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23/12/2020 | FRANCE | N°19MA03149-19MA03464-19MA03570-19MA03677

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 23 décembre 2020, 19MA03149-19MA03464-19MA03570-19MA03677


Vu les procédures suivantes :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 19MA03149, les 12 juillet 2019, 2 avril 2020, 19 mai 2020, 27 mai 2020 et 10 novembre 2020, la société Auzon Ventoux, représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'autorisation de construire donnée par le maire de Monteux à la société Equilis France Holding le 5 juin 2019 en tant qu'elle vaut autorisation d'exploiter un ensemble commercial de 6 851 m2 de surface de vente comprenant un supermarché à l'enseigne Super U de 2 446 m2, seize cellules relevant des sec

teurs 1 et 2 d'une surface de vente de 4 405 m2 dont deux magasins d'équipem...

Vu les procédures suivantes :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 19MA03149, les 12 juillet 2019, 2 avril 2020, 19 mai 2020, 27 mai 2020 et 10 novembre 2020, la société Auzon Ventoux, représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'autorisation de construire donnée par le maire de Monteux à la société Equilis France Holding le 5 juin 2019 en tant qu'elle vaut autorisation d'exploiter un ensemble commercial de 6 851 m2 de surface de vente comprenant un supermarché à l'enseigne Super U de 2 446 m2, seize cellules relevant des secteurs 1 et 2 d'une surface de vente de 4 405 m2 dont deux magasins d'équipement de la maison de 1 560 m2 au total, deux magasins de moyenne surface de 1 270 m2 et douze cellules de moins de 300 m2, ainsi que la création d'un point permanent de retrait d'achats commandés par voie télématique ;

2°) de mettre à la charge de " tout succombant " la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle dispose d'un intérêt pour agir, compte tenu de sa propre zone de chalandise ;

- le permis de construire est insuffisamment motivé ;

- la décision méconnait l'article R. 752-35 du code du commerce ;

- la décision méconnait l'article R. 752-34 du code du commerce ;

- la zone de chalandise a été irrégulièrement définie ;

- le pétitionnaire ne dispose d'aucune maitrise foncière ;

- le projet est incompatible avec le SCOT des pays d'Avignon ;

- l'objectif d'aménagement du territoire est méconnu ainsi que celui de développement durable.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 août 2019, 7 mai 2020, 10 juin 2020 et 17 novembre 2020, la société Equilis France Holding, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Auzon Ventoux une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable faute d'intérêt pour agir de la société requérante ;

- elle est également irrecevable faute d'avoir respecté les exigences de l'article R 600-4 du code de l'urbanisme ;

- les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 mai 2020, 10 juin 2020 et 23 novembre 2020, la commune de Monteux, représentée par Me B... et Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Auzon Ventoux une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable faute d'intérêt pour agir de la société requérante ;

- elle est également irrecevable faute d'avoir respecté les exigences de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ;

- les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

II. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 19MA03464, les 25 juillet 2019, 16 août 2019 et 31 mai 2020, la SAS J2B Distribution, représentée par la SELARL Letang avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'autorisation de construire donnée par le maire de Monteux à la société Equilis France Holding le 5 juin 2019 en tant qu'elle vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Monteux la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle dispose d'un intérêt pour agir, son établissement se situant dans la zone de chalandise ;

- le pétitionnaire ne dispose d'aucune maîtrise foncière du projet ;

- la décision méconnait l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ;

- la décision méconnait les articles R. 431-16 du code de l'urbanisme et R. 752-6 du code du commerce ;

- elle méconnait l'article R. 752-35 du code du commerce ;

- le projet est incompatible avec le SCOT des pays d'Avignon et la charte d'urbanisme commercial ;

- l'objectif d'aménagement du territoire est méconnu ainsi que celui de développement durable, de l'animation de la vie urbaine, de l'insertion paysagère et architecturale.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 octobre 2019 et 10 juin 2020, la société Equilis France Holding, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société J2B Distribution une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par le société requérante ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 mai 2020, 10 juin 2020 et 23 novembre 2020, la commune de Monteux, représentée par Me B... et Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société J2B Distribution une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

III. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 19MA03570, les 30 juillet 2019 et 15 janvier 2020, la société Sigreg, représentée par Me I..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'autorisation de construire donnée par le maire de Monteux à la société Equilis France Holding le 5 juin 2019 en tant qu'elle vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Monteux et la société Equilis France Holding la somme de 3 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle dispose d'un intérêt pour agir, son établissement se situant dans la zone de chalandise ;

