Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... F... ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Le Val à leur verser une indemnité de 21 016,60 euros en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait de l'obligation où il se sont trouvés de reconstruire une clôture leur appartenant pour tenir compte du plan général d'alignement approuvé par délibération du 22 janvier 2009 du conseil municipal de cette commune, une indemnité de 20 790 euros au titre de l'occupation irrégulière de leur propriété, une indemnité de 9 500 euros en réparation de leur préjudice moral et une indemnité de 860,92 euros aux fins de remboursement de frais de constats d'huissier. Ils ont également saisi le même tribunal d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Le Val de restaurer les clous et bornes de géomètre expert qui délimitaient les angles sud-est et nord-est de leur parcelle cadastrée B n° 1362 dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1702004 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Toulon a condamné la commune de Le Val à verser à M. et Mme F... une indemnité de 12 611 euros en réparation des divers préjudices subis, a enjoint au maire de la commune de Le Val de restaurer les clous et bornes de géomètre expert qui délimitaient les angles sud-est et nord-est de la parcelle B n° 1362 dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 août 2019, M. et Mme F..., représentés par Me E..., demandent à la Cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juin 2019 ;
2°) de condamner la commune de Le Val à leur verser les sommes de 13 001,83 euros aux fins de réfection de leur clôture, de 11 800 euros au titre de l'occupation irrégulière de leur terrain et de 9 500 euros au titre de leur préjudice moral, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) d'assortir d'une astreinte de 100 euros par jour de retard l'injonction prononcée par le tribunal administratif de Toulon tendant à la restauration des clous et bornes délimitant les angles sud-est et nord-est de la parcelle B n° 1362 ;
4°) de condamner la commune de Le Val à rétablir le branchement d'origine du compteur d'eau au niveau du mur de clôture dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Le Val la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'arrêt n° 14MA03564 du 15 mars 2016 de la cour administrative d'appel de Marseille jugeant illégal le plan général d'alignement a eu pour effet de rendre illégale la dépossession d'une part importante de leur propriété pour les besoins de l'élargissement de la voie communale ;
- cette dépossession s'analyse en une emprise irrégulière ;
- le tribunal administratif n'a pas procédé à la réparation intégrale de leur préjudice en sous-évaluant les chefs de préjudice au titre de la reconstruction du mur, de l'occupation irrégulière de leur terrain et de leur préjudice moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2021, la commune de Le Val, représentée par la Selarl BRL E... A... Lhotellier, conclut au rejet de la requête, à ce que soit modulé à la baisse le montant des indemnités accordées par le tribunal administratif de Toulon à M. et Mme F... et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge des intéressés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme F... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la voirie routière ;
- la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant M. et Mme F... et de Me D..., représentant la commune de Le Val.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de la commune de Le Val (Var) a délivré à M. et Mme F... en application du plan d'alignement approuvé par délibération du 22 janvier 2009 du conseil municipal, un arrêté en date du 14 juin 2012 ayant pour objet de délimiter la voie publique au droit de leur propriété. Par un arrêt du 15 mars 2016 n° 14MA03564, la cour administrative de Marseille a annulé cet arrêté au motif que le plan d'alignement était illégal dès lors qu'il permettait l'élargissement de la voie publique longeant la propriété de M. et Mme F... dans des conditions qui ne pouvaient être regardées comme apportant au tracé de cette voie de simples rectifications mineures. A la suite de la modification de la limite du domaine public au droit de leur propriété, M. et Mme F... ont reporté la clôture de leur parcelle jusqu'à la nouvelle limite de la voie publique. Ils ont saisi le tribunal administratif de Toulon d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Le Val à leur verser la somme de 21 016,60 euros en réparation du préjudice résultant des dépenses occasionnées par ces travaux. Ils demandaient également la condamnation de la commune à leur verser une indemnité de 20 790 euros au titre de l'occupation irrégulière de leur propriété, une indemnité de 9 500 euros en réparation de leur préjudice moral, une indemnité de 860,92 euros aux fins de remboursement de frais de constats d'huissier et enfin d'enjoindre à la commune de Le Val de restaurer les clous et bornes de géomètre expert qui délimitaient les angles sud-est et nord-est de leur parcelle sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Toulon a condamné la commune de Le Val à verser à M. et Mme F... une indemnité de 12 611 euros en réparation des divers chefs préjudices subis, a enjoint au maire de la commune de Le Val de restaurer les clous et bornes qui délimitaient les angles sud-est et nord-est de la parcelle et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. M. et Mme F... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leur demande de première instance et demandent en outre la condamnation de la commune de Le Val à rétablir le branchement d'origine du compteur d'eau au niveau du mur de clôture dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard. La commune de Le Val, qui ne conteste pas l'illégalité fautive du plan d'alignement, demande de moduler à la baisse le montant des indemnités accordées aux époux F... par le tribunal administratif.
Sur le montant des préjudices indemnisables :
En ce qui concerne le montant du préjudice lié à la reconstruction de la clôture :
2. Il résulte de l'instruction qu'avant la réalisation des travaux d'élargissement de la voie publique au droit de la propriété de M. et Mme F..., la clôture de leur parcelle était constituée d'une entrée destinée à recevoir un portail composé de deux murs courbés comprenant deux piliers recouverts d'un carreau, d'un mur bahut supportant un grillage simple et un portillon de même nature au sud de la propriété. Il est constant que lors de l'élargissement de la voie ces installations ont été détruites. Dans le dernier état de leurs écritures les époux F... demandent le paiement d'une somme de 13 001,83 euros pour la reconstruction de cette clôture selon un devis établi le 26 juillet 2019. Cette somme correspond toutefois au coût de travaux de reconstruction prévoyant la pose de panneaux rigides et non d'un grillage de simple torsion comme existant à l'origine. Elle comprend également la réalisation d'enduits alors que le mur d'origine était à l'état brut. Dans ces circonstances, en fixant l'indemnité qu'il leur a accordée à ce titre à la somme de 9 751 euros, le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation de ce chef préjudice.
