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29/12/2020 | FRANCE | N°19MA05774

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 29 décembre 2020, 19MA05774


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... née B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2019 du préfet des Pyrénées-Orientales portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français et d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1905323 du 2 décembre 2019, le tribunal adminis

tratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 29 juillet 2019 du préfet des Pyrénées-Orien...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... née B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2019 du préfet des Pyrénées-Orientales portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français et d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1905323 du 2 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 29 juillet 2019 du préfet des Pyrénées-Orientales, a enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de délivrer à Mme C... née B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au conseil de Mme C... née B... en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2019, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 décembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... née B... devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... née B... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en considérant que Mme C... née B... ne pourra accéder aux soins dispensés par les établissements de santé en Russie, à défaut de disposer d'un logement et d'être enregistrée à Moscou, le tribunal a ajouté une condition non prévue par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens présentés par Mme C... née B... devant les premiers juges ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2020, Mme C... née B..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le préfet des Pyrénées-Orientales ne sont pas fondés et qu'elle maintient l'ensemble des moyens qu'elle a soulevés devant le tribunal.

Mme C... née B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet des Pyrénées-Orientales relève appel du jugement du 2 décembre 2019, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté qu'il avait pris le 29 juillet 2019 rejetant la demande de délivrance de titre de séjour en qualité d'étranger malade présentée par Mme C... née B..., de nationalité russe, et l'obligeant à quitter le territoire français.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que par un avis du 19 décembre 2018, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a relevé que l'état de santé de Mme C... née B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé. Devant les premiers juges, le préfet des Pyrénées-Orientales a produit notamment des éléments d'information extraits d'une banque mondiale de données médicales dénommée MedCOI (medical country of origin information) desquels il ressort que les structures hospitalières en Russie, à Moscou, sont en mesure de prendre en charge les troubles psychiatriques et que le traitement qui lui a été prescrit est disponible. La circonstance que tout citoyen russe est tenu de faire enregistrer son lieu de résidence habituel auprès du service fédéral des migrations au plus tard sept jours après son installation dans les lieux, n'est pas de nature à mettre en doute l'accès effectif par Mme C... née B... aux soins dispensés par les établissements de santé, dès lors qu'elle ne justifie pas être dans l'impossibilité d'être hébergée par un proche ou un membre de sa famille, sa soeur et l'un de ses fils résidant en Russie. Les documents communiqués par l'intimée, datés pour le plus récent du 24 juin 2015, émanant notamment de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés, portant sur l'état du système de santé en Russie ainsi que sur la qualité de la prise en charge des pathologies psychiatriques ne permettent pas de démontrer l'absence de disponibilité d'un traitement approprié dans ce pays et l'absence d'accès effectif aux soins. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la pathologie dont souffre Mme C... née B... est en lien direct avec des évènements traumatisants survenus dans son pays d'origine qui feraient ainsi obstacle à ce qu'elle puisse y bénéficier d'un traitement adapté, étant précisé que par une décision du 22 septembre 2015 confirmant la décision du 10 juillet 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande d'asile considérant que ni les pièces du dossier, ni les déclarations faites par Mme C... née B... ne permettaient de tenir pour établis les faits allégués et pour fondées les craintes exprimées. Il suit de là que le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté du 29 juillet 2019 du préfet des Pyrénées-Orientales. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... née B... devant le tribunal administratif ainsi que devant la Cour.

5. En premier lieu, Mme C... née B... soutient que la décision de refus de séjour contestée a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendue tel qu'il est garanti par l'article 6 de la directive 2008/115/CE susvisée, dès lors qu'elle n'a pas été mise à même de présenter des observations à la suite de l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Toutefois, l'intéressée a été mise à même, à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour, de produire tout élément utile relatif à son état de santé et sa situation personnelle. En outre, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose la communication de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'étranger qui demande une admission au séjour au titre de son état de santé, préalablement à ce qu'une décision lui soit opposée par le préfet. En tout état de cause, en se bornant à soutenir que son droit a été méconnu sans démontrer qu'elle a été privée de la possibilité de faire valoir des informations présentant un caractère de nouveauté eu égard à celles transmises lors de l'instruction de sa demande, qui, si elles avaient été communiquées avant la prise de décision, auraient modifié le sens de cette dernière, l'intéressée ne peut utilement soutenir que la procédure suivie a méconnu son droit d'être entendue. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit de toute personne d'être entendue ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, il résulte des termes mêmes de la décision contestée que le préfet, s'il se l'est effectivement approprié, ne s'est pas estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

7. En troisième lieu, Mme C... née B... ne saurait utilement invoquer l'autorité de la chose jugée s'attachant aux motifs de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 26 septembre 2017, qui a statué sur la légalité d'un précédent arrêté préfectoral du 23 décembre 2015 et des documents médicaux alors produits relatifs à son état de santé. Au surplus, la circonstance que le préfet n'aurait pas exécuté " correctement " cet arrêt constitue un litige distinct dont il n'appartient pas à la Cour de connaître dans le cadre de la présente instance.

8. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

10. Mme C... née B..., dont la demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, n'apporte aucun élément probant de nature à établir la réalité des risques qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Pyrénées-Orientales est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 décembre 2019 et le rejet de la demande présentée devant ce tribunal par Mme C... née B....

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 s'opposent à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par Mme C... née B... dès lors que l'Etat n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme C... née B... la somme que demande l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 2 décembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... née B... devant le tribunal administratif de Montpellier et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de l'Etat présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... née B..., à Me E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2020, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2020.

6

N° 19MA05774

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05774
Date de la décision : 29/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : SCP VIAL - PECH DE LACLAUSE - ESCALE - KNOEPFFLER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-29;19ma05774 ?
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