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21/06/2021 | FRANCE | N°19MA04390

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5eme chambre - formation a 3, 21 juin 2021, 19MA04390


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 5 août 2019 par lequel le préfet du Var l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1907461 du 5 septembre 2019, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marse

ille a annulé l'arrêté du 5 août 2019 du préfet du Var.

Procédure devant la cour :

Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 5 août 2019 par lequel le préfet du Var l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1907461 du 5 septembre 2019, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 5 août 2019 du préfet du Var.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 septembre et le 23 décembre 2019, le préfet du Var demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 septembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... en première instance ;

3°) d'ordonner à Me C... de rembourser la somme obtenue sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la demande de première instance est tardive ;

- l'intéressé n'a pas présenté de demande d'asile ;

- les motifs qu'il entendait faire valoir au titre de l'asile sont infondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2020 par une ordonnance du 10 novembre 2020.

Un mémoire a été enregistré pour M. A... le 6 juin2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2016-1458 du 28 octobre 2016 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les observations de Me C..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet du Var fait appel du jugement du 5 septembre 2019 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 5 août 2019 par lequel il a obligé M. A... à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Sur l'inopposabilité du délai de recours en première instance :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 776-19 du code de justice administrative : " Si, au moment de la notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1, l'étranger est retenu par l'autorité administrative, sa requête peut valablement être déposée, dans le délai de recours contentieux, auprès de ladite autorité administrative ". En outre, il résulte des dispositions combinées des articles R. 776-29 et R. 776-31 du même code, issues du décret du 28 octobre 2016 pris pour l'application du titre II de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, que les étrangers ayant reçu notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1 du code alors qu'ils sont en détention ont la faculté de déposer leur requête, dans le délai de recours contentieux, auprès du chef de l'établissement pénitentiaire.

4. Jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions mentionnées au point cidessus, l'administration n'était pas tenue de faire figurer, dans la notification à un étranger retenu ou détenu d'une décision prise sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour laquelle celui-ci a prévu un délai de recours bref, notamment d'une décision portant obligation de quitter le territoire sans délai, pour laquelle l'article L. 5121 de ce code prévoit un délai de recours de quarante-huit heures, la possibilité de déposer une requête contre cette décision, dans le délai de recours, auprès de l'administration chargée de la rétention ou du chef d'établissement pénitentiaire. En revanche, depuis l'entrée en vigueur de ces dispositions, notamment, pour les étrangers détenus, celles du décret du 28 octobre 2016 précité, il incombe à l'administration, pour les décisions présentant les caractéristiques mentionnées ci-dessus, de faire figurer, dans leur notification à un étranger retenu ou détenu, la possibilité de déposer sa requête dans le délai de recours contentieux auprès de l'administration chargée de la rétention ou du chef de l'établissement pénitentiaire (Conseil d'Etat, 10 juin 2020, n° 431179).

5. La notification de l'arrêté du préfet du Var effectuée le 14 août 2019 n'a pas informé M. A..., alors détenu, qu'il disposait de la possibilité de déposer sa requête dans le délai de recours contentieux auprès du chef de l'établissement pénitentiaire où il était incarcéré. C'est dès lors à bon droit que la magistrate désignée a retenu que le délai de recours de quarante-huit heures prévu à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'était pas opposable à M. A... en application des dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, citée au point 2.

Sur le bien-fondé du moyen retenu par la magistrate désignée :

6. L'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose notamment que : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable (...). / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 , dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". L'article L. 743-2 du même code énumère les cas dans lesquels le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé. Enfin, l'article L. 743-4 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose : " Sans préjudice des articles L. 556-1 et L. 743-2, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une mesure d'éloignement prise en application du livre V, celle-ci, qui n'est pas abrogée par la délivrance de l'attestation prévue à l'article L. 741-1, ne peut être mise à exécution avant la notification de la décision de l'office, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet, d'irrecevabilité ou de clôture, ou, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile contre une décision de rejet, avant la notification de la décision de la cour ".

7. Il résulte ainsi des dispositions applicables que, sous réserve du cas de demandes présentées par l'étranger en rétention ou des cas de refus d'attestation de demande respectivement prévus aux articles L. 556-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande d'asile ouvre droit au maintien sur le territoire français jusqu'à ce qu'il y soit statué. Si, préalablement à sa demande, l'intéressé, en l'absence de droit au maintien sur le territoire, a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, cette mesure ne peut être exécutée avant qu'il soit statué sur la demande d'asile. Le droit au maintien sur le territoire est conditionné par l'introduction de la demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, mais l'intéressé peut y prétendre dès qu'il a manifesté à l'autorité administrative son intention de solliciter l'asile, l'attestation mentionnée à l'article L. 741-1 du même code ne lui étant délivrée qu'en conséquence de cette demande (Conseil d'Etat, 29 novembre 2019, nos 416084, 416085, 416090).

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., alors incarcéré, a manifesté son intention de demander l'asile lors de son audition par les services de police le 26 mai 2019, ainsi que l'a d'ailleurs relevé le préfet du Var dans l'arrêté du 5 août 2019. Il incombait dès lors aux autorités administratives de l'orienter vers l'autorité compétente conformément à l'article R. 741-2 du code des étrangers et du droit d'asile, et, après l'avoir mis à même de réunir les éléments prévus à l'article R. 741-3, de le mettre en possession de l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 741-1. L'intéressé dispose alors d'un délai de vingt-et-un jours pour introduire une demande d'asile complète auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en application de l'article R. 723-1, à défaut de quoi l'office est susceptible de prendre une décision de clôture d'examen sur le fondement de l'article L. 723-13. Il est cependant constant que le préfet du Var n'a rien fait de tel, de sorte que la demande d'asile de M. A..., même présentée par la voie d'une simple évocation devant les services de police, faisait obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement à son encontre.

9. Les conditions dans lesquelles M. A..., ensuite placé en rétention, a de nouveau manifesté son intention de demander l'asile, le 31 août 2019, sont sans incidence sur l'illégalité de l'arrêté contesté, qui s'apprécie à la date de son édiction.

10. Enfin, l'appréciation portée par le préfet du Var sur le bien-fondé des motifs que M. A... aurait entendu faire valoir à l'appui de sa demande d'asile est sans incidence sur les obligations qui incombent au préfet.

11. Il suit de là que la magistrate désignée a retenu ce moyen à juste titre pour annuler l'arrêté contesté.

12. Il résulte l'ensemble de ce qui précède que le préfet du Var n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a annulé son arrêté du 5 août 2019.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet du Var est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2021, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2021.

5

No 19MA04390


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 19MA04390
Date de la décision : 21/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : MAGNAN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-21;19ma04390 ?
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