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12/04/2021 | FRANCE | N°18MA02694

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 12 avril 2021, 18MA02694


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Perpignan et des Pyrénées-Orientales a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement les sociétés Ingerop, Ingerop Conseil et Ingénierie et Aviva Assurances à lui verser la somme de 299 407,28 euros en réparation de son préjudice avec capitalisation annuelle des intérêts à compter de sa première demande au groupe Ingerop.

Par un jugement n° 1601128 du 12 avril 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté

les conclusions de la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales dirigées contre l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Perpignan et des Pyrénées-Orientales a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement les sociétés Ingerop, Ingerop Conseil et Ingénierie et Aviva Assurances à lui verser la somme de 299 407,28 euros en réparation de son préjudice avec capitalisation annuelle des intérêts à compter de sa première demande au groupe Ingerop.

Par un jugement n° 1601128 du 12 avril 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les conclusions de la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales dirigées contre la société Aviva Assurances comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, a mis hors de cause la société Ingerop et a condamné la société Ingerop Conseil et Ingénierie à lui verser la somme de 61 080 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2016 et de la capitalisation des intérêts à compter du 2 mars 2017.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 11 juin 2018 et le 25 septembre 2018, la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a limité la responsabilité de la société Ingerop du fait de la négligence du maître d'ouvrage et écarté le chef de responsabilité dudit maître d'oeuvre lié au défaut de conseil dans le choix de la solution de climatisation ;

2°) de condamner la société Ingerop à lui verser la somme de 299 407,28 euros en réparation de son préjudice assortie de la capitalisation annuelle des intérêts à compter de décembre 2014 ;

3°) de mettre à la charge de la société Ingerop le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a, à tort, écarté la responsabilité de la société Ingerop du chef de la méconnaissance de ses obligations résultant du premier marché contracté ; ainsi, il appartenait aux premiers juges de vérifier si le maître d'oeuvre aurait pu avoir connaissance des vices en cours de chantier s'il avait accompli sa mission selon les règles de l'art et peu importe la phase à laquelle intervient l'identification de ces vices et, en outre, l'obligation de conseil du maître d'oeuvre doit prendre en compte les contraintes du site et sa responsabilité contractuelle pour défaut de respect de cette obligation peut être engagée, y compris postérieurement à la réception des travaux ; en l'espèce, il résulte du rapport d'expertise que le maître d'oeuvre a indiscutablement commis une première faute contractuelle en proposant la réalisation d'un système de prévention des risques de légionellose irréalisable au regard des normes architecturales applicables au bâtiment puis une seconde en cachant sciemment au maître d'ouvrage l'absence de réalisation de la gaine ;

- le tribunal a, à tort, limité son droit à indemnisation eu égard aux fautes commises par le société Ingerop ; ainsi, en sa qualité de maître d'ouvrage et n'étant pas un professionnel, elle ne pouvait imaginer que l'abandon de la gaine technique, fraude pour dissimuler l'erreur commise par le maître d'oeuvre, était de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ;

- les fautes commises par la société Ingerop consistant en une proposition d'un ouvrage dont la réalisation ne pouvait être légalement autorisée et en une dissimulation délibérée de cette situation tant au cours des travaux que lors des opérations de réception est à l'origine d'un préjudice de 299 407,28 euros dans la mesure où elle a déboursé 421 563,44 euros pour réaliser une climatisation en état de fonctionnement et réglementaire qui aurait dû lui coûter seulement 122 156,16 euros, ce montant correspondant au coût des deux marchés relatifs à la mise en place de la tour aéroréfrigérante, augmenté des frais d'expertise.

Par des mémoires en défense enregistrés les 27 août 2018 et 22 octobre 2018, la société Ingerop Conseil et Ingénierie et la société Ingerop, représentées par Me B..., concluent, à titre principal, à ce que, d'une part, la société Ingerop soit mise hors de cause et, d'autre part, le préjudice de la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales soit fixé à la somme de 94 496,80 euros hors taxes au titre des travaux, à titre subsidiaire, à ce que la responsabilité du maître d'ouvrage soit admise à hauteur de 80 % et, en tout état de cause, à ce que l'appelante lui verse une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales ne présente aucune conclusion à l'encontre de la société Ingerop ;