- la procédure méconnait l'article R. 752-35 du code du commerce ;

- l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial n'est pas motivé ;

- le dossier de demande est incomplet en ce qui concerne la nature de l'activité des cellules commerciales, le flux de circulation, la zone de chalandise et le développement durable ;

- la décision méconnait l'article L. 750-1 du code du commerce ;

- l'article L. 752-6 du code du commerce est méconnu en ce qui concerne l'aménagement du territoire, l'animation de la vie urbaine, la desserte insuffisante notamment en mode doux, l'objectif de développement durable et celui de l'insertion paysagère et architecturale.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 août 2019 et 7 mai 2020, la société Equilis France Holding, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Sigreg une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable faute d'avoir respecté les dispositions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative ;

- la requête est irrecevable en ce qu'elle demande l'annulation d'actes insusceptibles de recours, comme l'avis de la CNAC, son avis rectificatif, le permis de construire et l'arrêté de travaux ;

- la requête est également irrecevable dès lors que la société ne dispose d'aucun intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- elle est également irrecevable faute d'avoir respecté les exigences de l'article R. 752-32 du code du commerce ;

- les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 mai 2020, 10 juin 2020 et 23 novembre 2020, la commune de Monteux, représentée par Me B... et Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Sigreg une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société Sigreg ne dispose d'aucun intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- les conclusions dirigées contre des décisions non susceptibles de recours sont irrecevables ;

- les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

IV. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 19MA03677, les 5 août 2019 et 19 août 2019, 13 mai 2020, 20 mai 2020 et 29 mai 2020, la société Auchan Hypermarché, représentée par la SELARL Letang avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'autorisation de construire donnée par le maire de Monteux à la société Equilis France Holding le 5 juin 2019 en tant qu'elle vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Monteux la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle dispose d'un intérêt pour agir, son établissement se situant dans la zone de chalandise ;

- le pétitionnaire ne dispose d'aucune maîtrise foncière du projet ;

- le projet n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact ;

- il n'a pas fait l'objet d'une appréciation globale et il a été irrégulièrement fractionné ;

- le projet est incompatible avec le SCOT des pays d'Avignon et la charte d'urbanisme commercial ;

- les équipements prévus de la zone, seuls à même de justifier le projet, ne sont pas prévus de façon certaine ;

- l'article L. 752-6 du code du commerce est méconnu en ce qui concerne l'aménagement du territoire, l'animation de la vie urbaine, la desserte insuffisante notamment en mode doux, l'objectif de développement durable et celui de l'insertion paysagère et architecturale.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 octobre 2019, 7 mai 2020 et 10 juin 2020, la société Equilis France Holding, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Auchan Hypermarché une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société Auchan Hypermarché ne dispose pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- la requête ne respecte pas les prescriptions de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ;

- les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 mai 2020, 10 juin 2020 et 23 novembre 2020, la commune de Monteux, représentée par Me B... et Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société requérante une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société requérante ne dispose d'aucun intérêt lui donnant qualité pour agir,

- les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant la SAS Auzon Ventoux, de Me D..., représentant la commune de Monteux, de Me E... représentant la société Equilis France Holding et de Me C... représentant la société Auchan Hypermarché.

Une note en délibéré présentée par Me A... pour la société Equilis France Holding, pour chacune des quatre affaires visées ci-dessus, a été enregistrée le 16 décembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société Auzon Ventoux, la SAS J2B Distribution, la société Sigreg et la société Auchan Hypermarché doivent être regardées comme demandant à la Cour d'annuler le permis de construire donné par le maire de Monteux à la société Equilis France Holding, le 5 juin 2019, en tant qu'il vaut autorisation d'exploiter un ensemble commercial de 6 851 m2 de surface de vente comprenant un supermarché à l'enseigne Super U de 2 446 m2, seize cellules relevant des secteurs 1 et 2, à savoir notamment des commerces de produits biologiques, de boucherie, de produits surgelés, de boulangerie ou de produits régionaux, une surface de vente de 4 405 m2 dont deux magasins d'équipement de la maison de 1 560 m2 au total, deux magasins de moyenne surface de 1 270 m2 et douze cellules de moins de 300 m2, dont notamment un fleuriste, un coiffeur et une salle de fitness, ainsi que la création d'un point permanent de retraits d'achats commandés par voie télématique. La commission départementale d'aménagement commercial du Vaucluse a donné un avis favorable au projet le 28 novembre 2018, qui a été confirmé par la Commission nationale d'aménagement commercial le 21 mars 2019.

