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14/06/2021 | FRANCE | N°20MA04612

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6eme chambre - formation a 3, 14 juin 2021, 20MA04612


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 novembre 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de trois ans et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familia

le " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 novembre 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de trois ans et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2004734 du 4 décembre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a annulé la décision du préfet des Alpes-Maritimes prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 11 décembre 2020 sous le n° 21MA04612, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice du 4 décembre 2020 en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 novembre 2020 en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou, à défaut, d'enjoindre audit préfet de réexaminer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer, dans cette attente, un titre de séjour temporaire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il réside de façon continue et pérenne en France depuis plus de dix-huit années ;

- l'arrêté du préfet porte une atteinte manifestement disproportionnée à ses droits fondamentaux ;

- il est insuffisamment motivé au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il a été pris par une autorité ne disposant pas d'une délégation de signature ;

- il méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- il contrevient aux dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus d'octroi d'un délai de départ viole l'article L. 511-1 II du même code dans la mesure où il ne représente pas une menace pour l'ordre public, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour avant l'expiration de son dernier titre, il ne s'est jamais soustrait à une mesure d'éloignement et il présente les garanties de représentation suffisantes ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires en défense enregistrés le 15 février 2021 et le 29 mars 2021, le préfet des Alpes-Maritimes, représenté par la Selarl Serfaty-Venutti-Camacho et Cordier, conclut, en l'état de ses dernières écritures, au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement en tant qu'il a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans prononcée à l'encontre de M. B... le 17 novembre 2020.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés ;

- le requérant n'ayant pas, contrairement aux membres de sa famille, souhaité renouveler le titre de séjour dont il bénéficiait et étant connu très défavorablement des forces de l'ordre, la mesure d'interdiction de retour pour une durée de trois ans n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

Par ordonnance du 30 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 avril 2021.

Par un courrier du 18 mai 2021, les parties ont été informées de ce que, en application de l'article R. 611-7 du Code de justice administrative, l'arrêt de la Cour à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité pour tardiveté des conclusions présentées par le préfet des Alpes-Maritimes tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a annulé la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans prononcée à l'encontre de M. B..., ces conclusions soulevant un litige distinct de l'appel principal de M. B... dirigé contre le jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions de première instance à fin d'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai.

II. - Par une requête enregistrée le 11 décembre 2020 sous le n° 20MA04613, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner la suspension de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 novembre 2020 en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son recours en suspension présente un caractère d'urgence manifeste au regard de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il réside de façon continue et pérenne en France depuis plus de dix-huit années ;

- l'arrêté du préfet porte une atteinte manifestement disproportionnée à ses droits fondamentaux ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il contrevient aux dispositions de l'article L. 313-11-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus d'octroi d'un délai de départ viole l'article L. 511-1 II du même code dans la mesure où il ne représente pas une menace pour l'ordre public, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour avant l'expiration de son dernier titre, il ne s'est jamais soustrait à une mesure d'éloignement et il présente les garanties de représentation suffisantes ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires en défense enregistrés le 16 février 2021 et le 29 mars 2021, le préfet des Alpes-Maritimes, représenté par la Selarl Serfaty-Venutti-Camacho et Cordier, conclut, en l'état de ses dernières écritures, au rejet de la requête de M. B....

Il soutient que :

- la situation de M. B... ne caractérise pas une situation d'urgence ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 avril 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... Massé-Degois, rapporteure,

- et les observations de Me A..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 17 novembre 2020, le préfet des Alpes-Maritimes a prononcé à l'encontre de M. B..., ressortissant russe né le 24 mai 1988, une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire sur le fondement des dispositions du 4° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par une requête enregistrée sous le n° 20MA04612, M. B... relève appel du jugement du 4 décembre 2020 en tant que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 17 novembre 2020 du préfet des Alpes-Maritimes l'obligeant à quitter le territoire français sans délai. Il demande également à la Cour, par une requête enregistrée sous le n° 20MA04613, de prononcer la suspension de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 novembre 2020 en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français. Le préfet des Alpes-Maritimes, qui conclut au rejet des requêtes de M. B..., demande à la Cour d'annuler le même jugement en tant qu'il a fait droit aux conclusions de M. B... relative à la décision prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Sur la jonction :

2. Les deux requêtes susvisées enregistrées sous le n° 20MA04612 et le n° 20MA04613 émanent du même requérant et sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur l'appel principal de M. B... :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 17 novembre 2020 :

3. En premier lieu, par l'article 6 de l'arrêté n° 2020-323 en date du 19 mai 2020, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture des Alpes-Maritimes, M. C... E..., adjoint à la cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux du séjour, a reçu délégation de signature à l'effet de signer au nom du préfet des Alpes-Maritimes, notamment " les mesures d'éloignement ". Par suite, ainsi que l'a jugé le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'obligation de quitter le territoire français, manquant en fait, doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police. ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

