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25/03/2021 | FRANCE | N°21MA00094-21MA00095

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 25 mars 2021, 21MA00094-21MA00095


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2019, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination.

Par un jugement n° 2003930 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

) Par une requête enregistrée le 10 janvier 2021, Mme F..., représentée par Me D..., demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2019, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination.

Par un jugement n° 2003930 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I°) Par une requête enregistrée le 10 janvier 2021, Mme F..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 septembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité ;

3°) en application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, à titre principal, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " lui permettant de travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ; et à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

Sur le refus de séjour :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que leurs enfants pouvaient bénéficier d'un traitement approprié en Algérie et a écarté le moyen tiré de l'existence d'une erreur d'appréciation sur le fondement de l'article 6 alinéa 1-5 de l'accord franco-algérien ;

- la décision attaquée méconnait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle méconnait l'article 6 alinéa 5 de l'accord franco-algérien ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur l'obligation de quitter le territoire :

- elle est insuffisamment motivée en tant qu'elle refuse d'accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

- elle est illégale, par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II°) Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2021, sous le n° 21MA00095, Mme F..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 septembre 2020 ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à ce qu'il soit statué sur son recours au fond, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les décisions attaquées, et particulièrement la mesure d'éloignement, risquent d'entrainer des conséquences difficilement réparables pour elle ;

- elle invoque des moyens sérieux d'annulation tirés, concernant le refus de séjour, de l'existence d'une erreur d'appréciation sur le fondement de l'article 6 alinéa 1-5 de l'accord franco-algérien, de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, de la méconnaissance de l'article 6 alinéa 5 de l'accord franco-algérien ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur l'obligation de quitter le territoire :

- elle est insuffisamment motivée en tant qu'elle refuse d'accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

- elle est illégale, par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 27 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me D..., représentant Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 17 décembre 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour que lui avait présentée le 21 juin 2019, Mme F..., ressortissante algérienne, compte tenu de l'état de santé de ses enfants et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par une requête enregistrée sous le n° 21MA00094 Mme F... interjette appel du jugement du 29 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Et par une requête enregistrée sous le n° 21MA00095, elle demande à la Cour de surseoir à l'exécution dudit jugement.

Sur la jonction :

2. Les affaires enregistrées sous les n° 21MA00094 et 21MA00095 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux produits, qu'A..., la fille de Mme F..., née le 24 janvier 2010, souffre d'un polyhandicap avec épilepsie pharmaco-résistante lié à une lissencéphalie de type 1 et a fait l'objet depuis 2016 d'une prise en charge pluridisciplinaire en France, ses parents ayant bénéficié de titres de séjour renouvelés jusqu'au 31 juillet 2019 compte tenu de son état de santé. Néanmoins, si dans le cadre de la procédure de renouvellement de ce titre, dans son avis du 21 juin 2019, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a admis que l'état de santé de la jeune A... nécessitait une prise en charge dont l'absence pouvait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il a estimé qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, l'intéressée pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque dans son pays d'origine.

5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la jeune A... est suivie par le service de neurologie pédiatrique du professeur Chabrol de l'hôpital pour enfants de la Timone. La requérante se prévaut en outre d'un certificat médical établi le 15 mai 2019 par le neuro-pédiatre de l'établissement pour enfants et adolescents handicapés " Envol et Garrigue ", dans lequel A... est accueillie tous les jours, de 9 heures à 16 heures, qui souligne que l'enfant " est dans un état de totale dépendance pour tous les actes de la vie quotidienne, elle présente des crises convulsives quotidiennes. Et ce malgré un traitement anti-épileptique très complexe. Son état actuel reste fragile. ". Le médecin généraliste de cet établissement a précisé, par une attestation établie le 10 octobre 2019, que l'enfant présente en outre " une scoliose évolutive sévère ", que " son état actuel reste très fragile ", que " ses soins et sa prise en charge nécessitent une très haute technicité ainsi qu'une équipe pluri-disciplinaire qualifiée dans le domaine " et qu'elle est " régulièrement suivie au CHU de La Timone ". Il ajoute que depuis le 16 septembre, " en raison de troubles sévères de la déglutition, elle est porteuse d'une gastrostomie par laquelle elle est alimentée et hydratée ", qu'elle " ne peut plus recevoir d'apports par voie orale, et ce de façon définitive " et que compte tenu de ces " multiples prises en charge et de la complexité de ses traitements, les déplacements restent très limités à de courtes distances. ". Alors même qu'il est postérieur à la décision attaquée, ce certificat corrobore la fragilité de l'état de santé antérieur de l'enfant. Il ressort en outre de plusieurs prescriptions médicales produites que le traitement de l'enfant ne cesse d'être adapté, pour tenir compte notamment de l'augmentation de la fréquence de ses crises épileptiques qui interviennent quotidiennement, y compris en pleine nuit. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'enfant pourrait, en Algérie, poursuivre un traitement et un suivi de même nature que ceux suivis actuellement en France. Par suite en rejetant la demande de titre de séjour qui avait été présentée par Mme F... au regard de l'état de santé de sa fille, le préfet des Bouches-du-Rhône doit être regardé, dans les circonstances très particulières de l'espèce, comme ayant méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'ensemble des moyens de la requête, Mme F... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

7. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 2003930 du 29 septembre 2020, les conclusions de la requête n° 21MA00095 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. ". Et l'article L. 911-3 du même code précise que : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

9. Eu égard aux motifs du présent arrêt, son exécution entraîne nécessairement la délivrance à l'intéressée du certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme F... ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. L'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". Mme F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D..., avocat de Mme F..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21MA00095 de Mme F....

Article 2 : Le jugement n° 2003930 du tribunal administratif de Marseille du 29 septembre 2020 est annulé et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 décembre 2019 refusant de renouveler le titre de séjour de Mme F... est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à la délivrance à Mme F... d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et suivant les modalités précisées dans les motifs sus indiqués.

Article 4 : L'Etat versera à Me D... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... épouse F..., au ministre de l'intérieur et à Me D....

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, où siégeaient :

- M. Poujade, président de chambre,

- M. Portail, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mars 2021.

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N° 21MA00094, 21MA00095

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00094-21MA00095
Date de la décision : 25/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: Mme BAIZET
Avocat(s) : BELOTTI ; BELOTTI ; BELOTTI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-25;21ma00094.21ma00095 ?
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