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25/03/2021 | FRANCE | N°20MA02626

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 25 mars 2021, 20MA02626


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire français.

Par une ordonnance n° 1810677 du 3 juin 2020, la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2020, M. D..., représenté par Me C..

., demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Marseille du 3 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire français.

Par une ordonnance n° 1810677 du 3 juin 2020, la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2020, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Marseille du 3 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 octobre 2018 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privé ou familiale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le préfet des Bouches-du-Rhône a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant invitation de quitter le territoire français :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour emporte l'illégalité de la décision portant invitation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations en défense.

M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2020.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions de M. D... dirigées contre l'invitation qui lui a été faite de quitter le territoire français, qui n'est pas une décision susceptible de recours, et contre une prétendue mesure d'éloignement qui n'a pas été prise par le préfet, sont irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien né le 2 juillet 1969, a demandé au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de la vie privée et familiale. Il relève appel de l'ordonnance du 3 juin 2020 par laquelle la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 octobre 2018 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire français.

Sur les conclusions à fins d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...). Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré en France en 2007 sous couvert d'un visa Schengen de trente jours délivré par les autorités italiennes. L'intéressé est marié depuis 1995, avec une compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2026 avec laquelle il a eu trois enfants, dont le dernier est né en France. Sa fille aînée est scolarisée à Marseille en classe de seconde. Son épouse a terminé ses études en France et produit un contrat de travail à durée indéterminée au sein de l'entreprise CIRCET sur des fonctions de dessinateur projeteur. Enfin, si l'arrêté mentionne que M. D... est retourné en Algérie durant l'année 2016, le requérant soutient sans être contredit avoir voulu assister à l'enterrement de son père et verse au dossier l'acte de décès de ses parents, décédés respectivement en 2016 et 2019. Dans ces conditions, eu égard à la situation de son épouse et de ses enfants, M. D... a vocation à résider durablement en France et doit être regardé comme ayant désormais en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Il est ainsi fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par suite, l'ordonnance et l'arrêté attaqué doivent être annulés.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant invitation à quitter le territoire français :

5. Si l'arrêté litigieux énonce en ses articles 2 et 3 que M. D... est invité à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et qu'à défaut d'exécution, il s'expose à la possibilité de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette indication qui se borne à lui rappeler la législation en vigueur, ne constitue pas une décision susceptible de recours. Par ailleurs, il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté ni des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône ait pris à l'encontre de l'intéressé une obligation de quitter le territoire français. Dès lors les conclusions dirigées contre ces décisions sont irrecevables.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

7. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle et ressortant des pièces du dossier, la délivrance à l'intéressé d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, sur le fondement des dispositions précitées, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. D... ce titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au conseil de M. D... en application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance de la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille n° 1810677 du 3 juin 2020 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 octobre 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. D... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Me C..., conseil de M. D... en application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. E..., président de chambre,

- M. Portail, président assesseur,

- Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2021.

5

N° 20MA02626

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02626
Date de la décision : 25/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Alain POUJADE
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : CHEMMAM

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-25;20ma02626 ?
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