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12/04/2021 | FRANCE | N°20MA04694

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 12 avril 2021, 20MA04694


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 juin 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séj

our dès la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2005662 du 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 juin 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dès la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2005662 du 17 novembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 décembre 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 juin 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour dans le même délai, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me A... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car il se fonde sur une pièce rédigée en langue anglaise et non traduite ;

- la décision de refus de séjour fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête de M. B... a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Entré pour la première fois en France le 1er avril 2019, M. B..., ressortissant irakien né le 7 mars 1952, a demandé, le 30 juillet 2019 l'octroi d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 juin 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté cette demande et prescrit l'éloignement de l'intéressé.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si les requêtes et mémoires soumis au juge doivent, pour être recevables, être rédigés en langue française, aucun texte ni aucune règle de procédure n'interdit à la juridiction saisie de tenir compte de pièces ou documents qui ne seraient pas rédigés en langue française ni accompagnés de leur traduction dès lors que l'utilisation de tels documents ou éléments ne fait pas obstacle à l'exercice, par le juge d'appel ou de cassation, du contrôle qui lui incombe, la juridiction saisie n'étant pas tenue de faire usage de son pouvoir d'instruction pour demander aux parties de produire la traduction d'une pièce ou document rédigé en langue étrangère.

3. Si, en l'espèce, le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur un rapport du ministère de l'intérieur du Royaume-Uni relatif au système de soins de l'Irak, le recours à cette pièce, rédigée en langue anglaise compréhensible sans difficulté, sans qu'ait été demandée sa traduction, n'entache pas en l'espèce le jugement d'irrégularité dès lors qu'il ne fait pas obstacle au contrôle de la Cour sur le bien-fondé du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. / La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...).".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'une sténose carotidienne faisant suite au traitement d'un cancer de la zone pharyngée réalisé en Allemagne, sténose qui a fait l'objet d'une opération chirurgicale en 2020 à Marseille. Le requérant souffre par ailleurs d'une dépression. Les certificats médicaux rédigés par le Dr Philip le 6 janvier 2020 et le 1er février 2021, par le Dr Dermeche le 24 septembre 2020, par le Dr Oraha le 7 décembre 2020 et par le Dr Sargon le 16 février 2021, indiquent de manière concordante que l'intéressé a besoin, après l'acte chirurgical réalisé en 2020 à Marseille, d'une surveillance cardiovasculaire destinée au suivi de son état de santé. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, et notamment du rapport du ministère de l'intérieur du Royaume-Uni de mai 2019 produit par le préfet des Bouches-du-Rhône devant le tribunal administratif de Marseille, qu'un tel suivi est possible dans des centres de santé publics et privés situés notamment à Bagdad, à Erbil et à Mossoul. Les attestations et certificats produits par l'intéressé faisant seulement état de manière générale d'une impossibilité de réaliser ce suivi, ils ne sont pas à même de remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a

estimé que M. B... pouvait bénéficier d'un suivi adapté dans son pays d'origine. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la dépression dont souffre l'intéressé ne pourrait être prise en charge en Irak. M. B..., qui en outre ne conteste pas le motif de l'arrêté attaqué tiré de l'absence de preuve de sa résidence habituelle en France, qui suffirait à lui seul à fonder cette décision, n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les dispositions précitées en lui refusant le séjour.

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Si M. B..., qui est veuf depuis 2018, fait valoir qu'il réside en France depuis 2019 et que son fils et son frère se sont vu reconnaître la qualité de réfugié par la France, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B... ne résidait en France, où il est arrivé à l'âge de 67 ans, que depuis quatorze mois à la date de l'arrêté attaqué, alors qu'il a vécu la plus grande partie de son existence en Irak, où réside un de ses frères. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, par leur jugement, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 16 juin 2020. Sa requête doit dès lors être rejetée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique s'opposent à ce que la somme réclamée par Me A... sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2021, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- Mme Christine Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. C... Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 avril 2021.

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N° 20MA04694

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04694
Date de la décision : 12/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-12;20ma04694 ?
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