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18/01/2021 | FRANCE | N°20MA02949

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 18 janvier 2021, 20MA02949


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une décision du 29 juillet 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour M. A... C..., annulé l'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n°16MA03995 en date du 12 avril 2019, rejetant la requête de l'intéressé tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bastia n°1401128 du 25 août 2016 et de l'arrêté du 17 juin 2014 par lequel le préfet de la Haute-Corse a autorisé la création de l'association foncière pasto

rale autorisée de Carpineto. Il a renvoyé dans cette mesure l'affaire devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une décision du 29 juillet 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour M. A... C..., annulé l'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n°16MA03995 en date du 12 avril 2019, rejetant la requête de l'intéressé tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bastia n°1401128 du 25 août 2016 et de l'arrêté du 17 juin 2014 par lequel le préfet de la Haute-Corse a autorisé la création de l'association foncière pastorale autorisée de Carpineto. Il a renvoyé dans cette mesure l'affaire devant la même Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2016, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 25 août 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 juin 2014 par lequel le préfet de la Haute-Corse a autorisé la création de l'association foncière pastorale autorisée de Carpineto ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'acte ordonnant l'ouverture de l'enquête publique sur le projet de statuts de l'association ne lui pas été notifié en méconnaissance des dispositions de l'article 12 de l'ordonnance n°2004-632 du 1er juillet 2004 ;

- les dispositions des articles 7 et 11 de la même ordonnance ont également été méconnues dès lors que le projet ne comportait pas d'élément relatif au mode de recouvrement des cotisations ;

- il n'est pas établi que la commune est classée en zone de montagne ou comprise dans une zone délimitée à cette fin conformément aux dispositions des articles L. 135-1 et L. 113-2 du code rural et de la pêche maritime ;

- la création de l'association porte atteinte à son droit de propriété tel que protégé par le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors qu'elle n'est pas justifiée par l'intérêt général et ne répond pas aux objectifs visés à l'article L. 135-1 de ce code ;

- subsidiairement, le projet est à minima susceptible de porter atteinte à l'environnement et nécessitait une enquête publique distincte, conformément à l'article 12 de l'ordonnance du 1er juillet 2004.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 juillet 2018 et 5 novembre 2020, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Par un mémoire en observations, enregistré le 9 août 2018, la commune de Carpineto, représentée par Me E..., conclut, dans la mesure du renvoi prononcé, au rejet de la requête.

Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;

- le code de l'environnement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'ordonnance n°2004-632 du 1er juillet 2004 ;

- le décret n°2006-504 du 3 mai 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté en date du 17 juin 2014, le préfet de la Haute-Corse a autorisé la création de l'association foncière pastorale de Carpineto, réunissant les propriétaires des terrains à destination agricole ou pastorale et des terrains boisés ou à boiser compris dans un périmètre déterminé sur le territoire de la commune de Carpineto, et ayant pour objet de contribuer à la mise en valeur et la protection du milieu naturel et des sols, du patrimoine culturel et paysager, ainsi qu'à la sauvegarde de la vie sociale. M. C..., propriétaire de deux parcelles boisées situées dans ce périmètre, cadastrées C 205 et C 209, relève appel du jugement du tribunal administratif de Bastia du 25 août 2016, en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 12 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires : " L'autorité administrative soumet à une enquête publique réalisée conformément au III de l'article L. 11-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique le projet de statuts de l'association syndicale autorisée. / Toutefois, lorsqu'en raison de leur nature, de leur consistance ou de leur localisation, les ouvrages ou les travaux envisagés sont susceptibles d'affecter l'environnement, ou lorsque les missions de l'association concernent des installations, ouvrages, travaux ou activités prévus à l'article L. 214-1 du code de l'environnement, il est procédé à cette enquête conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du même code. / L'acte ordonnant l'ouverture de l'enquête est notifié à chaque propriétaire d'un immeuble susceptible d'être inclus dans le périmètre de la future association ". Aux termes de l'article L. 214-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations ne figurant pas à la nomenclature des installations classées, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants. / (...) ".

