Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... H... a demandé au tribunal administratif de Nice, dans l'instance enregistrée au greffe de ce tribunal sous le n°1401707, d'annuler l'arrêté du 14 février 2014 n°2014-53 par lequel le maire de la commune de la Turbie l'a notamment mis en demeure de réaliser, dans un délai de deux mois, des travaux sur les terres et murets de sa propriété située au 204, chemin de Sotto Baou.
Dans l'instance enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nice sous le n°1401708, il a demandé à ce tribunal d'annuler l'arrêté du même jour n°2014-52 par lequel le maire de la commune de la Turbie lui a interdit l'accès à son habitation et lui a enjoint d'engager certaines études et travaux de sécurisation au plus tard le 28 mars 2014.
Par un jugement n°1401707-1401708 du 14 mai 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes et mis à sa charge les frais de l'expertise liquidés par ordonnance du président du tribunal du 17 décembre 2018.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er juillet 2019 et 23 décembre 2020, M. H..., représenté par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 14 mai 2019 ;
2°) de faire droit à ses demandes de première instance.
Il soutient que :
- aucun danger imminent n'était caractérisé ;
- les travaux qu'il a entrepris, entraînant des mouvements de sol et un défrichement, ont été autorisés par l'administration ;
- le sinistre est essentiellement d'origine climatique ;
- l'expertise a porté sur l'ensemble du secteur en cause et non seulement sur sa propriété ; il n'a pas à en supporter seul la charge.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2020, la commune de la Turbie, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Les parties ont été informées, en application de l'article L. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que le tribunal a méconnu le champ d'application du 2ème alinéa de l'article R. 621-13 du code de justice administrative en se prononçant sur la charge des frais de l'expertise prescrite par le juge des référés par ordonnance du 15 février 2016, liquidés et taxés par le président du tribunal par ordonnance du 17 décembre 2018, dès lors que ces frais ne faisaient pas partie des dépens de l'instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., substituant Me C..., représentant la commune de la Turbie.
Considérant ce qui suit :
1. Le 20 janvier 2014, un glissement de terrain en contrebas du chemin de Sotto Baoui à la Turbie a affecté principalement la parcelle cadastrée C58, propriété de M. H..., ainsi que plusieurs parcelles voisines appartenant à d'autres propriétaires privés et le chemin communal adjacent. Par un arrêté du 14 février 2014 n°2014-52, le maire de la commune a interdit l'accès à l'habitation de M. H... et a enjoint à l'intéressé d'engager, au plus tard le 28 mars 2014, certaines études et travaux de sécurisation. Par un second arrêté n°2014-53 du même jour, l'autorité municipale a mis en demeure M. H... de réaliser dans un délai de deux mois des travaux sur ses terres et murets en limite de propriété bordant la voie communale. L'intéressé relève appel du jugement du 14 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il statue sur la légalité des arrêtés litigieux :
2. Aux termes de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation dans sa version applicable : " I.- Le maire, à l'issue d'une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret en Conseil d'Etat, met le propriétaire de l'immeuble menaçant ruine (...) en demeure de faire dans un délai déterminé, selon le cas, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au péril ou les travaux de démolition, ainsi que, s'il y a lieu, de prendre les mesures indispensables pour préserver les bâtiments contigus. / Si l'état du bâtiment, ou d'une de ses parties, ne permet pas de garantir la sécurité des occupants, le maire peut assortir l'arrêté de péril d'une interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux qui peut être temporaire ou définitive. Les dispositions des articles L. 521-1 à L. 521-4 sont alors applicables. / (...) ". Aux termes de l'article L. 511-3 du même code : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / (...) ".