2. Les quatre requêtes des sociétés Auzon Ventoux, SAS J2B Distribution, Sigreg et Auchan Hypermarché, enregistrées respectivement sous les n° 19MA03149, 19MA03464, 19MA03570 et 19MA03677, demandent l'annulation d'un même permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur les moyens dirigés contre la décision en tant qu'elle vaut autorisation de construire :

3. Aux termes de l'article L. 752-17 du code du commerce : " I. - Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, (...) tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. (...) / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. (...) ". L'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme dispose que : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. (...) ".

4. Les sociétés requérantes ont saisi la Cour en se prévalant de leur qualité de professionnels dont les activités sont susceptibles d'être affectées par le projet. Il s'ensuit que le moyen qu'elles soulèvent tiré de ce que les prescriptions dont le permis de construire attaqué est assorti ne seraient pas motivées en méconnaissance de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, qui est relatif à la régularité du permis en tant qu'il vaut autorisation de construire, est irrecevable. Pour la même raison, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaitrait les dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme en ce qu'il ne porte que sur une partie du tènement et non sur sa totalité, ne peut qu'être écarté. Il en est de même du moyen tiré de ce que le permis de construire attaqué serait contraire au règlement de la zone d'aménagement concerté du secteur Beaulieu.

Sur la procédure suivie devant la Commission nationale d'aménagement commercial et la motivation de son avis :

5. Aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; /4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".

6. Il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que les décisions de la Commission nationale d'aménagement commercial doivent comporter les mentions attestant de ce que la convocation de ses membres a été accompagnée de l'envoi de l'ordre du jour et des documents nécessaires à ses délibérations. En tout état de cause, en l'espèce, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 752-35 du code de commerce manque en fait dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que, le 6 mars 2019, le secrétaire de la CNAC a adressé aux membres de la Commission une convocation pour la réunion du 21 mars suivant, à laquelle était joint l'ordre du jour et où il était mentionné que tous les documents visés au même article sont disponibles, au moins cinq jours avant la tenue de la séance, sur la plateforme de téléchargement. Enfin, si la convocation a été signée par le secrétaire de la Commission et non par son président, il ne ressort d'aucune pièce, et il n'est d'ailleurs même pas soutenu, que cette irrégularité aurait eu une influence sur l'avis émis par la Commission, la signature par le président n'ayant pas la nature d'une garantie. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article R. 752-35 du code du commerce doivent être écartés.

7. Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 752-34 du code de commerce : " Quinze jours au moins avant la réunion de la commission nationale, les parties sont convoquées à la réunion et informées que la commission nationale ne tiendra pas compte des pièces qui seraient produites moins de dix jours avant la réunion, à l'exception des pièces émanant des autorités publiques ".

8 La société Auzon Ventoux et la société Sigreg soutiennent que cette dernière ainsi que la société Soleyade n'ont pas été dûment convoquées à la séance du 21 mars 2019 au cours de laquelle la CNAC a examiné la demande de la société Equilis France Holding. Il résulte, toutefois, de la certification établie par la société Dematis, société prestataire de la CNAC, que les convocations pour cette séance ont été adressées par voie électronique, le 6 mars 2019 à 15h10, à trente destinataires, dont Me I... qui représentait la société Sigreg et la société Soleyade, les adresses électroniques de ces destinataires étant dûment mentionnées sur ce document. La société Sigreg ne peut, pour contester la réception effective de sa part de cette convocation certifiée par une société prestataire, se borner à faire valoir qu'après correction, l'avis de la CNAC atteste que les représentants de ces deux sociétés n'ont pas été entendus lors de cette séance. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

9. Enfin, si eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale d'aménagement commercial les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect par le projet qui lui est soumis de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables. En décrivant la nature du nouveau quartier Beaulieu, en faisant référence notamment à la mutualisation d'une offre de commerces, de services et d'activités de loisirs, en mentionnant les mesures prises en vue de satisfaire l'objectif de développement durable, grâce notamment au bon bilan thermique, à la superficie des espaces verts et à la mise en place de panneaux photovoltaïques et en relevant que la desserte était satisfaisante, la Commission nationale a, en l'espèce, satisfait à l'exigence de motivation.