3. En l'espèce, si le requérant produit un rapport, établi en mars 2011 par un expert forestier, mettant en évidence les dégradations des parcelles boisées de la commune du fait de la divagation d'animaux domestiques porcins et bovins sur celles-ci, lesquels notamment détruisent la végétation arborescente d'avenir et la flore de sous-bois, et provoquent des phénomènes d'érosion portant atteinte aux racines des sujets adultes, il ressort du projet de statuts de l'association ainsi que du procès-verbal de l'assemblée générale constitutive qu'elle tend, dans la perspective d'un développement local durable, à une exploitation équilibrée de l'espace rural entre sa destination pastorale, par la gestion des déplacements des animaux, et sa vocation agricole, en vue de la préservation du patrimoine arboré de la zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique de type II " Châtaigneraie de la petite Castagniccia ". Ce projet prévoit ainsi, non de promouvoir les activités pastorales, mais de les encadrer afin d'éviter la divagation des animaux et la dégradation prononcée de la châtaigneraie qui occupe pratiquement toute l'étendue du territoire communal et dont sont envisagés " la réhabilitation (débroussaillage, rénovation...) et l'équipement (desserte, clôtures...) ", ainsi que la gestion et l'exploitation, " de façon à garantir la protection des sols contre l'érosion et la préservation du patrimoine arboré ". Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que les ouvrages ou les travaux prévus seraient susceptibles d'affecter l'environnement ou que les missions de l'association concerneraient des installations, ouvrages, travaux ou activités prévus à l'article L. 214-1 du code de l'environnement, de telle sorte qu'il aurait dû être procédé à une enquête conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du même code en application du 2ème alinéa de l'article 12 de l'ordonnance du 1er juillet 2004.

4. En deuxième lieu, le 3ème alinéa de l'article 9 du décret du 3 mai 2006 prévoit que : " La notification de l'arrêté prescrite à l'article 12 de l'ordonnance du ler juillet 2004 susvisée est faite, sur la base des informations figurant sur le cadastre ou à l'aide des renseignements délivrés par le service de la publicité foncière au vu du fichier immobilier, à chacun des propriétaires dont les terrains sont susceptibles d'être inclus dans le périmètre de l'association. (...) ". Aux termes de l'article L. 135-3 du code rural et de la pêche maritime : " Le préfet peut réunir les propriétaires intéressés en association foncière pastorale autorisée si, tout à la fois : / 1° La moitié au moins des propriétaires, dont les terres situées dans le périmètre représentent la moitié au moins de la superficie totale des terres incluses dans ce périmètre, a adhéré à l'association expressément ou dans les conditions prévues à l'article 13 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 précitée. Pour le calcul de ces quotités, sont présumés adhérents à l'association foncière les propriétaires dont l'identité ou l'adresse n'a pu être établie et qui ne se sont pas manifestés lors de l'enquête publique à la suite d'un affichage dans les mairies concernées et d'une publication dans un journal d'annonces légales. (...) ". En application du 2ème alinéa de l'article 13 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, " Un propriétaire qui, dûment averti des conséquences de son abstention, ne s'opposerait pas expressément au projet est réputé favorable à la création de l'association. ".

