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14/06/2021 | FRANCE | N°18MA04846

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6eme chambre - formation a 3, 14 juin 2021, 18MA04846


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS " Sur Les Quais " a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 14 avril 2016 par laquelle la société publique locale (SPL) Semidep-Ciotat a prononcé la résiliation pour faute de la convention d'occupation temporaire du domaine public en date du 1er juillet 2010, modifiée par un avenant du 12 septembre 2012, l'autorisant à occuper des dépendances du domaine public portuaire sur le territoire de la commune de La Ciotat et, d'autre part, de prononcer la repri

se des relations contractuelles avec la SPL Semidep-Ciotat.

Par un jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS " Sur Les Quais " a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 14 avril 2016 par laquelle la société publique locale (SPL) Semidep-Ciotat a prononcé la résiliation pour faute de la convention d'occupation temporaire du domaine public en date du 1er juillet 2010, modifiée par un avenant du 12 septembre 2012, l'autorisant à occuper des dépendances du domaine public portuaire sur le territoire de la commune de La Ciotat et, d'autre part, de prononcer la reprise des relations contractuelles avec la SPL Semidep-Ciotat.

Par un jugement n° 1604443 du 21 septembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 novembre 2018, la SAS " Sur Les Quais ", représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision du 14 avril 2016 par laquelle la société publique locale (SPL) Semidep-Ciotat a prononcé la résiliation pour faute de la convention d'occupation temporaire du domaine public en date du 1er juillet 2010, modifiée par un avenant du 12 septembre 2012, l'autorisant à occuper des dépendances du domaine public portuaire sur le territoire de la commune de La Ciotat ;

3°) de prononcer la reprise des relations contractuelles avec la SPL Semidep-Ciotat, passé le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la SPL Semidep-Ciotat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis à statuer sur le moyen tiré du vice de procédure en raison du non-respect du principe de parallélisme des formes et des procédures, dans la mesure où il n'y a pas eu de délibération du département des Bouches-du-Rhône concernant la mesure de résiliation ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que le directeur général de la SPL Semidep-Ciotat était compétent pour prendre, seul, la mesure de résiliation, alors que le département des Bouches-du-Rhône aurait dû se prononcer ou, à défaut, le conseil d'administration de la SPL Semidep-Ciotat ;

- le tribunal a commis une erreur de droit et une mauvaise qualification juridique des faits, dans la mesure où le principe du contradictoire n'a pas été respecté durant la procédure de résiliation de la convention ;

- le tribunal a fait une mauvaise qualification juridique des faits en considérant qu'elle ne respectait pas l'affectation des locaux objets de la convention d'occupation temporaire ;

- le tribunal a commis une erreur de droit car les retards de paiement de la redevance ne revêtent pas un caractère suffisamment grave qui justifierait la résiliation de la convention ; ce caractère de gravité suffisante n'a pas été recherché par le tribunal ;

- le tribunal s'est seulement prononcé sur deux des cinq vices avancés dans sa requête, démontrant le caractère illégal de la résiliation ;

- les conditions nécessaires pour une reprise des relations contractuelles sont remplies.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 septembre 2019, la SPL La Ciotat Shipyards anciennement dénommée Semidep-Ciotat conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS " Sur Les Quais " la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SAS " Sur Les Quais " ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... Massé-Degois, rapporteure,

