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26/04/2021 | FRANCE | N°19MA03549

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 26 avril 2021, 19MA03549


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les syndicats Sud Education Gard-Lozère et Sud Education Hérault ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du 9 mars 2017 du recteur de la région académique Occitanie, recteur de l'académie de Montpellier, relative aux opérations de mouvements intra-académiques des personnels enseignants du second degré et des personnels d'éducation et d'orientation pour la rentrée 2017.

Par un jugement n° 1701975 du 24 mai 2019, le tribunal administrat

if de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les syndicats Sud Education Gard-Lozère et Sud Education Hérault ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du 9 mars 2017 du recteur de la région académique Occitanie, recteur de l'académie de Montpellier, relative aux opérations de mouvements intra-académiques des personnels enseignants du second degré et des personnels d'éducation et d'orientation pour la rentrée 2017.

Par un jugement n° 1701975 du 24 mai 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 juillet 2019, les syndicats Sud Education Gard-Lozère et Sud Education Hérault, représentés par Me B..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 mai 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler la circulaire du 9 mars 2017 du recteur de la région académique Occitanie, recteur de l'académie de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable ;

- la circulaire, qui fixe des critères précis à prendre en compte pour le classement des demandes de mutation assortis d'un barème de points à appliquer, a un caractère impératif ;

- la circulaire viole l'article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État et méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques ; ainsi, compte tenu de l'importance des points attribués aux candidatures sur des postes spécifiques ou sur des postes précis par rapport à ceux attribués pour les postes correspondant aux situations définies au 4ème alinéa de l'article 60, les bonifications accordées par l'annexe 4 de la circulaire méconnaissent la priorité établie par la loi ;

- la circulaire viole l'article 61 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; ainsi, un chef d'établissement aura la faculté d'attribuer un poste non spécifique disponible dans son établissement à un candidat classé dans le cadre du mouvement spécifique sans publication de fiche de poste.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 juin 2020, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la circulaire en litige, dépourvue de tout caractère impératif, n'est pas susceptible d'être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir ;

- pour le surplus, il entend se référer aux écritures déposées dans le cadre de la première instance par la rectrice de l'académie de Montpellier.

La requête a été communiquée à la rectrice de la région académique Occitanie, rectrice de l'académie de Montpellier qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 25 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 mars 2021.

Par un courrier du 23 mars 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de fonder sa décision sur un moyen relevé d'office tiré de l'incompétence de l'auteur de la circulaire du 9 mars 2017 relative aux opérations de mouvement intra académique pour la rentrée 2017 qui présente un caractère réglementaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;

- le décret n° 2016-1969 du 28 décembre 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... Massé-Degois, rapporteure,

- et les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les syndicats Sud Education Gard-Lozère et Sud Education Hérault relèvent appel du jugement du 24 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté comme irrecevable leur requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du recteur de la région académique Occitanie, recteur de l'académie de Montpellier, en date du 9 mars 2017 relative aux opérations de mouvement intra-académique des personnels enseignants du second degré et des personnels d'éducation et d'orientation pour l'année 2017 prise en application des dispositions III 1.2 de la note de service n° 2016-167 du 9 novembre 2016 du ministre de l'éducation nationale et publiée le 10 novembre 2016 au Bulletin Officiel de l'éducation nationale spécial n° 6.

Sur la recevabilité des conclusions de première instance :

2. L'interprétation que l'autorité administrative donne, notamment par voie de circulaires ou d'instructions, des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief. En revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction font grief, tout comme le refus de les abroger. Le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence ou si, alors même qu'elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu'elles sont illégales pour d'autres motifs. Il en va de même s'il est soutenu à bon droit que l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter, soit méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu'elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure.

3. En fixant un barème de points à appliquer de manière obligatoire et automatique pour le classement des demandes de mutation formulées pour la rentrée 2017, la circulaire attaquée du 9 mars 2017 relative aux opérations de mouvement intra-académique des personnels enseignants du second degré et des personnels d'éducation et d'orientation pour l'année 2017 revêt un caractère impératif et fait ainsi grief. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Montpellier, les syndicats Sud Education Gard-Lozère et Sud Education Hérault avaient, dès lors, intérêt à agir contre la circulaire régissant les opérations de mouvement intra-académique.

4. Il résulte de ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Montpellier doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les syndicats Sud Education Gard-Lozère et Sud Education Hérault devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur la légalité de la circulaire du 9 mars 2017 :

5. Aux termes des premier, quatrième et dernier alinéas de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans leur rédaction issue de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, applicable à la date de la circulaire du 9 mars 2017 attaquée : " L'autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires.(...) / Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles, aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité (...), aux fonctionnaires handicapés (...) et aux fonctionnaires qui exercent leurs fonctions, pendant une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ainsi qu'aux fonctionnaires qui justifient du centre de leurs intérêts matériels et moraux dans une des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie. (...) / (...) L'autorité compétente peut procéder à un classement préalable des demandes de mutation à l'aide d'un barème rendu public. Le recours à un tel barème constitue une mesure préparatoire et ne se substitue pas à l'examen de la situation individuelle des agents. Ce classement est établi dans le respect des priorités figurant au quatrième alinéa du présent article. Toutefois, l'autorité compétente peut édicter des lignes directrices par lesquelles elle définit, sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, des critères supplémentaires établis à titre subsidiaire dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ".