Sur la composition du dossier de demande :

10. Aux termes de l'article R. 752-3 du code du commerce : " Pour l'application du présent titre, constitue la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. Elle est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques et de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants. "

11. Le projet examiné par la CNAC dans sa séance du 21 mars 2019, et décrit au paragraphe 1, s'inscrit dans la zone d'aménagement concerté du quartier de Beaulieu, sur le territoire de la commune de Monteux, dans le Vaucluse, situé à l'ouest et à une distance du centre-ville d'environ 2,6 kilomètres. Cette zone prévoit également la réalisation d'un parc public paysager de 35 hectares et d'un plan d'eau de 10 hectares avec un parc de loisirs aquatiques et un autre sur le thème de la bande dessinée. La zone de chalandise telle que définie par le pétitionnaire comprend la commune d'implantation de Monteux et les communes limitrophes de Althen-les-Paluds, Entraigues-sur-la-Sorgue et Pernes-les-Fontaines. Il ressort des pièces du dossier que la zone de chalandise a été définie par un temps de trajet en automobile d'environ 5 minutes, excluant ainsi notamment le territoire de la commune de Carpentras, commune limitrophe de Monteux. Si, compte tenu de l'importance du projet en cause et de la configuration géographique des lieux, cette exclusion peut être regardée comme contestable, une telle irrégularité, à la supposer même établie, n'a pas été, dans les circonstances de l'espèce, de nature à vicier l'appréciation portée par la Commission nationale sur le projet, dès lors que celle-ci disposait d'un dossier mentionnant l'intégralité des éléments devant être pris en compte, tels notamment que la nature détaillée du projet, sa situation géographique dans le bassin de vie d'Avignon et les équipements commerciaux situés dans ce bassin, dont l'hypermarché exploité sous l'enseigne Leclerc par la société Auzon Ventoux sur le territoire de la commune de Carpentras, laquelle, au demeurant, avait formé un recours devant elle.

12. Ainsi qu'il a été dit au point 4, la SAS J2B distribution et la société Auchan Hypermarché ont saisi la Cour en se prévalant de leur qualité de professionnels dont l'activité, exercée dans la zone de chalandise du projet de la société Equilis, est susceptible d'être affectée par ce projet. Dès lors, le moyen tiré de ce que le dossier de demande méconnaitrait l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme en ce qu'il ne comporterait pas l'étude d'impact ou la décision de l'autorité environnementale dispensant le projet d'évaluation environnementale lorsque le projet relève du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, moyen qui est relatif à la régularité du permis en tant qu'il vaut autorisation de construire, est irrecevable, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que cette étude aurait été utile à la Commission pour l'appréciation de la conformité du projet à l'article L. 752-6 du code du commerce. Il est vrai que la société invoque également la méconnaissance des dispositions de l'article R. 752-6 du code du commerce aux termes duquel : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : .... / 5° Effets du projet en matière de développement durable. / ........./ g) Le cas échéant, si le projet n'est pas soumis à étude d'impact, description des zones de protection de la faune et de la flore sur le site du projet et des mesures de compensation envisagées ". Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la Commission nationale n'aurait pas disposé des éléments lui permettant d'apprécier ses effets en matière de développement durable. Au demeurant, l'étude d'impact réalisée lors de la création de la zone d'aménagement concerté de Beaulieu a été réactualisée en 2012, et les sociétés requérantes n'établissent pas qu'elle serait insuffisante pour apprécier les effets du projet en la matière.

13. Aux termes de l'article R. 752-6 du code du commerce : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : / 1° Informations relatives au projet : b) Pour les projets de création d'un ensemble commercial : - la surface de vente et le secteur d'activité de chacun des magasins de plus de 300 mètres carrés de surface de vente ; /- l'estimation du nombre de magasins de moins de 300 mètres carrés de surface de vente et de la surface de vente totale de ces magasins ...".

14. Aucune disposition légale ou réglementaire n'impose à la société pétitionnaire de mentionner la nature de l'activité des douze cellules commerciales du projet dont la superficie est inférieure à 300 m². En mentionnant que les cellules de plus de 300 m2 seraient dédiées à l'équipement de la personne, à des halles et à la maison des vins, la société pétitionnaire n'a pas méconnu les dispositions précitées.

15. Par ailleurs, le dossier comprenait une étude de flux, sur lequel la Commission a pu régulièrement se fonder, bien qu'elle datait de trois ans, dès lors qu'aucun changement substantiel en la matière n'était de nature à fausser son appréciation. Il résulte de ce qui précède, et compte tenu de ce qui est dit au point 11 sur la définition de la zone de chalandise, que la société Sigreg n'est pas fondée à soutenir que le dossier comportait des renseignements incomplets de nature à fausser l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement commercial.