En ce qui concerne le montant du préjudice lié à la dépossession d'une partie de la parcelle cadastrée section B n° 1362 :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière : " La publication d'un plan d'alignement attribue de plein droit à la collectivité propriétaire de la voie publique le sol des propriétés non bâties dans les limites qu'il détermine. / (...) Lors du transfert de propriété, l'indemnité est, à défaut d'accord amiable, fixée et payée comme en matière d'expropriation " ;
4. D'autre part, la réalisation, par une personne publique, de travaux dans le sol et le sous-sol d'une propriété privée, qui dépossède les propriétaires de la parcelle concernée d'un élément de leur droit de propriété, ne peut être régulièrement réalisée qu'après, soit l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, soit l'institution de servitudes légales, soit l'intervention d'un accord amiable avec les propriétaires de cette parcelle.
5. Enfin, en l'absence d'extinction du droit de propriété, la réparation des conséquences dommageables résultant des travaux effectués sur une propriété privée par une collectivité publique ne saurait donner lieu à une indemnité correspondant à la valeur vénale de la parcelle, mais uniquement à une indemnité moindre d'immobilisation réparant le préjudice résultant de l'occupation irrégulière de cette parcelle.
6. Ainsi que l'a relevé la Cour dans son arrêt du 15 mars 2016 n° 14MA03564, le plan d'alignement approuvée par la délibération du 22 janvier 2009 qui fixe les limites de la voie publique au droit de la propriété de M. et Mme F... est entaché d'illégalité. Il en résulte que les travaux d'élargissement de la voie publique entrepris par la commune de Le Val caractérisent une emprise irrégulière sur la propriété des intéressés d'environ 180 m². Dès lors, les époux F... ont droit à une indemnité réparant le préjudice résultant de l'occupation irrégulière de cette parcelle et tenant compte de l'intérêt général qui s'attache à la préservation de la voie publique qui a permis non seulement l'urbanisation de cette zone, mais encore aux intéressés d'obtenir la délivrance d'un permis de construire. La responsabilité de la commune de Le Val a commencé à courir à compter du 27 janvier 2009, date non contestée à laquelle les mesures de publicité requises du plan d'alignement ont été effectuées, jusqu'à la date du présent arrêt. Au regard notamment de l'avantage que les intéressés ont retiré de l'élargissement de la voie publique au droit de leur parcelle, il y a lieu de fixer à 1 000 euros le préjudice que M. et Mme F... ont subi de ce chef pour les années d'occupation irrégulières de leur parcelle.
En ce qui concerne le montant du préjudice moral :
7. Il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Toulon, qui a tenu compte de ce que les requérants avaient dû engager de nombreuses procédures et des désagréments causés par les travaux en cause et l'élargissement illégal de la voie, a fait une exacte appréciation des circonstances de l'affaire en allouant à M. et Mme F... une somme de 1 000 euros en réparation de leur préjudice moral. Il y lieu, par suite, de rejeter sur ce point l'appel des intéressés.
8. Il résulte de ce qui précède que, d'une part, M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a limité à la somme de 12 611 euros le montant des préjudices qu'ils ont subis et, d'autre part, il y a lieu de rejeter les conclusions incidentes de la Commune de Le Val tendant à une minoration de cette somme.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Selon l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".
10. En premier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'élargissement illégal de la voie aurait rendu nécessaire la réalisation d'un nouveau coffret dans le mur de clôture. Par suite, les conclusions de M. et Mme F... tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Le Val de rétablir le branchement d'origine du compteur d'eau au niveau du mur de clôture dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ne peuvent qu'être écartées.
11. En deuxième lieu, l'article L. 911-4 du code de justice administrative, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, dispose que : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte (...) ". Il résulte de ces dispositions que la juridiction compétente pour connaître d'une demande d'exécution du jugement d'un tribunal administratif est le tribunal qui a rendu cette décision ou, en cas d'appel, la juridiction d'appel, alors même que cette dernière aurait rejeté l'appel formé devant elle.
12. Si par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a enjoint au maire de la commune de Le Val de restaurer les clous et bornes de " géomètre expert " qui délimitaient les angles sud-est et nord-est de la parcelle B n° 1362 supprimés lors des travaux d'élargissement de la route dans un délai de deux mois à compter la notification de son jugement, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte. Par suite, les conclusions de M. et Mme F... tendant à ce que la Cour assortisse cette injonction d'une astreinte de 100 euros par mois ne peuvent qu'être écartées.
13. En troisième lieu, aux termes du II de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public, reproduit à l'article L. 911-9 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office (...) ".
14. Dès lors que la disposition législative précitée permet à M. et Mme F... d'obtenir le mandatement d'office des sommes qui leur sont dues, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à ce que la Cour assortisse la condamnation prononcée à l'encontre de la commune de Le Val d'une astreinte de cent euros par jour de retard.
Sur les frais liés au litige :
15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme F... la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Le Val au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de cette dernière, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande, à ce titre, M. et Mme F....
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme F... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions incidentes de la commune de Le Val sont rejetées.
Article 3 : M. et Mme F... verseront à la commune de Le Val la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... F... et à la commune de Le Val.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2021, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. C..., président assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2021.
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N° 19MA03929
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