3. En premier lieu, si l'arrêté n°2014-52 porte pour titre " Arrêté municipal ordonnant les mesures provisoires nécessaires au cas de péril imminent propriété H... ", il ne vise pas les dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation citées ci-dessus, régissant la procédure de péril imminent, et n'a pas été pris après nomination d'un expert par le tribunal administratif. Le maire doit ainsi être regardé comme ayant entendu ordonner les mesures en cause, consistant, outre en l'interdiction d'accès à l'habitation, en la réalisation d'études, à une reprise en sous-oeuvre de la maison si nécessaire et au rétablissement d'ouvrages de soutènement pour stabiliser les terres, sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-2 dudit code, qu'il vise pour sa part. Il en est de même s'agissant de l'arrêté n°2014-53 qui prescrit essentiellement des travaux de réparation et confortement des terres et murets en limite de propriété afin de préserver la voirie contigüe et qui est présenté comme un arrêté " de péril ordinaire ". Il s'ensuit que le moyen invoqué par M. H..., tiré de l'absence d'imminence caractérisant le danger auquel le maire de la commune de la Turbie a entendu faire face, doit être écarté comme inopérant, la légalité d'un arrêté pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation n'étant pas subordonnée à l'existence d'un péril imminent.
4. En deuxième lieu, si le glissement de terrain ayant provoqué les désordres en cause est survenu après un épisode pluvieux intense, et si la commune a obtenu la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle à raison de mouvements de terrain survenus du 16 au 20 janvier 2014, il ressort du rapport établi par un bureau d'études à la demande de la collectivité le 24 janvier 2014 que le sinistre est survenu en raison de la réalisation de travaux de terrassement sur la propriété de M. H..., effectués sans phasage, sans création de soutènements à l'avance, et sans drainage suffisant, alors que le substratum rocheux était sensible aux mouvements de terrains. Le rapport de l'expertise prescrite ultérieurement par le tribunal administratif de Nice, établi le 15 octobre 2018, mentionne en ce sens que des signes précurseurs du sinistre avaient été constatés avant l'épisode pluvieux en cause et que le glissement en cause n'aurait pas eu lieu si des travaux n'avaient pas été entrepris par M. H... sur son terrain. Dès lors, le danger induit par l'état de l'immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres, sans que n'ait à cet égard d'incidence la circonstance, à la supposer même avérée, que lesdits travaux auraient été autorisés. Ainsi, le maire a pu légalement se fonder sur les dispositions de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation pour prendre les mesures litigieuses.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur les frais d'expertise :
6. Aux termes de l'article R. 621-13 du code de justice administrative : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal (...) en fixe les frais et honoraires par une ordonnance (...). Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires. (...). Elle peut faire l'objet, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l'article R. 761-5. / Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent (...) ". Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / (...) ".
7. M. H... soutient que c'est à tort que les juges de première instance ont mis à sa charge l'intégralité des frais de l'expertise prescrite par le juge des référés près le tribunal administratif de Nice le 15 février 2016 alors que cette expertise a porté sur l'ensemble du secteur en cause et non seulement sur sa propriété.
8. Cette expertise a été prescrite deux ans après l'adoption des arrêtés litigieux et l'introduction de la demande de première instance, sans qu'il ne soit aucunement fait référence à celle-ci. Elle ne visait pas précisément à déterminer si un état de péril était caractérisé ou si les mesures imposées par le maire de la Turbie à M. H... étaient pertinentes, mais plus largement à décrire l'ensemble des désordres constatés à la suite du glissement de terrain notamment chez les voisins de l'intéressé, à définir et chiffrer des travaux à entreprendre pour permettre une mise en sécurité et une utilisation des ouvrages en cause conforme à leur destination et à fournir à la juridiction les éléments lui permettant de se prononcer sur les responsabilités et l'étendue des préjudices subis dans le cadre d'un éventuel recours en responsabilité. Ainsi, quand bien même elle a été en partie utile à la résolution du litige, les frais y afférents ne peuvent être regardés comme compris dans les dépens de la présente instance au sens de l'article R. 621-13 du code de justice administrative. Dès lors, la Cour ne pourrait pas se prononcer sur le moyen de M. H... sans méconnaître le champ d'application du 2ème alinéa de l'article R. 621-13 du code de justice administrative, que le tribunal administratif a lui-même méconnu en mettant lesdits frais à la charge du requérant. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin d'examiner son moyen, que M. H... est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a mis à sa charge les frais de cette expertise.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de l'une quelconque des parties.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nice du 14 mai 2019 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... H... et à la commune de la Turbie.
Copie en sera adressée à M. D... E..., expert.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2021, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2021.
N°19MA02975 5