16. Aux termes de l'article R. 752-4 du code du commerce : " La demande d'autorisation d'exploitation commerciale est présentée : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains ou immeubles, par toute personne justifiant d'un titre du ou des propriétaires l'habilitant à exécuter les travaux ou par le mandataire d'une de ces personnes ;/ b) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation pour cause d'utilité publique... ". Contrairement aux affirmations des sociétés Auzon Ventoux et J2B Distribution, la promesse de vente dont bénéficie le pétitionnaire du projet n'a pas été accordée seulement à la société Equilis, mais également à la société Equilis France Holding, qui a déposé le projet auprès de la commission départementale d'aménagement commercial et justifiait donc d'un titre à cette fin. Les dispositions précitées de l'article R. 752-4 du code du commerce n'ont ainsi pas été méconnues.

17. Enfin, si la société Auchan Hypermarché soutient que l'appréciation de la Commission nationale aurait été viciée dès lors que des commerces prévus dans cet ensemble commercial, au sens des dispositions de l'article L. 752-3 du code du commerce, auraient été omis dans la demande présentée par la société Equilis France Holding et que le projet aurait été irrégulièrement fractionné, elle ne l'établit pas par la production d'une délibération relative à un ensemble immobilier relatif " notamment (à) des logements locatifs ". La commune de Monteux soutient sans être contredite que les terrains situés à proximité du projet attaqué ne supporteront pas des commerces, mais ont vocation à accueillir un centre d'affaires et des hôtels qui, au demeurant, ont été mentionnés dans le dossier de demande présenté par la société Equilis France Holding. Au surplus, ce centre d'affaires ne présente pas le lien de connexité avec le projet, les deux étant séparés par l'avenue de Beaulieu. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le respect des dispositions de l'article L. 752-6 du code du commerce :

18. Aux termes du I de l'article L. 752-6 du code de commerce : " L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale (...) / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone;(...) / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales (...) ". L'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

19. En premier lieu, aux termes du document d'orientations générales du schéma de cohérence territoriale (SCOT) du bassin de vie d'Avignon : " 2.1.3 Orientations particulières relatives à l'équipement commercial. / L'objectif est d'asseoir le rayonnement commercial du territoire en maintenant l'armature existante. En effet, aucune nouvelle zone commerciale périphérique ne pourra être développée afin de rééquilibrer la politique d'offre commerciale vers l'offre de proximité. / Dans l'attente de l'élaboration du document d'aménagement commercial, des orientations applicables aux différents équipements commerciaux du territoire ont été définies. / Ces orientations ont été déterminées en cohérence avec la hiérarchie des polarités commerciales et la hiérarchie des communes du SCoT. La priorité doit être donnée à la reconquête des centres- villes en y développant un appareil commercial diversifié pour rendre l'offre commerciale plus proche et plus accessible. " Le nouveau quartier de Beaulieu est, quant à lui, mentionné au document d'orientations générales, en ces termes : " (....) l'écoquartier de Beaulieu sur la commune de Monteux est également rattaché à cette catégorie de tissu urbain mixte d'envergure supra-locale. / En effet, il s'agit d'un quartier qui s'étend sur une centaine d'hectares et dont l'ambition est d'accueillir des activités, des équipements, des logements spécifiques (étudiants, pôle handicap...) et un parc de loisirs dont le rayonnement dépassera largement le cadre de la commune de Monteux. ".

20. Si le schéma de cohérence territoriale du bassin de vie d'Avignon s'est donné pour orientation d'endiguer le développement de " nouvelle(s) zone(s) commerciale(s) périphérique(s) " afin de promouvoir l'offre de proximité et la reconquête des centres-villes, le projet contesté, bien que situé dans une zone périphérique de la commune de Monteux, ne peut être regardé comme incompatible avec cette orientation, dès lors qu'il s'inscrit dans les " équipements ", par ailleurs explicitement prévus par le schéma, qui doivent être créés pour assurer le développement du nouveau quartier de Beaulieu qualifié de " tissu urbain mixte d'envergure supra-locale " et qu'il est effectivement implanté au coeur de ce quartier. Dès lors, le moyen tiré de ce que le projet contesté serait incompatible avec le schéma de cohérence territoriale doit être écarté. Il n'est pas davantage incompatible avec la charte d'urbanisme commercial, à supposer ce texte opposable au projet, dès lors qu'elle n'impose aucune contrainte supplémentaire en la matière que le schéma de cohérence territoriale.

