Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2000481 du 8 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2020, M. A... représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 16 décembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- le tribunal administratif de Marseille a entaché son jugement d'une omission à statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en ce que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;
- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à sa présence continue et effective sur le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'existence de motifs exceptionnels tenant au travail ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'ancienneté et la stabilité de ses liens personnels et familiaux ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision attaquée est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention du 1er août 1995, entre le gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Dakar ;
- l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République sénégalaise ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité sénégalaise, né le 26 décembre 1975, relève appel du jugement du 8 juin 2020 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 décembre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas analysé le moyen développé par M. A... dans le mémoire enregistré le 20 janvier 2020, tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni répondu à celui-ci. L'enregistrement d'un tel mémoire a eu lieu préalablement à la clôture de l'instruction intervenue dans les conditions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative. Par suite, en omettant de statuer sur ce moyen, qui n'était pas inopérant, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité. Celui-ci doit par suite, être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, l'arrêté du 16 décembre 2019 a été signé par M. F... D..., chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile de la préfecture des Bouches-du-Rhône. Par un arrêté du 29 octobre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 13-2019-3261, ce dernier bénéficiait d'une délégation à l'effet de signer notamment les refus de séjour, les obligations de quitter le territoire, les décisions relatives au délai de départ volontaire et les décisions fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
5. En deuxième lieu, la décision attaquée comporte, avec un degré de précision suffisant, l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, le préfet énonçant les conditions d'entrée de M. A... sur le territoire français, le fait qu'il présente une promesse d'embauche en qualité d'agent de propreté, que la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a émis un avis défavorable à son admission au séjour par le travail, que " les documents produits par l'intéressé à l'appui de sa demande ne témoignent pas du caractère habituel et ininterrompu de sa résidence en France depuis son arrivée alléguée (...) ". La motivation de la décision permet ainsi à M. A... de contester utilement le bien-fondé de ses motifs. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
6. En troisième lieu, il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet des Bouches-du-Rhône a procédé à un examen circonstancié de la situation personnelle de M. A... au regard des pièces en sa possession. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la demande doit être écarté.
7. En quatrième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que, si le préfet des Bouches-du-Rhône s'est appuyé sur l'avis émis par la DIRRECTE pour refuser de délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " à M. A..., il ne s'est pas cru à tort lié par celui-ci. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet en s'estimant lié par cet avis doit être écarté.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
9. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... est entré régulièrement sur le territoire français durant l'année 2008, sa présence habituelle et continue n'est établie qu'à partir de l'année 2012. Ainsi, au motif que M. A... ne justifiait pas d'une présence en France de dix années à la date de la décision contestée, le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour précitée avant de rejeter sa demande au titre du dernier alinéa précité de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré du vice de procédure à raison du défaut de saisine de cette commission préalablement à l'édiction de l'arrêté attaqué ne peut, dès lors, qu'être écarté.
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a exercé la profession de commis de cuisine du 1er mars 2014 au 31 octobre 2016. Si l'intéressé fait valoir qu'il a obtenu une promesse d'embauche le 2 janvier 2019, au demeurant postérieure à la date de l'arrêté attaqué, cette circonstance ne constitue ni une considération humanitaire ni un motif exceptionnel au sens des dispositions précitées. Par suite, eu égard aux motifs énoncés au point 7, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les dispositions précitées. Pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
11. En sixième lieu, aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. Ainsi qu'il a été dit au point 10, M. A... ne justifie pas sa présence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. A... n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où réside son père et sa soeur. Alors même qu'il a effectué des stages en milieu professionnel, qu'il justifie d'une expérience professionnelle d'août 2017 à août 2018 et qu'il a suivi une formation d'alphabétisation en mars et avril 2018, il est célibataire, sans enfant à charge et ne justifie d'aucun lien privé ou familial sur le territoire français. La décision contestée n'a dès lors pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de l'ancienneté et la stabilité de ses liens personnels et familiaux.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. Pour les motifs indiqués aux points 4 à 12, M. A... n'est pas fondé à invoquer par voie d'exception, contre la décision contestée, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
14. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12 du présent arrêt.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
15. Le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi par voie d'exception d'illégalité des décisions portant refus du titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté dès lors, qu'ainsi qu'il a été dit, ces décisions ne sont pas entachées d'illégalité.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 16 décembre 2019.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
17. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de M. A....
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 juin 2020 est annulé.
Article 2 : La demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, où siégeaient :
- M. E..., président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2021.
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N° 20MA02230
hw