- les conclusions de M. B... Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour la SAS " Sur Les Quais ", de Me D... pour la SPL La Ciotat Shipyards et de Me F... pour le département des Bouches-du-Rhône.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention conclue le 1er juillet 2010, modifiée par un avenant du 12 septembre 2012, la société publique locale (SPL) Semidep-Ciotat a autorisé la société par actions simplifiée (SAS) " Sur Les Quais " à occuper le domaine public portuaire sur le territoire de la commune de La Ciotat pour une durée de vingt ans en vue de l'exploitation d'un café situé en rez-de-chaussée d'un bâtiment. Par un courrier du 14 avril 2016, la SPL Semidep-Ciotat a informé la SAS " Sur Les Quais " de la résiliation pour faute de ladite convention et de son avenant, en raison de la méconnaissance de plusieurs clauses de la convention. La SAS " Sur Les Quais " relève appel du jugement n° 1604443 du 21 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 14 avril 2016 par laquelle la SPL Semidep-Ciotat a prononcé la résiliation pour faute de la convention et, d'autre part, au prononcé de la reprise des relations contractuelles.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La SAS " Sur Les Quais " soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que le non-respect du principe de parallélisme des procédures entachait d'un vice de procédure la décision de résiliation litigieuse en reprochant au département des Bouches-du-Rhône, partie à la convention, de ne pas avoir autorisé la résiliation en litige. Toutefois, il ressort de la lecture du jugement attaqué, et notamment de ses points 3 à 5, que les premiers juges ont implicitement mais nécessairement répondu à ce moyen en considérant que le directeur général de la société Semidep-Ciotat était compétent pour prononcer la résiliation de la convention d'occupation temporaire du domaine public en date du 1er juillet 2010 ainsi que son avenant du 12 septembre 2012 après avoir, d'une part, cité les dispositions des articles R. 2122-7 et R. 2221-5 du code général de la propriété des personnes publiques donnant compétence au gestionnaire du domaine public compétent pour délivrer des titres d'occupation pour prononcer la résiliation de l'autorisation ou de la convention d'occupation du domaine public et, d'autre part, mentionné que l'article 18 de cette convention donnait compétence au concessionnaire pour prononcer le retrait de l'autorisation sans indemnité si l'activité exercée dans les lieux n'était plus conforme à l'activité initialement autorisée. Par suite, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de la requérante, n'a pas entaché le jugement attaqué d'irrégularité pour ce motif.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 18B de la délégation de service public conclue entre le département des Bouches-du-Rhône et la SPL Semidep-Ciotat le 23 décembre 1996 : " Si la durée prévue au titre d'occupation excède la durée de la concession restant à courir, le titre doit être soumis au contreseing de l'autorité concédante. / Le retrait de l'autorisation sans indemnité peut être prononcé par le concessionnaire notamment si l'activité exercée dans les lieux n'est plus conforme à l'activité initialement autorisée. ". Selon l'article 19 des statuts de la SPL Semidep-Ciotat : " Le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société. Il exerce ses pouvoirs dans les limites de l'objet social et sous réserve de ceux que la loi attribue expressément aux assemblées d'actionnaires et au Conseil d'administration. ".

4. Il résulte des stipulations citées au point précédent que, contrairement à ce que soutient la SAS " Sur Les Quais " et comme l'a retenu à bon droit le tribunal administratif de Marseille, le seul directeur général de la SPL Semidep-Ciotat était compétent pour prononcer la résiliation de la convention d'occupation temporaire du domaine public pour faute.

5. En second lieu, le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles. Elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation. Eu égard aux particularités de ce recours contentieux, à l'étendue des pouvoirs de pleine juridiction dont le juge du contrat dispose et qui peut le conduire, si les conditions en sont satisfaites, à ordonner la reprise des relations contractuelles, l'exercice d'un recours administratif pour contester cette mesure, s'il est toujours loisible au cocontractant d'y recourir, ne peut avoir pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux. Il en va ainsi quel que soit le motif de résiliation du contrat et notamment lorsque cette résiliation est intervenue en raison des fautes commises par le cocontractant. Au demeurant, dans cette dernière hypothèse, la personne publique est toujours dans l'obligation de mettre le cocontractant en mesure de faire valoir ses observations avant l'intervention de cette décision.

6. Il ressort des pièces du dossier que, dans son courrier du 23 mars 2016 réceptionné selon l'appelante le 29 mars suivant, la SPL Semidep-Ciotat a précisé les manquements contractuels reprochés à la SAS " Sur Les Quais ", qu'elle a confirmé sa volonté de résilier le contrat les liant et lui a laissé un délai de huit jours pour présenter des observations sur les nouveaux griefs retenus à son encontre, concernant le changement d'affectation des locaux objets de la convention d'occupation du 1er juillet 2010 modifiée par un avenant du 12 septembre 2012. Dès lors, le moyen tiré de ce que la société requérante n'aurait pas été mise à même de présenter ses observations préalablement à la décision de résiliation du 14 avril 2016 et de ce que cette décision serait intervenue aux termes d'une procédure irrégulière n'ayant pas respecté le principe du contradictoire manque en fait et doit, par suite, être écarté.