6. Aux termes de l'article 1er du décret du 28 décembre 2016 relatif à la procédure d'édiction des lignes directrices permettant le classement par l'administration des demandes de mutation des fonctionnaires de l'Etat, applicable à la circulaire attaquée : " Lorsque l'autorité compétente d'une administration ou d'un service mentionné au deuxième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée procède à un classement préalable des demandes de mutation à l'aide d'un barème, les lignes directrices mentionnées au sixième alinéa de ce même article peuvent fixer des critères supplémentaires qui ont un caractère subsidiaire par rapport aux priorités prévues au quatrième alinéa de ce même article (...).". Selon l'article 3 du même décret : " Les lignes directrices mentionnées à l'article 1er précisent les modalités de prise en compte de chacune des priorités de mutation prévues au quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. / Elles peuvent également fixer des critères supplémentaires à caractère subsidiaire et déterminer les modalités de prise en compte de chacun de ces critères. / Lors du classement préalable des demandes de mutation, la prise en compte de l'un ou de plusieurs des critères subsidiaires mentionnés au deuxième alinéa ne peut conduire, à durée d'ancienneté inférieure ou égale, au dépassement d'une ou de plusieurs priorités prévues au quatrième alinéa de l'article 60 précité.".

7. Il résulte de la combinaison de ces dispositions légales et réglementaires que les critères supplémentaires que l'autorité administrative est habilitée à établir à titre subsidiaire, en application des dispositions citées au point 6, en vue du classement préalable des demandes de mutation, ont pour objet de permettre le départage de demandes ayant obtenu un classement identique par application d'une ou plusieurs priorités de mutation fixées par l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984, ainsi que le classement des demandes émanant d'agents ne pouvant se prévaloir d'aucune de ces priorités. Toutefois, dans ce dernier cas, en raison du caractère subsidiaire de ces critères supplémentaires, l'autorité administrative ne saurait légalement prévoir un système de cumul des points ayant pour effet que les demandes de ces agents précèdent, dans le classement établi en vue de l'examen des demandes de mutation, celles des agents relevant d'au moins une des priorités définies au quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984.

8. En l'espèce, la circulaire attaquée fixe un barème à appliquer pour le classement des demandes de mutation formulées par les enseignants du second degré de la région académique Occitanie pour la rentrée 2017 et établit, à cette fin, des règles de priorité pour l'examen de ces demandes. Elle prescrit l'établissement d'un classement unique, comportant à la fois les demandes formulées par les agents pouvant se prévaloir des priorités définies au quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 et celles des autres agents, et le nombre de points attribués au titre de certains critères supplémentaires, tel celui tiré de la candidature à un poste spécifique " REP " et " REP + " ou celui tiré de la réaffectation en raison d'une mesure de carte scolaire, est supérieur au nombre de points attribué au titre de certaines des priorités définies au quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984. Il en résulte, ainsi d'ailleurs qu'il ressort des termes mêmes de la circulaire attaquée, que le barème établi par cette circulaire est susceptible, dans certaines situations, de conduire à ce que la candidature à la mutation d'un agent ne pouvant se prévaloir d'aucune des priorités mentionnées au quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 précède dans le classement celle d'un candidat bénéficiant d'au moins l'une de ces priorités. Ainsi, les critères supplémentaires définis par le recteur de la région académique Occitanie, recteur de l'académie de Montpellier dans la circulaire attaquée ne revêtent pas tous un caractère subsidiaire et méconnaissent par suite, et ainsi que le font valoir les syndicats requérants, les dispositions de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les règles et le barème fixés par la circulaire attaquée sont entachés d'illégalité. Ces dispositions n'étant pas divisibles des autres dispositions de la note de service attaquée, celle-ci doit, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande, être annulée dans son intégralité.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée de 1 200 euros à verser aux syndicats Sud Education Gard-Lozère et Sud Education Hérault au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er: Le jugement n° 1701975 du tribunal administratif de Montpellier du 24 mai 2019 est annulé.

Article 2 : La circulaire du recteur de la région académique Occitanie, recteur de l'académie de Montpellier du 9 mars 2017 relative aux opérations de mouvement intra-académique des personnels enseignants du second degré et des personnels d'éducation et d'orientation pour la rentrée 2017 est annulée.

Article 3 : L'Etat versera aux syndicats Sud Education Gard-Lozère et Sud Education Hérault la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux syndicats Sud Education Gard-Lozère et Sud Education Hérault et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Copie en sera adressée à la rectrice de la région académique Occitanie, rectrice de l'académie de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2021, où siégeaient :

- M. Guy Fédou président,

- Mme C... Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2021.

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N° 19MA03549

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03549
Date de la décision : 26/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Enseignement et recherche - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement - Enseignement du second degré - Personnel enseignant.

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation - Mutation.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : ABESSOLO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-26;19ma03549 ?
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