Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes, et de l'amende de 1 500 euros qui lui a été infligée sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts.
Par l'article 1er du jugement n° 1700093 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Nice a prononcé un nonlieu à statuer sur les conclusions de la demande à hauteur de 46 254 euros et par l'article 2 a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 23 mai 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités demeurant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure d'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle est entachée d'un défaut de dialogue contradictoire, dès lors que le vérificateur n'a pas proposé à son épouse de le rencontrer ;
- il n'a pu solliciter un délai complémentaire de trente jours pour présenter ses observations en réponse à la proposition de rectification, dès lors que l'administration a fait application de la procédure de taxation d'office prévue par l'article L. 66 du livre des procédures fiscales ;
- la réponse aux observations du contribuable qui lui a été adressée est insuffisamment motivée ;
- la somme de 343 000 euros n'est pas imposable sur le fondement de l'article 1649 quater A du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. A... portant sur les années 2011 à 2013, l'administration fiscale a imposé au titre de l'année 2012 une somme de 343 000 euros correspondant à un transfert de fonds en provenance d'Algérie, en vertu de l'article 1649 quater A du code général des impôts. M. A... a ainsi été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sur les hauts revenus et de contributions sociales au titre de l'année 2012, assorties de pénalités, et l'administration a par ailleurs fait application d'une amende de 1 500 euros en raison du défaut de déclaration d'un compte ouvert ou utilisé à l'étranger, sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts. M. A... fait appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 23 mai 2019 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge de ces suppléments d'impôt et pénalités.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales : " (...) chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer. Les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits par l'un des conjoints ou notifiés à l'un d'eux sont opposables de plein droit à l'autre ".
3. Il est constant que M. A..., qui était incarcéré au cours de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, a refusé à deux reprises de s'entretenir avec le vérificateur. S'il soutient que la procédure serait viciée, faute pour l'administration fiscale d'avoir proposé à son épouse un entretien, cette circonstance est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 11 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " A moins qu'un délai plus long ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre (...) à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification ". Aux termes de l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée à M. A... le 15 juillet 2015 mentionnait qu'il était fait application de la procédure de taxation d'office, indiquait que M. A... disposait d'un délai de trente jours pour adresser ses observations et comportait une mention selon laquelle " En cas d'application de la procédure de rectification contradictoire, vous pouvez demander dans ce délai une prorogation de 30 jours ". M. A..., qui a répondu à cette proposition par une lettre datée du 29 juillet 2015 en énonçant précisément le motif de sa contestation, et sans faire état d'aucune difficulté d'accès aux documents justificatifs, s'est abstenu de solliciter une prorogation du délai de réponse. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pu solliciter un délai complémentaire de trente jours pour présenter ses observations en réponse à la proposition de rectification.
6. En troisième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". Il résulte de ces dispositions que l'exigence de motivation de la réponse aux observations du contribuable qui s'impose à l'administration dans ses relations avec le contribuable vérifié s'apprécie au regard de l'argumentation développée par celuici dans ses observations.
7. En l'espèce, les observations que M. A... a adressées à l'administration fiscale le 29 juillet 2015 se bornaient à contester le caractère imposable de la somme de 343 000 euros sans apporter d'éléments nouveaux, argumentés et circonstanciés qui auraient nécessité une réponse particulière. Dans ces conditions, la réponse à ses observations est suffisamment motivée.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
8. Aux termes de l'article 1649 quater A du code général des impôts : " (...) Les sommes, titres ou valeurs transférés vers l'étranger ou en provenance de l'étranger constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables lorsque le contribuable n'a pas rempli les obligations prévues à l'article L. 152-1 du code monétaire et financier et au règlement (CE) n° 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant ou sortant de la Communauté ". Aux termes de l'article L. 152-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les personnes physiques qui transfèrent vers un Etat membre de l'Union européenne ou en provenance d'un Etat membre de l'Union européenne des sommes, titres ou valeurs, sans l'intermédiaire d'un établissement de crédit, d'un établissement de paiement ou d'un organisme ou service mentionné à l'article L. 518-1 doivent en faire la déclaration dans des conditions fixées par décret. / Une déclaration est établie pour chaque transfert à l'exclusion des transferts dont le montant est inférieur à 10 000 euros ". Aux termes du I de l'article R. 152-7 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La déclaration des sommes, titres ou valeurs transférés vers un Etat membre de la Communauté européenne ou en provenance d'un tel Etat, prévue à l'article L. 152-1, est faite par écrit par les personnes physiques, pour leur compte ou pour celui d'autrui, auprès de l'administration des douanes, au plus tard au moment du transfert ".
9. A l'issue d'une perquisition réalisée au domicile de M. A... le 12 novembre 2012, une somme de 343 000 euros en espèces a été saisie. Lors de son audition par les services de police, M. A... a expliqué que cette somme provenait de la vente de terres agricoles situées en Algérie, dont il avait hérité. Il a produit la copie d'un acte notarié daté du 11 juin 2012 relatif à la vente de ces terrains, et une attestation d'émission de devises du 26 juillet 2012 portant sur la délivrance à d'une somme de 350 000 euros pour son exportation matérielle sous forme de billets de banque figurait parmi les pièces de la procédure pénale. Eu égard à ces éléments, et en l'absence de déclaration par M. A... de la somme de 343 000 euros ainsi transférée en France, l'administration fiscale a regardé cette somme comme constituant un revenu imposable. Toutefois, M. A... établit par la production de la traduction d'un acte notarié de donation daté du 15 décembre 2008, et d'un acte notarié de vente daté du 11 juin 2012, dont le caractère authentique n'est pas contesté, avoir vendu le 11 juin 2012, pour un prix de 45 850 000 dinars, des terres agricoles situées en Algérie, qui lui avaient été données le 15 décembre 2008. Il produit également l'attestation d'émission de devises datée du 26 juillet 2012 par laquelle un établissement bancaire situé à Constantine atteste lui avoir délivré des devises pour un montant de 350 000 euros pour leur exportation matérielle sous forme de billets de banque. Eu égard à la concordance entre le prix de vente des terrains et le montant total des devises délivrées à M. A..., ainsi qu'au faible délai écoulé entre la vente des terrains, la délivrance des devises et leur saisie au domicile de M. A..., ce dernier doit être regardé comme démontrant que la somme de 343 000 euros correspond au produit de la vente des terres agricoles qui lui avaient été données en 2008. Par ailleurs, il ressort des mentions des actes notariés que M. A... n'a réalisé aucune plus-value lors de la vente de ces terres. Par suite, M. A..., qui doit être regardé comme établissant l'origine et le caractère non imposable de la somme de 343 000 euros, est fondé à obtenir la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sur les hauts revenus et de contributions sociales demeurant en litige, ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur l'amende prévue par l'article 1736 du code général des impôts :
10. Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) Les personnes physiques (...) domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger (...) ". Aux termes du IV de l'article 1736 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A (...) sont passibles d'une amende de 1 500 euros par compte ou avance non déclaré (...) ".
11. Il est constant que M. A... disposait d'un compte ouvert dans les écritures de la banque populaire en Algérie portant la référence n° 831-055210-25-201-0-33, et qu'il n'a pas déclaré les références de ce compte à l'administration fiscale. C'est donc à bon droit que l'administration a fait application de l'amende prévue par le IV de l'article 1736 du code général des impôts.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012, et des pénalités correspondantes.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : M. A... est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles il demeure assujetti au titre de l'année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1700093 du 23 mai 2019 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 2 février 2021, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 février 2021.
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N° 19MA03261
nc