La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/06/2021 | FRANCE | N°19MA04627

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9eme chambre - formation a 3, 15 juin 2021, 19MA04627


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 22 mars 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour d'un an.

Par jugement n° 1902051 du 5 juin 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistr

e le 23 octobre 2019, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 22 mars 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour d'un an.

Par jugement n° 1902051 du 5 juin 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 octobre 2019, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 juin 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 mars 2019 du préfet des Pyrénées-Orientales ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour portant mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 la somme de 1 500 euros, qui sera versée à Me C... en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est insuffisamment motivée en fait ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur le pays de renvoi :

- elle ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement vers l'Albanie en application de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'interdiction de retour :

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 avril 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 6 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., de nationalité albanaise, a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 22 mars 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'un an. Par le jugement dont la requérante relève appel, le premier juge a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, la décision en litige mentionne les éléments de droit sur lesquels elle se fonde. Si la requérante soutient que le préfet n'a pas mentionné dans cette décision la présence régulière en France de son fils aîné bénéficiaire depuis septembre 2017 de la qualité de réfugié, elle ne conteste pas avoir déclaré, comme l'indique la décision en litige, qu'elle était célibataire sans enfants lors de sa demande d'asile le 27 février 2018. Ainsi, compte tenu des éléments portés à la connaissance du préfet et notamment des éléments qu'il appartient à l'étranger de faire valoir pendant l'instruction de sa demande d'asile, le préfet a pu légalement motiver en fait la décision en litige au regard de sa vie privée et familiale sans mentionner la présence régulière de son fils aîné en France. Par suite, la décision en litige est suffisamment motivée en fait et en droit au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. La requérante est entrée en France le 23 janvier 2018 avec son fils cadet Kledis Gjoklaj né en Albanie le 23 août 2000. Après le rejet de sa demande d'asile par l'OFPRA le 30 avril 2018 confirmé par la CNDA le 21 décembre 2018, après le rejet pour irrecevabilité le 26 juillet 2019 de sa demande de réexamen par l'Office et l'obligation de Mme A... de quitter le territoire français en litige datée du 22 mars 2019, dont la légalité avait été confirmée par le jugement attaqué du 5 juin 2019, elle s'est maintenue irrégulièrement en France malgré trois convocations du préfet des Pyrénées-Orientales, datées des 9 septembre, 17 septembre et 24 septembre 2019 et remises en main propre, pour qu'elle se présente à la police des frontières. Si elle soutient que depuis son divorce avec son mari en 2010, sa seule famille réside désormais en France dès lors que son fils aîné s'est vu reconnaître la qualité de réfugié en France le 28 septembre 2017 en raison de son orientation sexuelle et que son second fils est venu avec elle en France, il ressort des pièces du dossier que son fils aîné est arrivé en France le 9 mars 2017 à l'âge de dix-neuf ans, soit plus d'un an avant l'arrivée de sa mère et que son fils cadet a lui aussi fait l'objet le 30 décembre 2019 d'une obligation de quitter le territoire français et a ainsi vocation à retourner dans son pays d'origine. La requérante n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-six ans et où résident ses frères chez lesquels elle dit avoir vécu, selon le modèle patriarcal albanais s'appliquant aux femmes seules, de 2015 jusqu'à son arrivée en France. Elle n'établit pas que les troubles cardiaques qui ont exigé une journée d'hospitalisation en France présenteraient un lien avec le choc nerveux qu'elle aurait subi en Albanie du fait de la découverte par son ex-mari de l'homosexualité de leur fils aîné qu'il réprouvait fortement. La requérante ne fait valoir aucune intégration socio-professionnelle en France. Dans ces conditions, Mme A... n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Dès lors, et eu égard notamment à la brièveté et des conditions de son séjour en France à la date de la décision en litige, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, c'est à bon droit que le premier juge a estimé que l'obligation de quitter le territoire français en litige ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne le pays de destination :

5. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

6. Mme A..., dont la demande d'asile et la demande de réexamen ont été d'ailleurs rejetées par l'OFPRA et la Cour nationale du droit d'asile, se borne à soutenir qu'elle encourt des risques en cas de retour en Albanie en raison de violences et de menaces de son ex-mari qui refuse l'homosexualité de leur fils aîné, sans pouvoir bénéficier de la protection effective des autorités albanaises. Toutefois, si l'homosexualité de son fils est tenue pour établie, la requérante, en se bornant à produire un rapport général de l'OFPRA relatif aux difficultés rencontrées par les femmes albanaises pour être protégées des violences conjugales et au sentiment homophobe de la société albanaise, n'établit pas l'existence d'un risque actuel et personnel d'être exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, en désignant l'Albanie ou tout autre pays pour lequel la requérante établit être légalement admissible comme pays de destination de la mesure d'éloignement, le préfet des Pyrénées-Orientales, qui ne s'est pas cru à tort lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile, n'a ainsi méconnu, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

7. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4 et en l'absence d'argumentation spécifique à l'encontre de l'interdiction de retour en litige, cette décision ne méconnaît pas pour les mêmes motifs l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais non compris dans les dépens et versée à Me C... sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., au ministre de l'intérieur et à Me C....

Copie pour information sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2021, où siégeaient :

- M. Chazan, président de chambre,

- Mme Simon, présidente assesseure,

- Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2021.

3

N° 19MA4627


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 19MA04627
Date de la décision : 15/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SUMMERFIELD TARI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-15;19ma04627 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award