21. En deuxième lieu, le projet de la société Equilis France Holding s'implante, ainsi qu'il vient d'être dit, dans le nouveau quartier de Beaulieu qui s'étend sur environ 100 hectares, qui comprendra à terme entre 900 et 1 000 logements dont 400 sont déjà réalisés et dont proviendra une partie significative de sa clientèle, évitant ainsi une évasion vers les centres commerciaux situées dans les villes voisines. Le taux de vacance commerciale de la commune de Monteux est faible et a baissé de moitié entre 2015 et 2019. Si la commune de Carpentras connait un taux de vacance élevé et est éligible à l'action " Coeur de ville ", il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet en cause puisse avoir un impact significatif sur l'animation de sa vie urbaine, dès lors, comme il a été dit, que le projet aura pour effet principal d'attirer la clientèle du nouveau quartier ainsi que des communes limitrophes de Althen-les-Paluds, Entraigues-sur-la-Sorgue et Pernes-les-Fontaines et que la ville de Carpentras dispose déjà, ainsi qu'il a été dit au point 11, d'un hypermarché exploité sous l'enseigne Leclerc de 7 900 m², à proximité du centre-ville et au sud-ouest de la commune, soit dans la direction de la commune de Monteux, cet hypermarché ayant été récemment agrandi. Les sociétés requérantes ne critiquent pas utilement les mentions de l'étude de trafic indiquant que les flux supplémentaires évalués à 1 000 véhicules par jour seront correctement absorbés par l'avenue de Beaulieu. Par ailleurs, si la société J2B Distribution et la société Auchan Hypermarché font valoir que des équipements ne sont pas prévus de façon certaine, il ressort des pièces du dossier que les équipements de desserte sont d'ores-et-déjà réalisés, notamment le rond-point dit " de Rossi " permettant l'accès au futur centre commercial, que 400 logements sont construits et plusieurs centaines d'autres logements ont été autorisés. Les autres projets du quartier Beaulieu, comme le parc " aqualudique ", le parc d'attraction, le parc paysager et le lac de 10 hectares sont également réalisés. Il ressort des pièces du dossier que les exigences de la réglementation thermique (RT 2012) sont dépassées par le projet qui prévoit l'installation de nombreux panneaux photovoltaïques dont la production assurera 36 % des besoins de la consommation électrique. Le site du projet est desservi par une offre satisfaisante en transport en commun et comprend 211 places de vélos alors qu'une fraction significative de la future clientèle s'y rendra par ce mode de transport. L'architecture est, par ailleurs, de qualité et le taux de végétalisation important. Ainsi, les objectifs énoncés par la loi, notamment en matière d'aménagement du territoire et de développement durables, ne sont pas méconnus.

22. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des requêtes des quatre sociétés requérantes, que celles-ci doivent être rejetées.

Sur les frais du litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions des sociétés Auzon Ventoux, SAS J2B Distribution, Sigreg et Auchan Hypermarché, la société Equilis France Holding n'ayant pas la qualité de partie perdante. En revanche, il y a lieu, sur le même fondement, de mettre à la charge de chacune des sociétés Auzon Ventoux, J2B Distribution, Sigreg et Auchan Hypermarché la somme de 1 500 euros à verser à la société Equilis France Holding.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes des sociétés Auzon Ventoux, J2B Distribution, Sigreg et Auchan Hypermarché sont rejetées.

Article 2 : Il est mis à la charge de chacune des sociétés Auzon Ventoux, SAS J2B Distribution, Sigreg et Auchan Hypermarché une somme de 1 500 euros à verser à la société Equilis France Holding, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Equilis France Holding, à la société Auzon Ventoux, à la société J2B Distribution, à la société Auchan Hypermarché, à la société Sigreg, à la commune de Monteux et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020, où siégeaient :

- Mme H..., présidente de la Cour

- M. G..., président-assesseur,

- M. Merenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2020.

12

N° 19MA03149, 19MA03464, 19MA03570, 19MA03677


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03149-19MA03464-19MA03570-19MA03677
Date de la décision : 23/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP COURRECH et ASSOCIES - AVOCATS ; SCP COURRECH et ASSOCIES - AVOCATS ; SELARL LETANG et ASSOCIES ; FRANCESCHINI ; SELARL LETANG et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-23;19ma03149.19ma03464.19ma03570.19ma03677 ?
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