5. Il n'est pas contesté que l'acte ordonnant l'ouverture de l'enquête publique préalable à la création de l'association foncière pastorale de Carpineto a bien été notifié, s'agissant des parcelles cadastrées C 205 et C 209, sur la base des informations figurant sur le cadastre, conformément aux exigences de l'article 9 du décret du 3 mai 2006. Ainsi, si ces mentions étaient erronées et si M. C... n'a en conséquence pas reçu cette notification, il ne saurait pour autant être prétendu que les dispositions de l'article 12 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 ont été méconnues. En tout état de cause, il n'est pas contesté que plus de la moitié des propriétaires, dont les terres situées dans le périmètre de l'association représentaient 71,76 % de la superficie totale des terres incluses dans ce périmètre, ont adhéré à l'association expressément ou implicitement après information quant aux conséquences de leur abstention. Ainsi, même sans prendre en compte les adhésions des propriétaires dont l'identité ou l'adresse n'a pu être établie et qui ne se sont pas manifestés lors de l'enquête publique, tels M. C..., les conditions fixées par les dispositions de l'article L. 135-3 du code rural et de la pêche maritime pour que l'association soit autorisée étaient réunies.

6. En troisième lieu, les modalités de financement et le mode de recouvrement des cotisations sont prévues par les dispositions du code rural et de la pêche maritime et notamment celles de son article L. 135-2, auxquelles le projet de statuts fait référence. Le chapitre 3 de ce projet, intitulé " les dispositions financières ", comprend un article 18 consacré " aux voies et moyens pour subvenir à la dépense ". Ainsi, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 11 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 n'auraient pas été respectées au motif que le projet de statuts de l'association soumis à l'autorité administrative n'aurait pas précisé, conformément aux dispositions de l'article 7 de cette même ordonnance, le mode de recouvrement des cotisations doit être écarté comme manquant en fait.

7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que la commune de Carpineto a été classée en zone de montagne par un arrêté préfectoral du 21 janvier 2002. Le moyen tiré de ce que la création de l'association foncière pastorale de Carpineto méconnaît les dispositions de l'article L. 135-1 du code rural et de la pêche maritime qui prévoient que la création d'une association foncière pastorale ne peut intervenir que : " dans les régions délimitées en application de l'article L. 113-2 ", c'est-à-dire " Dans les communes classées en zone de montagne " ou " Dans les communes comprises dans les zones délimitées par l'autorité administrative après avis de la chambre d'agriculture " doit être écarté comme manquant en fait.

8. En cinquième lieu, l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ". Les stipulations du deuxième alinéa de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne font pas obstacle à l'édiction, par l'autorité compétente, d'une réglementation de l'usage des biens, dans un but d'intérêt général, ayant pour effet d'affecter les conditions d'exercice du droit de propriété. En application du 1er alinéa de l'article L. 135-1 du code rural et de la pêche maritime, les associations foncières pastorales " regroupent des propriétaires de terrains à destination agricole ou pastorale ainsi que des terrains boisés ou à boiser concourant à l'économie agricole, pastorale et forestière dans leur périmètre. Sous réserve des dispositions de leurs statuts, elles assurent ou font assurer l'aménagement, l'entretien et la gestion des ouvrages collectifs permettant une bonne utilisation de leurs fonds ainsi que les travaux nécessaires à l'amélioration ou à la protection des sols. Elles peuvent assurer ou faire assurer la mise en valeur et la gestion des fonds à destination pastorale ou agricole ainsi que des terrains boisés ou à boiser inclus à titre accessoire dans leur périmètre.".

9. Il ressort des éléments exposés ci-dessus au point 3 que l'objet de l'association, visant à concilier les destinations pastorales, agricoles et forestières des parcelles concernées, dont rien ne permet de conclure qu'il relèverait exclusivement de la compétence d'une association syndicale de gestion forestière, est conforme aux dispositions de l'article L. 135-1 du code rural et de la pêche maritime. Il poursuit un but d'intérêt général justifiant que, sans méconnaître les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les conditions d'exercice du droit de propriété des propriétaires des parcelles situées dans son périmètre soient affectées, notamment par la possibilité donnée à l'association de mettre en location certaines de ces parcelles.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à la commune de Carpineto.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 4 janvier 2021, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2021.

N°20MA02949 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02949
Date de la décision : 18/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

11-01-01 Associations syndicales. Questions communes. Constitution.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP AMIEL-SUSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-01-18;20ma02949 ?
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