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16/02/2021 | FRANCE | N°19MA05016

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 16 février 2021, 19MA05016


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1998, 1999 et 2000, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1702299 du 25 septembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 novembre 2019 et le 6 avril 2020, M. et Mme E.

.., représentés par Me B..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1998, 1999 et 2000, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1702299 du 25 septembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 novembre 2019 et le 6 avril 2020, M. et Mme E..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 25 septembre 2019 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2000, et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2000, et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Nice, pour juger que leur réclamation était tardive, a estimé qu'ils n'avaient pas soulevé, dans les requêtes qu'ils avaient précédemment introduites devant ce tribunal et devant la Cour, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'unicité de la législation en matière de sécurité sociale ;

- l'impossibilité de regarder une décision juridictionnelle, telle la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre Gérard D... (C-623/13) comme un événement au sens du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales les prive du droit à un recours effectif et méconnaît ainsi tant l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- ils sont victimes d'une discrimination dès lors que le Conseil d'Etat n'a pas sursis à statuer sur leur pourvoi contre l'arrêt de la Cour du 23 novembre 2013 dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne sur la question préjudicielle qu'il lui avait posée dans le cadre du pourvoi formé par M. D... ;

- le principe d'unicité de la législation prévu par le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 fait obstacle aux impositions contestées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme E... ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 2 octobre 2020 a prononcé la clôture de l'instruction à la date de son émission en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 ;

- le décret n° 2013-643 du 18 juillet 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. et Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et de prélèvement social notamment au titre de l'année 2000, et aux pénalités correspondantes. Par un jugement du 25 septembre 2019, le tribunal administratif de Nice a jugé, d'une part, que leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales au titre des années 1998 et 1999 était dépourvue d'objet en raison de dégrèvements prononcés le 29 mai 2006 et le 8 janvier 2010 et donc irrecevable et, d'autre part, que leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires au titre de l'année 2010 était également irrecevable, leur réclamation étant tardive en application des dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales. Le tribunal a ainsi estimé que la réclamation présentée le 13 décembre 2016 était intervenue après l'expiration du délai mentionné à cet article dès lors que les cotisations supplémentaires avaient été mises en recouvrement le 30 juin 2005 et que l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015 Ministre de l'économie et des finances contre Gérard D... (C-623/13) ne constituait pas un événement de nature à rouvrir le délai de réclamation. M. et Mme E... font appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2000.

2. Aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; (...) / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. Ne constitue pas un tel événement une décision juridictionnelle ou un avis mentionné aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190. / Toutefois, dans les cas suivants, les réclamations doivent être présentées au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas : (...) / c) Au cours de laquelle le contribuable a eu connaissance certaine de cotisations d'impôts directs établies à tort ou faisant double emploi ". Aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 190 du même livre : " Pour l'application du troisième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles (...) les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne se prononçant sur un recours en annulation, sur une action en manquement ou sur une question préjudicielle ".

3. En premier lieu, M. et Mme E... avaient précédemment contesté ces cotisations supplémentaires et leurs requêtes avaient été rejetées tant par le tribunal administratif de Nice le 11 mai 2010 que par la Cour le 26 novembre 2013. Le tribunal administratif de Nice, dans sa décision du 25 septembre 2019 attaquée dans la présente instance, a indiqué, " au surplus ", que M. et Mme E... n'avaient pas soulevé dans ces requêtes antérieures le moyen tiré de la méconnaissance du principe de l'unicité de la législation en matière de sécurité sociale prévu par les dispositions du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté.

4. D'une part, la circonstance alléguée par M. et Mme E... selon laquelle ils avaient déjà soulevé ce moyen et que cette indication mentionnée à titre superfétatoire par le tribunal administratif de Nice serait erronée est sans incidence sur les délais prévus par les dispositions précédemment citées de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, notamment sur la qualification d'événement au sens du c de cet article à accorder à la décision du 26 juin 2015 de la Cour de justice de l'Union européenne. D'autre part, et en tout état de cause, il résulte de l'instruction que cette indication est exacte, M. et Mme E... n'ayant pas soulevé dans leurs précédentes requêtes devant le tribunal administratif de Nice et devant la Cour de moyen relatif à la méconnaissance du principe de l'unicité de législation en matière de sécurité sociale prévu par les dispositions du règlement du 14 juin 1971. Notamment, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme E..., la décision n° 376747 du Conseil d'Etat du 10 octobre 2014 refusant d'admettre leur pourvoi en cassation contre l'arrêt du 26 novembre 2013 ne révèle pas qu'ils se seraient prévalus devant la Cour de ce principe.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". L'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose que : " Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article (...) ".

6. L'existence d'un délai de réclamation ne méconnaît pas le droit au recours effectif. En outre, le contribuable a la possibilité, avant l'expiration du délai de réclamation, de faire valoir tout moyen de nature à permettre la décharge des impositions contestées. Par suite, les dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, introduites par le décret du 18 juillet 2013 relatif aux délais de réclamation applicables aux actions mentionnées aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190, prévoyant que les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne se prononçant sur une question préjudicielle ne constituent pas un événement rouvrant le délai de réclamation, n'apportent pas au droit d'accès du contribuable au juge de l'impôt une restriction incompatible avec les dispositions précédemment citées de cette convention et de cette charte.

7. En dernier lieu, il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur les vices qui entacheraient la décision n° 376747 du Conseil d'Etat du 10 octobre 2014 refusant d'admettre le pourvoi en cassation de M. et Mme E... contre l'arrêt de la Cour du 26 novembre 2013. Par suite, le moyen selon lequel ils seraient victimes de discrimination dès lors que le Conseil d'Etat a statué sans attendre la réponse à la question préjudicielle qu'il avait posée, dans le cadre d'un pourvoi introduit par un requérant dont la situation serait comparable, à la Cour de justice de l'Union européenne sur la conformité au principe d'unicité de la législation en matière de sécurité sociale de l'assujettissement aux contributions sociales de personnes soumises à la législation sociale dans un autre Etat membre de l'Union européenne ne peut qu'être écarté. En outre et en tout état de cause, d'une part, un tel moyen est, par lui-même, sans incidence sur les délais de réclamation prévus par les dispositions précédemment citées de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales et, d'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 4, M. et Mme E... n'avaient pas soulevé devant le tribunal administratif de Nice ou devant la Cour de moyen relatif à la méconnaissance du principe d'unicité de législation en matière de sécurité sociale.

8. Par suite, M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice, estimant que la réclamation qu'ils avaient présentée le 13 décembre 2016 était tardive et que la requête dont il était saisi était ainsi irrecevable, a rejeté leur demande.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à M. et Mme E... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 2 février 2021, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. C..., président assesseur,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 février 2021.

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N° 19MA05016

nc


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Réclamations au directeur - Délai.

Droits civils et individuels - Convention européenne des droits de l'homme - Droits garantis par la convention - Droit à un recours effectif (art - 13).


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : SELARL G. PALOUX - E. MUNDET

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 16/02/2021
Date de l'import : 12/03/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19MA05016
Numéro NOR : CETATEXT000043204986 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-16;19ma05016 ?
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