Sur la régularité de la mesure de résiliation :

7. Aux termes de l'article VI de la convention d'occupation du 1er juillet 2010 : " La redevance d'occupation est facturée mensuellement, à terme d'avance. / (...). ". Aux termes de l'article XII-1 de cette convention : " (...) à défaut de paiement à son échéance d'un seul terme de le redevance et des charges ou d'inexécution d'une seule clause ou condition des présentes, la convention d'occupation sera résiliée de plein droit, si bon semble au CONCESSIONNAIRE, un mois après un simple commandement de payer resté infructueux ou une simple mise en demeure notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception contenant déclaration par le CONCESSIONNAIRE de son intention d'user du bénéfice de la présente clause, tous frais exposés restant à la charge du BENEFICIAIRE. / (...) " et, enfin, aux termes de l'article XIII de ladite convention : " Tout retard de paiement entraînera l'application de pénalités de retard et la refacturation de commissions de recouvrements, si nécessaire, aux frais du BENEFICIAIRE. / En cas de retard persistant au-delà d'un mois, le CONCESSIONNAIRE pourra résilier unilatéralement la présente autorisation. Dans ce cas, le BENEFICIAIRE devra quitter les lieux dans les 15 jours suivant l'injonction qui lui sera faite. / (...). ".

8. Il résulte de l'instruction que, entre le mois de septembre 2013 et le mois d'avril 2016, soit au cours d'une période de 32 mois, la SAS " Sur Les Quais " a accusé des retards dans le paiement de sa redevance à dix-huit reprises en méconnaissance de l'article VI de la convention cité au point précédent, ce qu'elle ne conteste au demeurant pas, les justifiant, dans ses écritures d'appel par des " difficultés de trésorerie dues à la saisonnalité de l'activité " de la société " dont l'essentiel du chiffre d'affaires est réalisé pendant la période estivale ". Sur ces dix-huit retards de paiement, huit accusent un retard respectivement de 31 jours, 46 jours, 40 jours, 196 jours, 150 jours, 292 jours, 65 jours et 231 jours. Or, ainsi qu'il a été dit au point précédent, en application de l'article XIII de la convention du 1er juillet 2010, le concessionnaire pouvait résilier ladite convention " en cas de retard persistant au-delà d'un mois ". Dans ces conditions, alors même que l'appelante s'est acquittée de ses paiements de la redevance due et en dernier lieu par un versement effectué postérieurement à la mise en demeure que lui a adressée la SPL Semidep-Ciotat, cette dernière était fondée, et pour ce seul motif tiré des retards répétés de paiement supérieur à un mois de la redevance d'occupation, à prononcer la résiliation de la convention.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la résiliation de la convention d'occupation temporaire du 1er juillet 2010 modifiée par un avenant du 12 septembre 2012, prononcée par la SPL Semidep-Ciotat par un courrier du 14 avril 2016, est justifiée. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande présentée par la SAS " Sur Les Quais " tendant à la reprise des relations contractuelles et l'appelante n'est ainsi pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande de première instance.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SPL La Ciotat Shipyards, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la SAS " Sur Les Quais " la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SAS " Sur Les Quais " une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SPL La Ciotat Shipyards et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : : La requête de la SAS " Sur Les Quais " est rejetée.

Article 2 : La SAS " Sur Les Quais " versera à la SPL La Ciotat Shipyards la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société par actions simplifiée " Sur Les Quais ", à la Société publique locale La Ciotat Shipyards et au département des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2021, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- Mme E... Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2021.

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N° 18MA04846


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : SELARL SINDRES - AVOCATS MARSEILLE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Date de la décision : 14/06/2021
Date de l'import : 22/06/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18MA04846
Numéro NOR : CETATEXT000043677104 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-14;18ma04846 ?
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