Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Déco Charpente a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1702062 du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 août 2019 et le 10 décembre 2019, la SAS Déco Charpente, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 11 juin 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif n'a pas répondu aux questions relatives à la qualification de dépendances et à l'usage effectif qui était fait des dépendances en question ;
- elle a été privée d'un débat oral et contradictoire ;
- en s'abstenant d'engager un débat oral et contradictoire, l'administration a méconnu les prescriptions de la réponse ministérielle n° 21 014 faite le 1er juin 1987 à M. BourgBroc, député ;
- c'est à tort que l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée a été remise en cause ;
- en remettant en cause l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration a méconnu les énonciations de l'instruction administrative du 28 août 2000 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 3 C-7-00, de l'instruction administrative du 8 décembre 2006 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 3 C-7-06, de la réponse ministérielle n° 2 421 faite le 23 avril 2001 à M. A..., député, et de la réponse ministérielle n° 36 717 faite le 1er juin 2004 à M. B..., député ;
- l'administration a méconnu les énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-ANNX-000208, datée du 19 septembre 2014, selon laquelle les auvents bénéficient de l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, quelles que soient leurs dimensions.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 octobre 2019 et le 20 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SAS Déco Charpente ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la SAS Déco Charpente.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Déco Charpente, qui exerce une activité de pose de charpentes, d'abris, de pergolas et d'auvents, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2012 au 31 décembre 2014. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a remis en cause l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à une partie des recettes de son activité de pose d'abris. La SAS Déco Charpente fait appel du jugement du 11 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a ainsi été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, et des pénalités correspondantes.
I. Sur la régularité du jugement :
2. A supposer que la société requérante, en faisant valoir que les premiers juges ont omis de se prononcer sur les questions relatives à la qualification des abris en dépendances et à l'usage effectif qui était fait des dépendances en question, aient entendu soutenir que ces juges ont insuffisamment motivé leur jugement, il ressort de l'examen des motifs du jugement que le tribunal administratif de Toulon a indiqué les éléments qui l'ont conduit à considérer que les prestations facturées n'entraient pas dans le champ d'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée prévu par l'article 279-0 bis du code général des impôts. Ainsi, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par la SAS Déco Charpente, a répondu sur ce point de manière suffisante au moyen invoqué devant lui.
II. Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. Dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. Il résulte de l'instruction qu'à la demande du gérant de la SAS Déco Charpente, la vérification de la comptabilité s'est déroulée au cabinet du comptable de la société. Il est constant que le vérificateur y est intervenu à trois reprises en présence du comptable et du gérant de la société. La circonstance que l'administration n'aurait pas demandé aux intéressés de présenter les attestations des clients exigées pour bénéficier du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l'article 279-0 bis du code général des impôts, alors qu'en tout état de cause la remise en cause de l'application du taux réduit n'est pas fondée sur l'absence de présentation de ces attestations, mais sur la nature des travaux, et que le vérificateur a procédé à un examen exhaustif des factures, n'est pas de nature à démontrer que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues. Dans ces conditions, la SAS Déco Charpente n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce qu'elle aurait été privée d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
4. Aux termes de l'article 279-0 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 7 % sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans (...). / 2. Par dérogation au 1, le taux prévu à l'article 278 s'applique aux travaux, réalisés sur une période de deux ans au plus : / a) Qui concourent à la production d'un immeuble neuf au sens du 2° du 2 du I de l'article 257 ; / b) A l'issue desquels la surface de plancher des locaux existants, majorée, le cas échéant, des surfaces des bâtiments d'exploitations agricoles mentionnées au d de l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme, est augmentée de plus de 10 %. / (...) 3. Le taux réduit prévu au 1 est applicable aux travaux facturés au propriétaire (...) à condition que le preneur atteste que ces travaux se rapportent à des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans et ne répondent pas aux conditions mentionnées au 2 (...) ".