5. D'une part, l'exigence de motivation instituée par les dispositions des articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration dont se prévaut le requérant s'applique à l'énoncé des seuls motifs sur lesquels l'administration entend faire reposer sa décision. Il suit de là que M. B... ne peut utilement reprocher à l'arrêté litigieux de ne pas comporter " le rapport exhaustif des éléments circonstanciés ayant trait " à son parcours et soutenir que cet arrêté serait entaché d'un défaut de motivation pour ne pas comporter le rappel des éléments caractérisant sa situation, que celui-ci regarde comme lui étant favorables et sur lesquels l'auteur de la décision n'a pas entendu se fonder.

6. D'autre part, la décision attaquée vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 511-1-I du 1er au 8ème alinéa, L. 511-1-II du 1er au 3ème alinéa, L. 511-1-III, L. 512-1 et L. 513-2. Elle précise que l'intéressé, célibataire et sans charge de famille qui n'a ni justifié avoir sa résidence habituelle depuis l'expiration de son titre de séjour le 19 janvier 2015 ni de ses liens avec la France depuis 2002, ni démontré être dépourvu de lien avec son pays d'origine, la Russie, s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de la validité de son dernier titre de séjour et qu'en l'absence de circonstances humanitaires faisant obstacle à ce qu'il quitte le territoire, il y avait lieu de lui faire obligation de quitter le territoire français sans délai.

7. Par suite, la décision attaquée, qui contient l'exposé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée et le moyen titré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration doit dès lors être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour en France des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...). ".

9. M. B... fait valoir qu'il réside en France depuis qu'il a 14 ans, qu'il y a mené ses études, qu'il y a travaillé, que sa famille y réside régulièrement, qu'il est dépourvu de toute attache en Russie et qu'il a un projet de mariage avec sa concubine.

10. Toutefois, si M. B... établit, par les pièces versées au dossier, notamment divers documents administratifs, titres de séjour et bulletins de salaire concernant la période du 6 janvier 2007 au 31décembre 2014, être entré en France en 2002 avec ses parents et y avoir résidé régulièrement jusqu'en 2015, il ne démontre pas, par les éléments qu'il produit, y compris ceux communiqués pour la première fois en appel, avoir continué à y résider habituellement depuis le mois de janvier 2015, mois au cours duquel est venue à expiration la validité de son dernier titre de séjour, ni y avoir eu une activité professionnelle à compter de cette date. Si M. B... soutient avoir fait l'objet d'un refus de renouvellement de son titre de séjour en 2015 et avoir sollicité le 21 décembre 2018 un titre de séjour, il ne l'établit pas par la seule production de la copie d'une lettre non manuscrite et non signée, datée du 21 décembre 2018, qu'il aurait adressée aux services de la préfecture des Alpes-Maritimes. Par ailleurs, les attestations versées aux débats, rédigées de manière insuffisamment circonstanciée par des proches pour les besoins de la cause postérieurement à la date de la décision en litige, ne permettent pas de démontrer sa présence en France depuis le début de l'année 2015, de même que le témoignage peu étayé de sa prétendue concubine française, daté du 20 novembre 2020, avec laquelle il allègue envisager de se marier. Si le requérant se prévaut également du contrat de bail qu'il aurait conclu le 1er juin 2012 pour une durée d'au moins trois ans pour un appartement situé 11 rue Tondutti de l'Escarène à Nice, il ressort cependant des pièces versées au dossier qu'alors que ce bail fait état de la qualité de M. B..., né le 24 mai 1988 en Russie, en tant que " seul locataire de l'appartement ", la signature apposée sur ce bail sous l'intitulé " LE(S) LOCATAIRE(S) " n'est pas la sienne mais celle de sa mère, Mme F..., comme en attestent les signatures figurant sur leurs passeports respectifs dont les copies ont été versées au dossier. En outre,

