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12/05/2021 | FRANCE | N°19MA03024

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 12 mai 2021, 19MA03024


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La préfète de Corse a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2018 par lequel le maire de Sartène a accordé à la SCI A Bandera un permis de construire sur la parcelle cadastrée section M n° 854 au lieu-dit Asinaja.

Par un jugement n° 1800994 du 18 avril 2019, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 23 juillet 2018 du maire de Sartène.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 4 juillet 201

9, le 10 avril et le 30 avril 2020, la SCI A Bandera, représentée par Me B..., demande à la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La préfète de Corse a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2018 par lequel le maire de Sartène a accordé à la SCI A Bandera un permis de construire sur la parcelle cadastrée section M n° 854 au lieu-dit Asinaja.

Par un jugement n° 1800994 du 18 avril 2019, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 23 juillet 2018 du maire de Sartène.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 4 juillet 2019, le 10 avril et le 30 avril 2020, la SCI A Bandera, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 avril 2019 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) de rejeter le déféré présenté par la préfète de Corse en première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- le projet n'entre pas dans le champ de l'article R. 425-17 du code de l'urbanisme ;

- à titre subsidiaire, la méconnaissance de l'article R. 425-17 du code de l'urbanisme est susceptible d'être régularisée en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

- l'extension d'une construction existante n'entraîne pas d'extension de l'urbanisation pour l'application de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, tel que précisé par le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) ;

- l'article R. 121-5 du code de l'urbanisme autorise l'extension limitée des bâtiments et installations nécessaires à l'exercice d'activités économiques dans les espaces remarquables ou caractéristiques du littoral ;

- le site ne peut être qualifié d'espace remarquable ou caractéristique compte tenu des constructions déjà présentes ;

- les autres moyens soulevés par la préfète de Corse en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2020, la préfète de Corse conclut au rejet de la requête présentée par la SCI A Bandera.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SCI A Bandera ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la commune de Sartène, qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me B..., représentant la SCI A Bandera.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI A Bandera fait appel du jugement du 18 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a fait droit au déféré de la préfète de Corse et annulé l'arrêté du 23 juillet 2018 du maire de Sartène lui accordant un permis de construire sur la parcelle cadastrée section M n° 854 au lieu-dit Asinaja.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal administratif, après avoir cité les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme au point 5 du jugement attaqué, a rappelé qu'il résulte de ces dispositions qu'aucune construction ne peut être autorisée dans les zones éloignées des agglomérations et villages existants. Il a résumé au point 6 les précisions apportées par le PADDUC aux notions d'agglomération et de village dans le contexte de la Corse. Il a enfin retenu au point 7 que le projet portait sur une construction qui n'était pas située à proximité d'une agglomération ou d'un village. Le tribunal n'avait pas à se référer explicitement aux prescriptions du PADDUC relatives à l'extension de l'urbanisation, qui n'étaient pas invoquées devant lui et n'étaient pas déterminantes pour l'issue du litige. Il a en outre jugé, par les motifs rappelés ci-dessus, que le projet litigieux emportait une telle extension, et n'avait pas à répondre sur ce point par anticipation de l'argumentation de la SCI A Bandera nouvelle en appel. Enfin, le bien-fondé du raisonnement du tribunal sur ce moyen est étranger à la régularité du jugement attaqué. Il suit de là que ce jugement est suffisamment motivé.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 425-17 du code de l'urbanisme :

3. L'article R. 425-17 du code de l'urbanisme prévoit que : " Lorsque le projet est situé dans un site classé ou en instance de classement, la décision prise sur la demande de permis ou sur la déclaration préalable ne peut intervenir qu'avec l'accord exprès prévu par les articles L. 341-7 et L. 341-10 du code de l'environnement : / a) Cet accord est donné par le préfet ou, le cas échéant, le directeur de l'établissement public du parc national dans les conditions prévues par l'article R. 341-10 du code de l'environnement, après avis de l'architecte des Bâtiments de France, lorsque le projet fait l'objet d'une déclaration préalable ; / b) Cet accord est donné par le ministre chargé des sites, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, dans les autres cas ". L'article L. 341-10 du code de l'environnement prévoit que : " Les monuments naturels ou les sites classés ne peuvent ni être détruits ni être modifiés dans leur état ou leur aspect sauf autorisation spéciale ".

