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15/06/2021 | FRANCE | N°19MA05564

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9eme chambre - formation a 3, 15 juin 2021, 19MA05564


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 21 juin 2018 par laquelle le maire de Moussan a modifié sa fiche de poste et l'a affectée à un poste de secrétaire des affaires sociales.

Par un jugement n° 1804073 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'affectation de Mme B... à compter du 1er novembre 2017 sur le poste de secrétaire des affaires sociales, enjoint au maire de Moussan de procéder à sa réintégration dans l'

emploi qu'elle occupait précédemment et à prendre rétroactivement les mesures néce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 21 juin 2018 par laquelle le maire de Moussan a modifié sa fiche de poste et l'a affectée à un poste de secrétaire des affaires sociales.

Par un jugement n° 1804073 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'affectation de Mme B... à compter du 1er novembre 2017 sur le poste de secrétaire des affaires sociales, enjoint au maire de Moussan de procéder à sa réintégration dans l'emploi qu'elle occupait précédemment et à prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour la placer dans une position régulière à la date de sa mutation, dans un délai de deux mois et à mis à la charge de la commune de Moussan la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 décembre 2019 et le 12 avril 2021, la commune de Moussan, représentée par la Selarl Lysis avocats, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 octobre 2019 et, à titre subsidiaire, de l'annuler en tant qu'il fait injonction au maire de Moussan de procéder à la réintégration de Mme B... dans l'emploi qu'elle occupait précédemment ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme B... n'a pas vu ses responsabilités diminuées ni sa rémunération ;

- elle ne peut être réintégrée sur son emploi antérieur dès lors que celui-ci a été supprimé et, en tout état de cause, Mme B... ne souhaite pas reprendre en charge les missions qui lui ont été ôtées.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 avril 2021, Mme B..., représentée par Me D... conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Moussan d'une somme de 5 000 euros au titre des frais d'instance.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la commune de Moussan ne sont pas fondés.

Un mémoire enregistré le 21 avril 2021 présenté pour la commune de Moussan n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Un mémoire enregistré le 26 avril 2021 présenté pour Mme B... n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la commune de Moussan, et de Me D..., représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Moussan fait appel du jugement du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'affectation de Mme B..., rédacteur principal de première classe, à compter du 1er novembre 2017 sur le poste de secrétaire des affaires sociales, enjoint à son maire de procéder à sa réintégration dans l'emploi qu'elle occupait précédemment et à prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour la placer dans une position régulière à la date de sa mutation dans un délai de deux mois et à mis à la charge de la commune de Moussan la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le bienfondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité de la mesure de changement d'affectation :

2. En premier lieu, les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... assurait, comme le mentionnaient d'ailleurs ses fiches de paie, les fonctions de directrice des affaires scolaires et sociales et que, à ce titre, elle était en charge notamment de de la régie " garderie-cantine " au titre de laquelle elle percevait une NBI (nouvelle bonification indiciaire) à hauteur de 15 points, ainsi que de l'encadrement du personnel affecté dans les établissements scolaires et à l'entretien des bâtiments communaux, soit 8 agents. Or, ses nouvelles fonctions en qualité de secrétaire des affaires sociales, qui consistent uniquement à coordonner et diriger le service social, lui ont fait perdre toutes ses fonctions concernant les affaires scolaires et notamment celles d'encadrement sans que cette perte soit compensée par un renforcement de ses responsabilités concernant le CCAS et ont entraîné la suppression de la nouvelle bonification indiciaire dans la mesure où si la commune fait valoir que la nouvelle fiche de poste de l'intéressée prévoit qu'elle assure la gestion de la " régie de recettes CCAS ", cette mission n'est pas assortie d'une NBI. De surcroit, certaines responsabilités qui étaient dévolues à Mme B... dans le domaine social, tel l'assistance administrative dans le cadre des hospitalisations d'office, la participation au conseil d'administration du CCAS ou la mise en oeuvre de la politique de celui-ci lui ont été retirés au profit de fonctions administrative et de gestion dénuées de compétence décisionnelle. Eu égard à cet amoindrissement important des responsabilités de cet agent et à la diminution de sa rémunération, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la décision en litige faisait grief et était, par suite, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir sans que la commune de Moussan ne puisse utilement se prévaloir ni de l'illégalité de l'affectation d'un agent de catégorie B sur un poste de directrice de CCAS ni de ce qu'elle devait réorganiser ses services en raison du contrat Enfance Jeunesse la liant avec la Caisse d'allocations Familiales de l'Aude pour la période 2018-2021.

4. En second lieu, pour annuler la décision en litige le tribunal a retenu une méconnaissance d'une part de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et d'autre part de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905.

5. Aux termes de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires. Dans le cas où il s'agit de remplir une vacance d'emploi compromettant le fonctionnement du service et à laquelle il n'est pas possible de pourvoir par un autre moyen, même provisoirement, la mutation peut être prononcée sous réserve d'examen ultérieur par la commission compétente ".

6. Il est constant que la décision en litige a été prise sans consultation préalable de la commission administrative paritaire et alors que comme il a été dit au point 3 celle-ci entraine une modification de la situation de Mme B.... Cette absence de consultation étant de nature à avoir privé l'intéressée d'une garantie et étant susceptible d'avoir eu une influence sur le sens de la décision prise, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de la loi du 26 janvier 1984 était fondé.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le bien-fondé du second motif retenu par le tribunal, que la commune de Moussan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'affectation de Mme B... à compter du 1er novembre 2017 sur le poste de secrétaire des affaires sociales.

En ce qui concerne l'injonction :

8. L'annulation de la décision ayant illégalement muté un agent public oblige l'autorité compétente à replacer l'intéressé, dans l'emploi qu'il occupait précédemment et à reprendre rétroactivement les mesures nécessaires pour le placer dans une position régulière à la date de sa mutation. Il ne peut être dérogé à cette obligation que dans les hypothèses où la réintégration est impossible, soit que cet emploi ait été supprimé ou substantiellement modifié, soit que l'intéressé ait renoncé aux droits qu'il tient de l'annulation prononcée par le juge ou qu'il n'ait plus la qualité d'agent public.

9. En l'espèce, s'il ne résulte pas de l'instruction que Mme B... aurait renoncé à sa réaffectation sur son ancien poste, la commune de Moussan a, dans le cadre d'une réorganisation de ses services, rattaché depuis le 1er janvier 2018 les fonctions comptables et d'encadrement en matière d'affaires scolaires à la direction " Animation " et les fonctions strictement afférentes aux affaires scolaires ont été transférées à un agent également en charge des affaires générales. Ainsi, l'emploi de Mme B... a été substantiellement modifié. Par suite, sa réintégration dans l'ancien poste qu'elle occupait est impossible. Dans ces conditions, la commune de Moussan est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont enjoint à son maire de procéder à sa réintégration dans l'emploi qu'elle occupait précédemment.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme B... qui n'est pas la partie principalement perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Moussan une somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 octobre 2019 est annulé.

Article 2 : Les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Montpellier sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Moussan est rejeté.

Article 4 : La commune de Moussan versera une somme de 2 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... et à la commune de Moussan.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2021, où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- Mme A..., présidente assesseure,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2021.

N° 19MA05564 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 19MA05564
Date de la décision : 15/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

36-05-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Affectation et mutation.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Frederique SIMON
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : MB AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-15;19ma05564 ?
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