superficie). En tout état de cause il respectera l'arrêté préfectoral du 22 mai 2012 règlementant les dispositifs d'assainissement collectif. ".
14. En produisant l'avis du service public d'assainissement du 19 juin 2007, favorable au système de traitement envisagé moyennant le respect de prescriptions, les pétitionnaires ont apporté la preuve requise par ces dispositions, laquelle ne peut nécessairement porter, tant que la construction n'a pas été réalisée, que sur un dispositif projeté.
15. En troisième lieu, aux termes de l'article AU 10.1 du plan local d'urbanisme : " La hauteur des constructions est mesurée en tout point du sol fini existant jusqu'à l'égout des toitures / Cette hauteur maximale mesurée en tout point de l'assiette foncière génère un plan théorique parallèle au sol fini, qu'aucun point de l'égout des toitures ne doit dépasser ". En application de son article AU 10.2, dans la zone concernée, la hauteur des constructions individuelles ne doit pas dépasser 7 mètres, une sur-hauteur pouvant toutefois être autorisée " en fonction des contraintes liées aux conditions techniques de construction et d'exploitation de l'équipement autorisé ".
16. Il ne ressort pas des plans fournis que le plan théorique parallèle au sol fini, à la hauteur de 7 mètres, serait dépassé par le projet à l'un quelconque des points de l'égout des toitures. Dès lors, le moyen des requérantes tiré du dépassement de la hauteur maximale fixée par ces dispositions, qui n'est du reste pas assorti d'explications précises, doit être écarté.
17. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article AU 13 du plan local d'urbanisme : " Les plantations existantes sont maintenues ou remplacées par des plantations d'espèces équivalentes. / Les aires de stationnement doivent être plantées à raison d'un arbre de haute tige par emplacement. / (...) ".
18. Il ne résulte pas de ces dispositions que le " carport " prévu par les pétitionnaires pourrait être assimilé à une aire de stationnement au sens de celles-ci, de telle sorte qu'il aurait dû faire l'objet d'une telle plantation.
Sur la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
19. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".
20. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que seul le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article AU 3 du plan local d'urbanisme du fait de l'absence de desserte de la parcelle d'assiette du projet est fondé. Cette illégalité peut, ainsi que le soutiennent les pétitionnaires, être régularisée en assortissant le permis de construire litigieux d'une prescription tenant à la production, au plus tard au dépôt de la déclaration d'ouverture de chantier, par les bénéficiaires, d'actes authentiques de servitudes de passage permettant l'accès à la parcelle cadastrée section D, n°799, depuis la voie publique. Dès lors, il y a lieu de surseoir à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et de fixer à la commune de Sotta et aux pétitionnaires un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt afin de produire le permis modificatif nécessaire.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Bastia du 22 août 2019 est annulé.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur le surplus des conclusions de la requête de Mmes J... jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, imparti à la commune de Sotta ou aux pétitionnaires pour notifier une mesure de régularisation à la Cour administrative d'appel.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... J..., à Mme H... J..., à la commune de Sotta, à Mme B... I... et à M. A... D....
Délibéré après l'audience du 7 juin 2021, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2021.
N°19MA04548 5