- l'appelante ne peut reprocher à la société Ingerop Conseil et Ingénierie, sur un fondement contractuel, une erreur de conception ou un défaut de conseil lors de la conception du projet ; elle peut seulement invoquer un manquement au devoir de conseil du maître d'oeuvre lors de la réception des travaux ou des fautes commises dans le contrôle des situations de travaux ; en l'espèce, le sapiteur de l'expert a indiqué qu'il pouvait être raisonnablement considéré que la tour aéroréfrigérante puisse être installée dans la cour intérieure moyennant une mise en place compliquée de la gaine de rejet prévue ;

- l'appelante a commis une faute en ne relevant pas l'absence de la gaine de 22 mètres parfaitement visible pour un maître d'ouvrage, même non professionnel ; cette faute, en l'absence de tout élément de nature à établir qu'elle a commis une fraude qui aurait conduit le maître d'ouvrage à penser que la gaine technique n'était pas nécessaire, justifie une exonération partielle sinon partielle du maître d'oeuvre de sa responsabilité ;

- l'appelante peut prétendre au seul remboursement de la somme de 94 496,80 euros hors taxes correspondant au coût des travaux engagés pour remédier aux désordres.

Par des mémoires en défense enregistrés les 28 et 29 août 2018, la société Aviva Assurances, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête de la CCI de Perpignan, à ce que la Cour ordonne sa mise hors de cause et à ce que la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales lui verse la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente pour connaître des demandes dirigées contre elle ;

- sa mise hors de cause doit être prononcée.

Par ordonnance du 3 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... Massé-Degois, rapporteure,

- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que les immeubles situés boulevard des Pyrénées et rue André Bosc à Perpignan dont la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales est propriétaire font l'objet d'un bail de location entre cette dernière et l'Etat qui y a installé depuis 1988 le tribunal d'instance et le tribunal de grande instance. Par un acte d'engagement du 29 mars 2010, la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales a confié à la société Ingerop Conseil et Ingénierie un marché de maîtrise d'oeuvre pour la " rénovation des installations de production de froid et des travaux de menuiseries " des immeubles abritant le palais de justice de Perpignan pour un montant de 40 250 euros hors taxes correspondant à un taux de 7 % du montant du marché prévisionnel des travaux estimés à 575 000 euros hors taxes. Lors d'un contrôle inopiné réalisé en 2013, a été relevé un taux de légionnelles supérieur au seuil légal autorisé au niveau de la tour aéroréfrigérante positionnée dans la cour intérieure des bâtiments à proximité de la précédente tour qu'elle a remplacée. Une expertise judiciaire a été diligentée en 2015 devant le tribunal administratif de Montpellier à la demande de la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales afin de déterminer si l'implantation de cette tour aéroréfrigérante portait atteinte à la sécurité des personnes et était impropre à l'usage auquel elle la destinait. Sans attendre les résultats de cette mesure d'expertise, la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, pour des raisons de sécurité sanitaire, a procédé à l'enlèvement de la tour en juin 2015 et, à la suite de la remise du rapport d'expertise le 28 octobre 2015 et après réclamation préalable du 19 décembre 2014, elle a sollicité du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier la condamnation de la société Ingerop à lui verser une allocation provisionnelle de 202 210,35 euros sur le fondement de la responsabilité décennale et contractuelle de cette dernière. Le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande, rejet qui a été confirmé par une ordonnance de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 7 décembre 2016. La CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales a, alors, saisi le même tribunal en vue d'obtenir la condamnation solidaire des sociétés Ingerop, Ingerop Conseil et Ingénierie et Aviva assurances à lui verser la somme de 299 407,28 euros en réparation de son préjudice avec capitalisation annuelle des intérêts à compter de la date de sa première demande adressée au groupe Ingerop. La CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité à la somme de 61 080 euros toutes taxes comprises le montant de son préjudice résultant de la faute commise par la société Ingerop Conseil et Ingénierie. Elle demande à la Cour de condamner cette société à lui verser la somme de 299 407,28 euros en réparation de son entier préjudice.

Sur la compétence de la juridiction administrative s'agissant des conclusions dirigées contre la société Aviva assurances :

2. Il appartient aux juridictions judiciaires de connaître des actions tendant au paiement des sommes dues par un assureur au titre de ses obligations de droit privé et à raison du fait dommageable commis par son assuré, alors même que l'appréciation de la responsabilité de cet assuré dans la réalisation du fait dommageable relève du juge administratif. Toutefois, si les conclusions présentées par une collectivité ou un établissement public à l'encontre des compagnies d'assurances des constructeurs mettent en cause les relations de droit privé liant ces compagnies à leurs assurés et relèvent dès lors de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire, il est en l'espèce constant que la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, devant la Cour, n'a dirigé aucune de ses conclusions à l'encontre de la société Aviva assurances. Ainsi, il y a lieu d'écarter comme dépourvue d'objet l'exception d'incompétence opposée à l'appelante par cet assureur.

