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31/12/2020 | FRANCE | N°19MA04170

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 31 décembre 2020, 19MA04170


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 par lequel le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination de cette mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1902849 du 29 juillet 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédur

e devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 septembre 2019, M. B..., représentée p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 par lequel le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination de cette mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1902849 du 29 juillet 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 septembre 2019, M. B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 juillet 2019 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Var du 5 juin 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixation du pays de destination ;

3°) de mettre à la charge de l'État, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- le tribunal a omis de statuer sur les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français, de l'incompétence négative dont le préfet a entaché son arrêté faute d'avoir examiné sa vie privée en France, et de l'erreur manifeste d'appréciation dont est entachée l'obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle dès lors que le préfet a examiné sa seule vie familiale en France, sans faire porter son examen sur sa vie privée ;

- cette décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la durée de son séjour et à ses conditions d'insertion en France ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :

- le préfet n'a pas motivé sa décision ;

- il n'a pas davantage procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- le préfet a omis de prendre en compte la durée de sa présence en France pour fixer la durée de la mesure litigieuse ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, eu égard notamment à ses chances de voir sa situation régularisée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant turc né le 5 avril 1973, relève appel du jugement du 29 juillet 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 juin 2019 par lequel le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. B... avait soulevé les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée cette décision. Le premier juge a omis de répondre à ces trois moyens, qui n'étaient pas inopérants. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier pour ce motif et à en demander l'annulation.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de M. B... et, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions du requérant.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 5 juin 2019 :

4. Contrairement à ce qui est soutenu, M. Serge Jacob, secrétaire général de la préfecture du Var, disposait de la compétence pour signer l'arrêté contesté en vertu de la délégation de signature du 6 novembre 2018, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs du 9 novembre 2018, que lui avait consentie le préfet du Var.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, le préfet, qui n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, a suffisamment motivé la décision contestée.

6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision contestée que le préfet, qui a notamment tenu compte de la durée de la résidence habituelle du requérant en France, n'aurait porté son examen que sur les seules attaches familiales du requérant sans procéder à un examen complet de sa situation privée et familiale.

7. En troisième lieu, si le requérant peut se prévaloir d'une durée significative de résidence habituelle en France ainsi que de gages sérieux d'insertion, notamment professionnelle, il réside sur le territoire national célibataire et sans charges de famille, alors qu'il ne conteste pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où vivent son épouse et leurs trois enfants, et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de trente-neuf ans au moins. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée.

8. En dernier lieu, en dépit de l'insertion professionnelle et de la durée de séjour en France dont il peut se prévaloir, M. B..., qui ne saurait utilement soutenir qu'il remplit les conditions fixées par la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, dépourvue de valeur réglementaire, ne démontre pas que la décision litigieuse, eu égard aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle, serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :

9. En premier lieu, compte-tenu de ce qui précède, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français contestée doit être écarté.

10. En deuxième lieu, le préfet du Var, qui a listé l'ensemble des circonstances tirées de la situation personnelle de M. B... qui lui permettaient, en vertu du troisième alinéa du II de l'article L. 511-1 qu'il vise expressément, de refuser d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire, a suffisamment motivé sa décision, en fait et en droit.

11. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes de l'arrêté contesté, qui se réfère expressément aux déclarations de M. B... relative à son activité professionnelle, que le préfet n'aurait pas porté un examen particulier sur l'ensemble de la situation personnelle de l'intéressé avant de lui refuser un délai de départ volontaire.

12. En quatrième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) [ou] qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale / (...) h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. (...) "

13. M. B..., qui se borne à soutenir qu'il dispose d'un passeport en cours de validité sans contester, ainsi que le mentionne l'arrêté contesté, qu'il n'a pas été en mesure de le présenter avant que soit prise à son encontre la décision litigieuse, n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de fait. En tout état de cause, le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les circonstances que l'intéressé s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente et qu'il a déclaré ne pas vouloir se conformer à son obligation de quitter le territoire français.

14. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

15. En premier lieu, la décision contestée, qui vise le III de l'article L. 511-1 et liste exhaustivement les quatre critères, fixés par cet article, au regard desquels la situation administrative de l'intéressé a été examinée, est suffisamment motivée en fait et en droit.

16. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, la mention que sa date d'entrée en France est indéterminée révèle que le préfet a examiné sa situation au regard de la durée de son séjour sur le territoire national pour fixer la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français litigieuse.

17. En troisième lieu, la circonstance alléguée que M. B... puisse prétendre à une régularisation de sa situation administrative en raison de son activité salariée ne constitue pas une circonstance humanitaire justifiant que la mesure d'éloignement dont il fait l'objet ne soit pas assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français.

18. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté du 5 juin 2019. Par suite, doivent également être rejetées ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1902849 du 29 juillet 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2020, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président,

- Mme E..., présidente assesseure,

- M. C..., conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2020.

Minute signée par le président de la formation de jugement en application des dispositions de l'article 5 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

2

N° 19MA04170

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04170
Date de la décision : 31/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre SANSON
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : ARNOULD

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-31;19ma04170 ?
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