le relevé " Google Timeline " produit pour la première fois en appel, ne peut être regardé comme présentant une valeur probante suffisante de nature à établir, à lui seul, sa présence en France au cours de la période du 2 août 2016 au 15 décembre 2019, en l'absence de tout autre élément en corroborant la teneur. Enfin, ni la copie d'un billet de train Nice-Milan à son nom en date du 26 août 2016, ni l'attestation du responsable du centre " Le Tremplin " à Nice qui certifie avoir régulièrement accueilli M. B... au cours des années 2015, 2016 et 2017 sans aucune autre précision, ni encore une facture de dépannage du 10 juillet 2015 mentionnant une date d'échéance au 11 octobre 2020 ne suffisent à démontrer sa présence habituelle en France au cours de la période de janvier 2015 à la fin de l'année 2019 ni à corroborer la teneur du relevé " Google Timeline ". Il en est de même du courrier du 2 février 2017 émanant du consulat général de la Fédération de Russie à Marseille selon lequel le service migration près le ministère des affaires intérieures de la République tchétchène s'est trouvé dans l'impossibilité de confirmer ou d'infirmer sa nationalité russe, ainsi que de l'attestation du 28 juin 2018 de l'agence consulaire à Villefranche-sur-Mer dépendant du consulat général de la fédération de Russie à Marseille et du certificat non daté du chef de la Milice de la sécurité publique du service intérieur de la région de Kourtchaloi de la République tchétchène-Fédération de Russie, qui se bornent à mentionner pour l'une que M. B... a déposé un dossier pour l'obtention d'un nouveau passeport et, pour l'autre, qu'il " n'est pas enregistré comme faisant l'objet d'un suivi préventif ". Par suite, en l'absence de démonstration de sa présence sur le territoire français de manière habituelle entre la date d'expiration de la validité de son dernier titre de séjour, soit janvier 2015, et la fin de l'année 2019, M. B... étant célibataire et sans charge de famille, le préfet des Alpes-Maritimes a pu, sans méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour en France des étrangers et du droit d'asile, prendre à son encontre le 20 novembre 2020 une mesure d'éloignement, cette décision ne portant pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

11. Pour les mêmes motifs, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

12. En quatrième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; / (...) / h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. ".

13. Si M. B... dispose d'un passeport en cours de validité et si, compte tenu des termes du procès-verbal d'audition, il ne peut être regardé comme ayant explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français, le préfet des Alpes-Maritimes s'est également fondé sur le motif tiré de ce qu'il s'est maintenu au-delà de l'expiration de son titre de séjour sans en solliciter le renouvellement. M. B..., ainsi qu'il a été dit au point 10, n'établit pas avoir déposé une demande de délivrance d'un titre de séjour à l'expiration de son précédent titre, intervenue le 19 janvier 2015. Par suite, en l'absence de toute circonstance particulière, le préfet des Alpes-Maritimes a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer qu'il existait un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement en application du c) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers dans sa rédaction applicable au litige et du droit d'asile et refuser pour ce motif l'octroi d'un délai de départ volontaire. Il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul motif. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus d'octroi d'un délai de départ méconnait l'article L. 511-1 II cité au point précédent doit être écarté.

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des frais d'instance.

En ce qui concerne les conclusions à fin de suspension de l'exécution de l'arrêté du 17 novembre 2020 :

15. Le présent arrêt statue sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué rejetant les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes prononçant à l'encontre de l'intéressé une obligation de quitter le territoire français sans délai. Dès lors, les conclusions de M. B... tendant à ce que l'exécution de cet arrêté soit suspendue sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative sont devenues sans objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées dans cette requête par M. B... au titre des frais d'instance.

Sur l'appel incident du préfet des Alpes-Maritimes :

17. Les décisions faisant obligation de quitter le territoire français à M. B... ainsi que celle lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et lui interdisant un retour en France pendant une durée de trois ans étant distinctes, les conclusions les concernant relèvent de litiges distincts et ne sont recevables qu'à la condition d'avoir été enregistrées dans le délai d'appel ayant couru contre le jugement. Il ressort des pièces du dossier, notamment des accusés de réception de courriers du greffe que le jugement du 4 décembre 2020 a été notifié, via l'application Télérecours, au préfet des Alpes-Maritimes ainsi qu'à son conseil et au ministre de l'intérieur le 7 décembre 2020. Les courriers de notification précisaient que cette notification faisait courir le délai d'appel qui est d'un mois. Dès lors, les conclusions incidentes du préfet des Alpes-Maritimes qui tendent à la réformation du jugement en ce qu'il a annulé sa décision prononçant une interdiction de retour pour une durée de trois ans à l'encontre M. B... sont tardives et, par suite, irrecevables, l'appel principal concluant à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20MA04613 présentées par M. B... aux fins de suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 novembre 2020 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai.

Article 2 : Les conclusions incidentes du préfet des Alpes-Maritimes tendant à la réformation du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a annulé sa décision prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour pour une durée de trois ans sont rejetées.

Article 3 : La requête n° 20MA04612 de M. B... ainsi que ses conclusions présentées dans la requête n° 20MA04613 au titre des frais d'instance sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2021, où siégeaient :

- M. Guy Fédou président,

- Mme D... Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2021.

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N° 20MA04612 - 20MA04613

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : CHOUMAN FRANCK

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Date de la décision : 14/06/2021
Date de l'import : 22/06/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20MA04612
Numéro NOR : CETATEXT000043677168 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-14;20ma04612 ?
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