La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/03/2021 | FRANCE | N°20MA02690

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre ju, 22 mars 2021, 20MA02690


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Statim Provence a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler un titre exécutoire du 15 novembre 2018, d'un montant de 290 363 euros, émis pour avoir paiement de la taxe de raccordement au réseau d'eaux usées au titre de deux lotissements et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par un jugement n° 1900448 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête des mémoires, enregist

rés le 3 août 2020, le 26 novembre 2020 et le 11 février 2021, la société Statim Provence, repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Statim Provence a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler un titre exécutoire du 15 novembre 2018, d'un montant de 290 363 euros, émis pour avoir paiement de la taxe de raccordement au réseau d'eaux usées au titre de deux lotissements et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par un jugement n° 1900448 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête des mémoires, enregistrés le 3 août 2020, le 26 novembre 2020 et le 11 février 2021, la société Statim Provence, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution de ce jugement du 7 juillet 2020 ;

2°) de surseoir à l'exécution du titre exécutoire n° 8 du bordereau n° 21 du 15 novembre 2018 et de l'avis de somme à payer du même montant émis le 19 janvier 2019.

Elle soutient que :

En ce qui concerne les conséquences difficilement réparables :

- compte tenu de ses difficulté économiques, marquées par une forte baisse du chiffre d'affaires liée à la crise sanitaire, une trésorerie exsangue et des saisies sur comptes bancaires, l'obligation de payer la somme de 290 363 euros entraînerait des conséquences difficilement réparables ;

En ce qui concerne les moyens sérieux :

- la créance était prescrite en vertu de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

- les bases de liquidation ne sont pas suffisamment indiquées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2020, la commune de Beaucaire, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 600 euros soit mise à la charge de la société Statim Provence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de la prescription quinquennale soulevé pour la première fois en appel est irrecevable dès lors qu'aucun moyen recevable relatif au bien-fondé de la créance n'a été soulevé en première instance et que cette exception présente le caractère d'une demande nouvelle ;

- subsidiairement, ce moyen est infondé ;

- le moyen tiré de l'insuffisance des bases de liquidation est infondé.

Vu :

- la requête au fond, enregistrée sous le n° 20MA02619 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir présenté son rapport et entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 2021 les observations de Me B..., représentant la société Statim, et du maire de Beaucaire.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Beaucaire a émis, le 15 novembre 2018, un titre exécutoire d'un montant de 290 363 euros, adressé à la société Statim Provence pour avoir paiement de la taxe de raccordement au réseau d'eaux usées à la suite de deux opérations de lotissement sur son territoire. Par un jugement du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la requête de la société Statim Provence tendant à l'annulation de ce titre exécutoire et à la décharge de l'obligation de payer. La société Statim Provence qui a relevé appel de ce jugement demande à la Cour, dans la présente instance, de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.

2. Aux termes de l'article R. 811-14 du code de justice administrative : " Sauf dispositions particulières, le recours en appel n'a pas d'effet suspensif s'il n'en est autrement ordonné par le juge d'appel dans les conditions prévues par le présent titre. ". Aux termes de l'article R. 81117 du même code: " (...) le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction ".

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la somme de 290 363 euros réclamée à la société Statim Provence représente 5,3 % du chiffre d'affaires réalisé par cette société en 2020, en baisse de 19,7 % par rapport à 2019. Il apparaît également que cette société a obtenu, compte tenu de ses difficultés de trésorerie, des prêts garantis par l'Etat pour un montant total de 575 000 euros en 2020. La société a également dû reporter des échéances de paiement de cotisations sociales pour un montant de 42 369 euros et d'intérêts d'emprunt pour un montant de 44 544 euros au cours de l'année 2020. Par ailleurs, un avis à tiers détenteur a été émis en vue de poursuivre le recouvrement forcé de la créance litigieuse. Il apparaît ainsi, compte tenu du montant de la créance et de la situation financière de la société Statim, qu'il existe un risque que l'exécution du titre exécutoire attaqué entraîne des conséquences difficilement réparables.

4. En deuxième lieu, d'une part, la commune de Beaucaire soutient que l'exception de prescription quinquennale invoquée pour la première fois en appel par la société Statim Provence, fondée sur l'article 2224 du code civil, est irrecevable dès lors que, seule la prescription quadriennale prévue par la loi du 31 décembre 1968 ayant été invoquée en première instance, aucun moyen opérant ayant trait au bien-fondé de la créance n'a été soulevé en première instance et que la prescription invoquée en appel constitue une demande nouvelle. Toutefois, il résulte des dispositions de l'article 2248 du code civil insérées dans un chapitre relatif aux conditions de la prescription extinctive, catégorie dont relève la prescription quinquennale mentionnée à l'article 2224 du code civil, que " Sauf renonciation, la prescription peut être opposée en tout état de cause, même devant la cour d'appel ". Dans ces conditions, la commune de Beaucaire n'est pas fondée à soutenir que l'exception de prescription quinquennale soulevée par la société Statim Provence est irrecevable.

5. D'autre part, aux termes de l'article 2224 du code civil : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ".

6. Pour contester que la prescription quinquennale invoquée par société Statim Provence soit acquise, la commune de Beaucaire fait valoir que la créance n'était pas prescrite le 23 décembre 2011, lors de l'émission d'un premier titre exécutoire et que celui-ci a été contesté par la société Statim Provence devant le tribunal administratif de Nîmes puis devant la cour administrative d'appel. Toutefois, il résulte de l'instruction que le titre exécutoire émis le 23 décembre 2011, seul acte interruptif invoqué par la commune de Beaucaire, avant l'émission du titre litigieux du 15 novembre 2018, était adressé à la société Statim, personne morale distincte de la société Statim Provence, en qualité de débiteur unique. Les conclusions de la société Statim Provence dirigées contre ce titre exécutoire ont été jugées irrecevables par la cour administrative d'appel de Marseille dans son arrêt n° 15MA01065 du 30 mai 2017, faute de justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir. Dans ces conditions, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que la prescription quinquennale est acquise paraît sérieux.

7. Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 7 juillet 2020.

8. Si le sursis à exécution de ce jugement implique que le recouvrement du titre exécutoire du 15 novembre 2018 ne peut plus être poursuivi jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'appel formé par la société Statim Provence à son encontre, eu égard au caractère suspensif de la saisine du juge de première instance en l'espèce, par application des dispositions du 3ème alinéa de l'article 1617-5 du code général des collectivités territoriales, il n'entre pas dans l'office du juge d'appel, saisi en application de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision administrative elle-même, dont l'annulation est demandée au fond. En conséquence, les conclusions de la société Statim Provence tendant à la suspension du titre litigieux, et, en tout état de cause, de l'avis de somme à payer correspondant, doivent être rejetées.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de société Statim Provence, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Statim Provence tendant à l'application de ces dispositions au titre des frais exposés par elle, non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er: Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'appel la société Statim Provence contre le jugement du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Nîmes, il sera sursis à l'exécution de ce jugement.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la société Statim Provence est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Beaucaire tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Statim Provence, à la direction régionale des finance publiques d'Occitanie et à la commune de Beaucaire.

Fait à Marseille, le 22 mars 2021.

N°20MA02690 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre ju
Numéro d'arrêt : 20MA02690
Date de la décision : 22/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Parafiscalité - redevances et taxes diverses - Redevances.

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guillaume CHAZAN
Avocat(s) : SCP SVA

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-22;20ma02690 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award