Sur la mise hors de cause de la société Ingerop :

3. Il résulte de l'instruction que l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'oeuvre a été établi entre la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales et la société Ingerop Conseil et Ingénierie, immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 486 626 135. Même si la société Ingerop, immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro B 484 982 012 a été mise en cause dans le cadre de l'expertise judiciaire ordonnée le 6 mars 2015, il est constant qu'elle n'est pas liée par contrat à la CCI. Par suite, c'est à bon droit que cette société a été mise hors de cause en première instance. Il est constant que la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, devant la Cour, n'a dirigé aucune de ses conclusions à l'encontre de la société Ingerop. Ainsi, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la demande des sociétés Ingerop Conseil et Ingénierie et Ingerop tendant à ce que la société Ingerop soit mise hors de cause.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le fondement de la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre :

4. En premier lieu, si la réception sans réserve demeure sans effet sur la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre à raison des manquements à son obligation de conseil du maître de l'ouvrage au moment de la réception des travaux ou à des fautes commises dans le contrôle des situations de travaux servant au calcul des comptes des entreprises, elle met fin, en revanche, aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et le maître d'oeuvre en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. La réception de l'ouvrage, acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve, met ainsi fin aux rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre en ce qui concerne les prestations indissociables de la réalisation de l'ouvrage, au nombre desquelles figurent, notamment, les missions de conception de cet ouvrage.

5. Il résulte de l'instruction que la réception du lot " remplacement des équipements de production de froid du palais de justice " a été prononcée le 26 octobre 2011 sans réserves, les ouvrages exécutés ayant été déclarés " conformes aux spécifications du marché ". Par suite, et ainsi que l'a, à bon droit, jugé le tribunal administratif, la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de la société Ingerop Conseil et Ingénierie, maître d'oeuvre des travaux, pour des fautes dans la conception des travaux réalisés, notamment en ayant proposé la construction d'un système de prévention des risques de légionellose irréalisable au regard des normes architecturales applicables au bâtiment.

6. En second lieu, la responsabilité du maître d'oeuvre pour manquement à son devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'il s'est abstenu d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont il pouvait avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves. A cet égard, il importe peu que les vices en cause aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d'oeuvre en avait eu connaissance en cours de chantier.

7. D'une part, et ainsi que l'a relevé le tribunal, il résulte notamment du rapport de l'expertise diligentée devant le tribunal administratif de Montpellier que, alors que le marché prévoyait la présence d'une gaine de rejet de l'air, seule à même de permettre la mise en place de la tour dans la cour de l'immeuble dans des conditions de fonctionnement permettant d'éviter le risque de légionnelles, cette gaine, dont la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales s'est acquittée auprès du constructeur, n'était pas présente lors de la réception de l'ouvrage. Dès lors, c'est à bon droit, alors même que le défaut de conformité de l'ouvrage tenant à l'absence de construction de la gaine de rejet de l'air était apparent lors de la réception des travaux, que les premiers juges ont regardé cette circonstance comme n'étant pas de nature à exonérer la société Ingerop Conseil et Ingénierie de sa responsabilité contractuelle dès lors que, en vertu de ses devoirs professionnels et des stipulations de son contrat, elle avait l'obligation d'appeler l'attention du maître de l'ouvrage sur les défectuosités de nature à faire obstacle à ce que la réception soit prononcée sans réserves. Par suite, la faute ainsi commise par la maîtrise d'oeuvre est de nature à engager sa responsabilité contractuelle.

8. D'autre part, il résulte également des conclusions expertales que l'absence de gaine de rejet prescrite par les stipulations du cahier des clauses techniques particulières, dont les dimensions étaient de 2 x 3.35 mètres de section par 22 mètres de haut, était remarquable par l'ensemble des acteurs lors de la réception des travaux, que ces acteurs soient des professionnels ou non. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent la CCI appelante et la société Ingerop Conseil et Ingénierie, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il y avait lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à sa charge une part de responsabilité à hauteur de 50 % compte tenu de l'insuffisante attention que la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales a apportée aux opérations de réception des travaux

En ce qui concerne les préjudices :

9. La CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, qui soutient que c'est à tort que les premiers juges ont limité à la somme de 61 080 euros le préjudice qu'elle a subi, sollicite le versement de la somme de 299 407,28 euros correspondant au coût des deux marchés relatifs au déplacement de la tour aéroréfrigérante effectué préalablement au dépôt des conclusions de l'expertise judiciaire et de sa requête introductive d'instance augmentée du montant correspondant aux frais de cette expertise.

