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21/06/2021 | FRANCE | N°19MA02066

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5eme chambre - formation a 3, 21 juin 2021, 19MA02066


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision orale de fouille prise le 29 avril 2016 par le directeur de la maison d'arrêt de Grasse et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1603793 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision orale du 29 avril 2016 par laquelle il a été décidé de s

oumettre M. A... à une fouille à corps.

Procédure devant la Cour :

Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision orale de fouille prise le 29 avril 2016 par le directeur de la maison d'arrêt de Grasse et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1603793 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision orale du 29 avril 2016 par laquelle il a été décidé de soumettre M. A... à une fouille à corps.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 mars 2019 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de rejeter les conclusions de première instance de M. A....

Il soutient que le tribunal a commis une erreur de droit et la fouille était nécessaire et proportionnée au but à atteindre.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 août 2019 et 28 janvier 2020, M. A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le garde des sceaux, ministre de la justice, ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés individuelles ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel du jugement du 7 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice, à la demande de M. A..., a annulé la décision orale de fouille corporelle exécutée le 29 avril 2016 lors de la fouille de sa cellule.

2. L'article 57 de la loi du 24 novembre 2009 dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues. / Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes. / Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin n'exerçant pas au sein de l'établissement pénitentiaire et requis à cet effet par l'autorité judiciaire ". Aux termes de l'article R. 57-7-79 du code de procédure pénale : " Les mesures de fouilles des personnes détenues, intégrales ou par palpation, sont mises en oeuvre sur décision du chef d'établissement pour prévenir les risques mentionnés au premier alinéa de l'article 57 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009. Leur nature et leur fréquence sont décidées au vu de la personnalité des personnes intéressées, des circonstances de la vie en détention et de la spécificité de l'établissement. / Lorsque les mesures de fouille des personnes détenues, intégrales ou par palpation, sont réalisées à l'occasion de leur extraction ou de leur transfèrement par l'administration pénitentiaire, elles sont mises en oeuvre sur décision du chef d'escorte. Leur nature et leur fréquence sont décidées au vu de la personnalité des personnes intéressées et des circonstances dans lesquelles se déroule l'extraction ou le transfèrement. ".

3. Il résulte de ces dispositions que si les nécessités de l'ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire peuvent légitimer l'application à un détenu de mesures de fouille, le cas échéant répétées, elles ne sauraient revêtir un caractère systématique et doivent être justifiées par l'un des motifs qu'elles prévoient, en tenant compte notamment du comportement de l'intéressé, de ses agissements antérieurs ou des contacts qu'il a pu avoir avec des tiers. Les fouilles intégrales revêtent un caractère subsidiaire par rapport aux fouilles par palpation ou à l'utilisation de moyens de détection électronique. Il appartient à l'administration pénitentiaire de veiller, d'une part, à ce que de telles fouilles soient, eu égard à leur caractère subsidiaire, nécessaires et proportionnées et, d'autre part, à ce que les conditions dans lesquelles elles sont effectuées ne soient pas, par elles-mêmes, attentatoires à la dignité de la personne (CE, 30 janvier 2019, n° 416999).

4. La décision en cause étant orale, elle n'a pas fait l'objet d'une motivation. Au cours de la procédure contentieuse, le garde des sceaux, ministre de la justice justifie la mesure prise de fouille intégrale d'une part par le risque de dissimulation d'objet à l'issue de la fouille de la cellule le 29 avril 2016, et d'autre part par les antécédents de M. A.... Toutefois, la fouille de la cellule du détenu ne saurait justifier, à elle seule, une mesure de fouille intégrale à corps. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que M. A... supporte mal la détention et a fait l'objet de plusieurs mesures disciplinaires à la suite d'incidents en détention, ses sanctions pénales consistent en conduite sous emprise de drogues, d'escroqueries et de vols, sans appartenance au crime organisé. Hormis la découverte d'un téléphone portable non autorisé, d'ailleurs dans des circonstances non précisées par le ministre, aucun élément ne permet de justifier la mesure prise par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement de l'intéressé fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement. Le garde des sceaux, ministre de la justice n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a jugé que la décision de procéder à une fouille à corps sur la personne de M. A... a méconnu les dispositions de l'article 57 de la loi du 24 novembre 2009 et annulé cette décision.

Sur les frais du litige :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à Me B..., ce versement valant renonciation à l'aide juridictionnelle.

D É C I D E :

Article 1er : Le recours du garde des sceaux, ministre de la justice est rejetée.

Article 2 : Il est mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me B..., ce versement valant renonciation à l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, à Me B... et à M. D... A....

Délibéré après l'audience du 7 juin 2021, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. C..., président assesseur,

- M. Merenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2021.

4

N° 19MA02066


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 19MA02066
Date de la décision : 21/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

Juridictions administratives et judiciaires - Exécution des jugements - Exécution des peines.

Juridictions administratives et judiciaires - Exécution des jugements - Exécution des peines - Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : LENDOM ROSANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-21;19ma02066 ?
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