Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 27 mars 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2006150 du 16 septembre 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2020, M. G..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 septembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 mars 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation en ce qu'elle ne vise pas les dispositions du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 novembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité de la composition de la formation de jugement, la demande déposée par M. G... relevant, en vertu des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une formation de jugement collégiale et non du juge unique.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. M. G..., de nationalité algérienne, demande l'annulation du jugement par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 27 mars 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur la régularité du jugement :
2. Les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile énumèrent les cas dans lesquels l'autorité administrative peut prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un ressortissant étranger. Aux termes de ces dispositions dans leur rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant, au sens des 4° et 5° de l'article L. 1211 du même code, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ".
3. Par ailleurs, les dispositions du I, du I bis et du II de l'article L. 512-1 du même code définissent des régimes contentieux distincts applicables à la contestation par un étranger mentionné à l'article L. 511-1 précité de l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français selon le fondement de cette obligation et selon que cette dernière a été assortie ou non d'un délai de départ volontaire, hors les cas où il est par ailleurs placé en rétention ou assigné à résidence. Ainsi, aux termes du I de l'article L. 512-1 de ce code : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / (...) Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article. ". Aux termes de son I bis " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / La même procédure s'applique lorsque l'étranger conteste une obligation de quitter le territoire fondée sur le 6° du I dudit article L. 511-1 et une décision relative au séjour intervenue concomitamment. Dans cette hypothèse, le président du tribunal administratif ou le juge qu'il désigne à cette fin statue par une seule décision sur les deux contestations. / (...) Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. / (...) ".
4. Il résulte des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile que, si la demande d'un étranger qui a régulièrement sollicité un titre de séjour ou son renouvellement a été rejetée, la décision portant obligation de quitter le territoire français susceptible d'intervenir à son encontre doit nécessairement être regardée comme fondée sur un refus de titre de séjour, donc sur la base légale prévue au 3° du I de cet article.
5. Il ressort des pièces du dossier que la décision obligeant M. G... à quitter le territoire français, prise dans le même arrêté que la décision refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité par l'intéressé, a été prise sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est par ailleurs constant que le requérant n'a pas été placé en rétention ni assigné à résidence. Dès lors, en application du I de l'article L. 512-1 du code, il n'appartenait qu'au tribunal administratif, siégeant en formation collégiale, de statuer sur la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 mars 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille ne pouvait, comme il l'a fait par le jugement attaqué, rejeter seul sa demande. Il suit de là que le jugement attaqué est irrégulier en tant que, par celui-ci, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif s'est prononcé sur la demande d'annulation du refus de titre de séjour.
6. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 mars 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination présentées par M. G... devant le tribunal administratif de Marseille.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
7. Aux termes des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens qui sollicitent un certificat de résidence en raison de leur état de santé, dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
8. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord francoalgérien précité, de vérifier, au vu de l'avis mentionné à l'article R. 31322 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans son pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent, mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut pas en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à l'ensemble de la population, eu égard notamment au coût du traitement ou à l'absence de mode de prise en charge adapté, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
9. M. G..., qui déclare être entré sur le territoire le 1er février 2017, souffre de troubles psychiatriques avec périodes de décompensation, d'apragmatisme, d'apathie et d'hallucinations acoustiques et verbales. Il a été hospitalisé en Algérie entre 2004 et 2006, puis entre 2013 et 2016 avant d'être pris en charge à Marseille au sein du centre hospitalier Edouard Toulouse. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), par un avis du 26 août 2018, a estimé que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut toutefois bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine vers lequel il peut voyager sans risque. Les documents que M. G... a produit, tant en appel qu'en première instance, qui font état de ce qu'il fait l'objet d'un suivi au centre hospitalier Edouard Toulouse depuis le 8 février 2019, ne permettent pas de remettre en cause les conclusions de cet avis, alors même qu'il a été pris en charge de nombreuses années pour sa pathologie dans son pays d'origine. Dans ces conditions, c'est sans méconnaître les stipulations précitées, ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
10. Il résulte des points 7 à 9 du présent arrêt que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas illégale. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
11. Il ressort des termes de l'arrêté litigieux qu'il vise les dispositions des articles L. 511-1 6°, L. 743-2 et L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la demande d'admission au séjour de M. G... au titre de l'asile ainsi que sa demande d'admission au séjour au titre du 7° de l'article 6-1 de la convention franco-algérienne. L'arrêté fait état de ce que, si l'état de santé de M. G... nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine vers lequel il peut voyager sans risque. Il précise également qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans, qu'il ne fait état d'aucun motif exceptionnel d'admission au séjour et qu'une mesure d'éloignement n'est pas contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il est, ainsi, suffisamment motivé en fait et en droit.
12. Par arrêté du 28 février 2020, publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, M. F... C..., directeur des migrations, de l'intégration et de la nationalité, a reçu délégation du préfet des BouchesduRhône à l'effet de signer, notamment, des décisions de refus de séjour, des obligations de quitter le territoire, des décisions relatives au délai de départ et des décisions fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de M. C... pour signer l'arrêté attaqué manque en fait.
13. Enfin, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; ".
14. En l'espèce, si M. G... soutient que la décision risque d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa santé eu égard à ses pathologies psychiatriques actuelles, il résulte du point 9 du présent arrêt qu'il ne démontre pas que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précités doit dès lors être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
15. Il résulte de ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
16. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté contesté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire, n'implique pas la délivrance du titre de séjour sollicité. Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de prendre de telles mesures doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. G... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille du 16 septembre 2020 est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. G... devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G..., à Me E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2021, où siégeaient :
- M. D..., président,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2021.
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N° 20MA04658
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