10. Il résulte toutefois des conclusions de l'expert, qui s'est adjoint un sapiteur thermicien, que les travaux propres à remédier aux désordres liés à l'absence de gaine de rejet ont consisté en la dépose de la tour existante ainsi qu'en la mise en oeuvre d'un aéroréfrigérant compact et que, selon un devis de Vinci du 6 mars 2015 et une facture Cegelec du 17 juin 2015, ces prestations ont été évaluées à la somme de 94 500 euros hors taxes, soit 113 400 euros toutes taxes comprises, à laquelle il convient d'ajouter la somme de 7 300 euros hors taxes, soit 8 760 euros toutes taxes comprises, au titre des frais de bureau d'étude selon la proposition SECA. Par suite, en l'absence d'éléments de nature à établir que cette somme de 113 400 euros toutes taxes comprises répare insuffisamment le préjudice consécutif à la faute commise par la maîtrise d'oeuvre, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales est seulement fondée à obtenir la somme de 61 080 euros toutes taxes comprises en raison du partage de responsabilité tel que retenu au point 8. La société Ingerop Conseil et Ingénierie, en se bornant à soutenir que l'appelante ne justifie pas avoir exposé la somme de 8 760 euros toutes taxes comprises, ne démontre pas que cette somme doit être exclue du préjudice indemnisable dès lors que l'installation du nouveau système aéroréfrigérant en remplacement du précédent non conforme a nécessairement impliqué de telles dépenses d'études selon les conclusions expertales.

11. La société Ingerop Conseil et Ingénierie soutient, par la voie de l'appel incident, que le montant du préjudice indemnisable doit être limité à son montant hors taxes. Toutefois, les chambres de commerce, à l'instar des collectivités territoriales, bénéficient d'une présomption de non-assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, il appartient à la société Ingerop Conseil et Ingénierie d'apporter des éléments de nature à écarter cette présomption. En l'absence d'éléments en ce sens, les conclusions incidentes présentées par la société Ingerop Conseil et Ingénierie doivent être rejetées.

En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation des intérêts :

12. La somme de 61 080 euros toutes taxes comprises due par la société Ingerop Conseil et Ingénierie à la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales portera intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2016, date d'enregistrement de la requête introductive d'instance devant le tribunal administratif de Montpellier, et non à compter du 19 décembre 2014 comme demandé à nouveau devant la Cour dès lors que, ainsi que l'a jugé le tribunal, la réclamation indemnitaire préalable présentée par la CCI à cette date n'a pas été adressée à la société Ingerop Conseil et Ingénierie mais à la seule société Ingerop. Les intérêts seront capitalisés à compter du 2 mars 2017 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales n'est fondée à soutenir ni que c'est à tort que le tribunal a arrêté à la somme de 61 080 euros toutes taxes comprises le montant dû par la société Ingerop Conseil et Ingénierie en réparation du préjudice qu'elle a subi consécutivement au manquement commis par la maîtrise d'oeuvre à son devoir de conseil lors des opérations de réception de travaux, ni que c'est à tort que le tribunal a fixé la date du 2 mars 2016 comme étant celle à laquelle les intérêts au taux légal ont commencé à courir. Il résulte également de ce qui précède que la société Ingerop Conseil et Ingénierie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a arrêté le montant dû par cette dernière à une somme de 61 080 euros toutes taxes comprises.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Ingerop Conseil et Ingénierie qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales demande sur ce fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales le versement à la société Ingerop Conseil et Ingénierie de la somme de 1 500 euros que cette dernière demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Aviva assurances sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : : La requête de la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales est rejetée.

Article 2 : La CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales versera la somme de 1 500 euros à la société Ingerop Conseil et Ingénierie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Ingerop Conseil et Ingénierie et les conclusions de la société Aviva assurances sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre de commerce et d'Industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, à la société Ingerop Conseil et Ingénierie, à la société Ingerop et à la société Aviva assurances.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2021, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- Mme C... Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2021.

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N° 18MA02694

MY


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA02694
Date de la décision : 12/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS SANGUINEDE - DI FRENNA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-12;18ma02694 ?
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