La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/06/2021 | FRANCE | N°20MA03695

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 20MA03695


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 15 juin 2020 par lequel le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2004529 en date du 3 août 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant

la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 septembre 2020, M. B..., représenté par Me D...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 15 juin 2020 par lequel le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2004529 en date du 3 août 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 septembre 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 août 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 juin 2020 du préfet du Var ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation de travail dans l'attente ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré des erreurs de faits commises par le préfet dans l'appréciation de sa situation personnelle pour considérer comme établi le risque de fuite ;

- la réponse du tribunal sur ce point est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle prend en considération le seul critère tiré de la non-exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision de refus de délai de départ volontaire :

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour :

- cette décision est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision est illégale par voie d'exception de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour.

La requête a été présentée au préfet du Var qui n'a pas produit d'observations en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 28 août 1976, de nationalité Albanaise, relève appel du jugement du 3 août 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet du Var du 15 juin 2020, lui faisant obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire et prononçant à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif de Marseille, a répondu expressément dans son point 10 au moyen tiré de ce que la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation. La circonstance que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments invoqués par les parties, n'ait pas mentionné l'ensemble des éléments contenus dans cette décision, n'est pas de nature à entacher le jugement attaqué d'une insuffisance de motivation. Par ailleurs, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit ou d'appréciation des faits que les premiers juges auraient commises pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en août 2016 accompagné de son épouse A... B... et de ses deux premiers enfants nés en Albanie le 12 avril 2011 et le 10 février 2014, en vue d'y solliciter l'octroi du statut de réfugié. Par deux décisions du 18 avril 2017, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté leurs demandes d'asile. Puis, par deux décisions du 28 novembre 2017, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté leurs recours formés contre ces décisions. Son épouse a fait l'objet, le 12 septembre 2018, d'une décision de refus de séjour accompagnée d'une obligation de quitter le territoire français. Par un arrêté du même jour, le préfet des Bouches-du-Rhône a pris la même mesure d'éloignement à l'encontre de M. B.... Par ailleurs, si les trois enfants du couple résident en France avec leurs parents et deux d'entre eux y sont scolarisés, ils n'étaient âgés que de huit, cinq et un an à cette même date. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., s'il a exercé une activité professionnelle en qualité d'ouvrier en bâtiment pendant deux mois en 2018, puis à temps complet depuis mars 2020, et dispose d'un logement stable depuis juillet 2018, serait particulièrement intégré à la société française. Dès lors, le requérant, qui a vécu en Albanie jusqu'à l'âge de quarante ans et y conserve des attaches privées et familiales, n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français en litige aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, les tribunaux des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

6. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, que les enfants de M. B... sont respectivement âgés de huit, cinq et un an. L'arrêté attaqué n'a ni pour objet ni pour effet de priver les aînés de suivre une scolarité. Il n'induit pas davantage une séparation entre les enfants et leurs parents, l'ensemble de la famille étant par ailleurs en situation irrégulière. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté porterait atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants et aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision de refus de délai de départ volontaire :

7. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...). Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. ".

8. En l'espèce, M. B... n'a pas déféré à une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 12 septembre 2018, il a également explicitement déclaré et mentionné dans la fiche d'observations son intention de rester en France. Dans ces conditions et compte tenu de ce qui a été dit au point 4, alors même que l'intéressé, qui a justifié devant les services de police tant de sa domiciliation que de la possession d'un document d'identité et de voyage en cours de validité, aurait présenté des garanties de représentation suffisantes, c'est sans faire une inexacte application des dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet du Var lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour :

9. M. B... soulève les mêmes moyens que ceux présentés devant le tribunal administratif, tirés de ce que la décision d'interdiction de retour d'un an est entachée par voie d'exception de l'illégalité de celle portant obligation de quitter le territoire, d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge aux points 11 à 14 du jugement.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de l'interdiction de retour qui lui ont été opposées à l'encontre de la décision d'interdiction de retour.

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du préfet du Var du 15 juin 2020.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par M. B... sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juin 2021.

4

N° 20MA03695

fa


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20MA03695
Date de la décision : 17/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : DECAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-17;20ma03695 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award