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26/05/2021 | FRANCE | N°19MA05195

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 26 mai 2021, 19MA05195


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les décisions du 26 juin 2019 par lesquelles le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et lui a interdit le retour sur le territoire durant un an.

Par un jugement n°1903325 du 6 août 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure

devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 novembre 2019, 8 octobr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les décisions du 26 juin 2019 par lesquelles le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et lui a interdit le retour sur le territoire durant un an.

Par un jugement n°1903325 du 6 août 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 novembre 2019, 8 octobre 2020 et 29 décembre 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 août 2019 ;

2°) d'annuler les décisions du 26 juin 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son droit à être entendu, tel que garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, a été méconnu ;

- il n'est pas en situation irrégulière et, en application de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, dès lors qu'il est présumé mineur en application de l'article 388 du code civil ; ses documents d'identité sont valables et probants ; il a d'ailleurs été confié à l'aide sociale à l'enfance par le juge judiciaire ;

- l'administration n'avait pas à recourir à des tests osseux et à un rapport d'évaluation ;

- le rapport d'évaluation a été établi dans des conditions non satisfaisantes, alors qu'il était soumis à un stress intense ;

- le test osseux a été effectué sans que son consentement éclairé n'ait été recueilli ;

- l'expertise en cause est fondée sur des considérations illégales, non pertinentes et qu'il n'est pas possible de vérifier ; elle n'est en tout état de cause pas suffisamment précise ;

- au-delà de la période d'accueil d'urgence et en application des dispositions du code de l'action sociale et des familles et du code civil, il n'appartient pas au préfet de se prononcer sur la minorité ou la majorité de la personne recueillie ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- son jeune âge et son vécu traumatique constituent en tout état de cause des circonstances humanitaires qui justifiaient qu'une interdiction de retour ne soit pas prononcée ;

- rien ne justifiait qu'il soit privé d'un délai de départ volontaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par décision du 25 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu en audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant camerounais se déclarant né le 16 février 2003, relève appel du jugement du 6 août 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 26 juin 2019 par lesquelles le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et lui a interdit le retour sur le territoire durant un an.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; / (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Selon cet article : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Aux termes de l'article 388 du code civil : " Le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis. / Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. / Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé (...) ".

4. L'analyse documentaire conduite par les services de la police nationale le 1er avril 2019 a conclu que l'acte de naissance produit par M. A..., délivré le 31 mars 2003, était non conforme aux prescriptions de la législation camerounaise applicables, dès lors que le délai de déclaration de naissance était excessif, que l'année de naissance de la mère de l'intéressé faisait l'objet d'une surcharge et que la signature de l'officier d'état-civil était de couleur différence du reste de la personnalisation du document. Toutefois, à la suite de cette analyse, qui ne concluait pas à une falsification, le requérant a produit de nouveaux documents de nature à attester de sa minorité, notamment un récépissé de demande de passeport, puis un passeport délivré à Marseille le 6 octobre 2020. Le juge des enfants, dans une ordonnance 17 septembre 2020, a en conséquence instauré le placement de M. A... auprès de l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité ou décision du juge des tutelles. Le juge des tutelles a confirmé ce placement par ordonnance du 22 octobre 2020, déférant la tutelle du requérant à la présidente du conseil départemental. Ainsi, les nouveaux éléments produits par M. A... sont de nature à établir la réalité de sa minorité, malgré le scepticisme exprimé par les services de l'aide sociale à l'enfance lors de leur évaluation de prise en charge d'urgence et les résultats des analyses médicales réalisées, concluant sous toutes réserves à sa majorité. Le préfet n'a produit aucune observation relative à ces documents, produits pour la première fois en appel. Dès lors, en retenant la majorité de M. A... à la date de l'arrêté litigieux le préfet a commis une erreur d'appréciation et a par suite méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'obligeant à quitter le territoire.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné près le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat, Me C..., peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 1 500 euros à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 août 2019 et les décisions du préfet des Pyrénées-Orientales du 26 juin 2019 sont annulées.

Article 2 : L'Etat versera à Me C... la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2021, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Merenne, premier conseiller,

- Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2021.

N°19MA05195 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05195
Date de la décision : 26/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SUMMERFIELD TARI

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-05-26;19ma05195 ?
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