5. Le vérificateur a remis en cause l'application par la SAS Déco Charpente du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à des travaux de pose d'abris de forme " deux pentes " au motif qu'ils sont indépendants de la construction existante. Il résulte de l'instruction que la SAS Déco Charpente a réalisé chez ses clients la pose d'abris comportant deux pentes, ne pouvant être regardés comme des travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation, dès lors qu'il ne ressort pas des mentions des factures que ces abris seraient fixés sur la façade des villas. La production par la société requérante des attestations rédigées par les clients et de croquis réalisés postérieurement à la réception de la proposition de rectification ne permet pas, à elle seule, de justifier que les travaux pourraient être regardés comme portant sur des locaux à usage d'habitation. Par suite, la SAS Déco Charpente n'est pas fondée à soutenir que les travaux en cause étaient éligibles au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu par l'article 279-0 bis du code général des impôts.
6. Toutefois, s'agissant de la facture n° 2013-111 émise le 3 septembre 2013, il résulte de l'instruction que l'abri en cause est accolé à la construction existante, dès lors qu'il ressort des mentions de la facture que les travaux de pose comprennent la réalisation de l'étanchéité au mur. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux, qui ne portent pas sur une surface close, auraient augmenté la surface de plancher des locaux existants, ou consisteraient en des travaux de construction, ils doivent être regardés comme des travaux d'amélioration ou de transformation à usage d'habitation au sens du 1. de l'article 279-0 bis du code général des impôts. L'administration ne conteste pas que les locaux d'habitation auxquels l'abri a été adossé étaient achevés depuis plus de deux ans. Enfin, la SAS Déco Charpente a produit l'attestation prévue par le 3 de l'article 279-0 bis du code général des impôts. Par suite, la SAS Déco Charpente est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause le bénéfice du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à raison de la facture n° 2013-111.
S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
7. L'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".
8. En premier lieu, la SAS Déco Charpente entend se prévaloir de l'instruction administrative du 28 août 2000 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 3 C-7-00 qui mentionne que seuls les travaux portant sur les dépendances usuelles des locaux à usage d'habitation peuvent bénéficier du taux réduit, indique que par dépendances usuelles, il convient d'entendre de manière générale les caves, greniers, garages, loggias, terrasses, cours d'immeubles et précise qu'il convient, le cas échéant, de qualifier la dépendance en fonction de son usage effectif. Toutefois, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que les factures en cause sont relatives à la pose d'abris indépendants des locaux d'habitation, les pièces produites par la société requérante ne sont pas suffisantes pour démontrer que les travaux auraient en réalité porté sur des caves, greniers, garages, loggias, terrasses, ou cours d'immeubles ou que l'usage effectif de ces abris permettrait de les qualifier de dépendances. Par suite, la SAS Déco Charpente n'est pas fondée à se prévaloir de l'instruction invoquée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
9. En deuxième lieu, pour les motifs exposés au point précédent, la SAS Déco Charpente n'est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni de l'instruction du 8 décembre 2006 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 3 C-7-06, qui indique que les " dépendances usuelles s'entendent de tout local ou terrain à caractère ordinaire, qui même si elles ne sont pas contiguës à une habitation, peuvent être considérées comme lui étant rattachées en raison de leur proximité par rapport à celle-ci, de leur aménagement, de leur destination, ou de leur usage effectif ", ni de la réponse ministérielle n° 2 421 faite à M. A..., député, le 23 avril 2001, qui rappelle les énonciations de l'instruction administrative du 28 août 2000 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 3 C-7-00, ni de la réponse ministérielle n° 36 717 faite à M. B..., député, le 1er juin 2004, relative aux travaux afférents à des garages.
10. En dernier lieu, la société requérante ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir des énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-ANNX-000208, datée du 19 septembre 2014, dès lors que cette instruction est postérieure au fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée en litige.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Déco Charpente est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés à concurrence des rappels résultant de la remise en cause du taux réduit de la taxe pour les travaux figurant sur la facture n° 2013-111.
III. Sur les frais liés au litige :
12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la SAS Déco Charpente et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la SAS Déco Charpente a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 sont réduits, en droits et pénalités, à concurrence des rappels résultant de la remise en cause du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée pour les travaux figurant sur la facture n° 2013-111.
Article 2 : Le jugement n° 1702062 du tribunal administratif de Toulon du 11 juin 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SAS Déco Charpente une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Déco Charpente est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société par action simplifiée Déco Charpente et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 6 avril 2021, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 avril 2021.
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N° 19MA03779
nc