4. Le projet est situé au sein du site de Roccapina, classé par un décret du 14 mars 1990. Il porte sur la construction de deux bâtiments d'une surface de plancher de 127 mètres carrés qui constitue par elle-même une modification de l'état des lieux. Les circonstances que le site classé comporte plusieurs autres constructions, que des travaux y aient été récemment autorisés, que l'architecte des bâtiments de France a émis un avis favorable sur le projet, et que celui-ci soit distant de la côte et du lion de Roccapina sont toutes sans incidence sur l'obligation de soumettre la décision prise sur la demande de permis de construire à l'accord préalable du ministre chargé des sites, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, en application des dispositions précitées. La méconnaissance de cette obligation a été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision émise. Le tribunal administratif a en conséquence retenu à bon droit le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 425-17 du code de l'urbanisme.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme :

5. L'article L. 121-8 du code de l'urbanisme prévoit, dans sa version applicable au litige, que : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.

6. Le PADDUC rappelle le régime de l'extension de l'urbanisation prévu par l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Il indique que l'extension de l'urbanisation au sens des dispositions législatives propres au littoral est soit une expansion spatiale de l'urbanisation, soit une expansion en volume, qui accroît les secteurs urbanisés de la commune. Si le PADDUC ajoute ensuite les implications urbanistiques de l'extension de l'urbanisation, principalement à l'intention des auteurs de documents d'urbanisme, en indiquant que celle-ci doit être une opération d'aménagement et d'urbanisme au service d'un projet global de développement du territoire, tel que la création d'un quartier nouveau ou la modification majeure des caractéristiques d'un quartier existant, il n'a pas entendu pour autant limiter la notion d'extension de l'urbanisation à ces seules opérations. Interprétées de la sorte, ces prescriptions, qui apportent des précisions au sens des dispositions du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, ne sont pas incompatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral.

7. Ainsi qu'il a été dit, le projet porte sur la construction de deux bâtiments d'une surface de plancher de 127 mètres carrés, adjacents à un bâtiment existant dont la surface de plancher s'élève 96 mètres carrés. Le projet, qui n'est pas d'une ampleur limitée en proportion de la construction existante, ne peut être regardé comme ne procédant qu'au simple agrandissement de cette dernière. Il est en outre susceptible d'entraîner une expansion spatiale de l'urbanisation, ainsi qu'une expansion en volume. Il constitue dès lors une extension de l'urbanisation au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, tel que précisé par le PADDUC. En outre, il n'est pas contesté qu'il n'est pas situé en continuité d'une agglomération, d'un village ou d'un hameau au sens des mêmes dispositions. C'est dès lors à juste titre que le tribunal administratif a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme :

8. La SCI A Bandera se borne à reprendre une argumentation strictement identique à celle avancée devant le tribunal administratif pour contester la méconnaissance de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme, relatif à la protection des espaces remarquables ou caractéristiques du littoral. Le tribunal administratif a retenu ce moyen par des motifs appropriés, figurant aux points 8 à 10 du jugement attaqué, qu'il y a lieu d'adopter en appel.

9. Le vice tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme n'est pas susceptible d'être régularisé, non plus que celui tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du même code, dès lors que le projet de la SCI A Bandera vise à régulariser des constructions édifiées sans permis de construire. Il n'y a dès lors pas lieu de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

10. Il résulte de ce qui précède que la SCI A Bandera n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 23 juillet 2018 du maire de Sartène lui délivrant un permis de construire.

Sur les frais liés au litige :

11. L'Etat n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la SCI A Bandera au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI A Bandera est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI A Bandera, à la ministre de la transition écologique et à la commune de Sartène.

Copie en sera délivrée pour information à la préfète de la Corse.

Délibéré après l'audience du 19 avril 2021, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mai 2021.

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No 19MA03024


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03024
Date de la décision : 12/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-001-01-02-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Règles générales d'utilisation du sol. Règles générales de l'urbanisme. Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme. Régime issu de la loi du 3 janvier 1986 sur le littoral.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP AMIEL-SUSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-05-12;19ma03024 ?
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