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23/12/2020 | FRANCE | N°19MA02502

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 23 décembre 2020, 19MA02502


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 juin et 9 octobre 2019, la SAS Distribution Casino France, représentée par la SELARL Concorde avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) du 7 mars 2019 autorisant l'extension de 852 m2 de surface de vente d'un supermarché à l'enseigne Carrefour Market, de secteur 1 à dominante alimentaire, portant sa surface de vente totale de 2 100 m2 à 2 952 m2, dans l'enveloppe du bâtiment existant,

sans construction nouvelle, sur le territoire de la commune du Lavandou ;

2°) de...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 juin et 9 octobre 2019, la SAS Distribution Casino France, représentée par la SELARL Concorde avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) du 7 mars 2019 autorisant l'extension de 852 m2 de surface de vente d'un supermarché à l'enseigne Carrefour Market, de secteur 1 à dominante alimentaire, portant sa surface de vente totale de 2 100 m2 à 2 952 m2, dans l'enveloppe du bâtiment existant, sans construction nouvelle, sur le territoire de la commune du Lavandou ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas établi que les membres de la CNAC aient reçu les pièces nécessaires à l'examen du projet dans les délais légaux, conformément à l'article L. 752-35 du code du commerce ;

- la décision de la CNAC est insuffisamment motivée ;

- le dossier soumis à la CNAC comportait des insuffisances tenant au défaut de l'étude d'impact prévu par la loi ELAN du 18 novembre 2018, aux études de flux de circulation, à l'incertitude sur la réalisation d'équipements routiers indispensables au projet, aux éléments relatifs aux conséquences du projet en matière d'émissions de gaz à effet de serre, ou encore aux risques encourus par les consommateurs en ce qui concerne les inondations ;

- le projet méconnait l'article L. 752-6 du code du commerce en ce qu'il a des effets négatifs sur l'animation de la vie locale, sur les flux de circulation, sur le développement durable et l'insertion architecturale et environnementale, et sur la protection des consommateurs.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 août 2019 et le 21 avril 2020, la SAS Comind, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS Distribution Casino France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est tardive ;

- elle est irrecevable car elle conteste un acte qui ne fait pas grief ;

- les autres moyens soulevés par la SAS Distribution Casino France ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 août 2019 et le 26 octobre 2020, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SAS Distribution Casino France ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la SAS Distribution Casino France, et de Me B..., représentant la SAS Comind.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Distribution Casino France demande l'annulation de la décision du 7 mars 2019 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé l'extension de 852 m2 de surface de vente d'un supermarché à l'enseigne Carrefour Market, de secteur 1 à dominante alimentaire, portant sa surface de vente totale de 2 100 m2 à 2 952 m2, sans extension de la surface bâtie, sur le territoire de la commune du Lavandou.

Sur la légalité de la décision du 7 mars 2019 :

En ce qui concerne les moyens portant sur la procédure :

2. Aux termes des dispositions de l'article R. 752-35 du code du commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".

3. Il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que les décisions de la Commission nationale d'aménagement commercial doivent comporter des mentions attestant de la convocation régulière de ses membres ou de l'envoi dans les délais de l'ordre du jour et des documents nécessaires à ses décisions. Par ailleurs, il ressort des pièces communiquées par la Commission nationale d'aménagement commercial que, conformément à son règlement intérieur, ses membres ont été convoqués à la séance du 7 mars 2019 par un courrier du 19 février 2019 envoyé sur leur messagerie électronique, auquel était joint un ordre du jour prévoyant, d'une part, l'examen du dossier en cause et indiquant, d'autre part, que les documents relatifs aux dossiers soumis à la Commission seront disponibles sur une plateforme de téléchargement cinq jours au moins avant la tenue de la séance, cet envoi étant attesté par l'organisme ayant réalisé cet envoi. Ces documents, qui peuvent être adressés aux membres de la Commission par tout moyen, n'avaient pas à être joints à la convocation. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant la Commission nationale ne peut donc qu'être écarté.

En ce qui concerne la motivation de la décision attaquée :

4. Si eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale d'aménagement commercial les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas qu'elle soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect par le projet qui lui est soumis de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables. Si la requérante soutient que la décision serait insuffisamment motivée en ce qu'elle a omis de prendre en compte le risque d'inondation de la zone, le moyen manque en fait dès lors que la Commission a précisé que des mesures de prévention avaient été prises à l'encontre de ce risque. La décision de la Commission nationale n'est ainsi pas insuffisamment motivée.

En ce qui concerne la composition du dossier :

5. En premier lieu, la société requérante invoque le défaut d'étude d'impact prévue par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, relativement aux effets du projet sur les commerces de centre-ville. Elle invoque également les dispositions de cette loi en ce qu'elles prévoient qu'en matière de développement durable, la Commission doit tenir compte de la qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement. Toutefois, ces dispositions ne sont, comme le précise le II de l'article 166 de la loi, applicables qu'aux demandes d'autorisation d'exploitation commerciale déposées à compter du 1er janvier 2019. Ces deux moyens ne peuvent donc qu'être écartés dès lors que la présente demande a été déposée avant cette date.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 752-6 du code du commerce, dans sa rédaction alors en vigueur : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : / (...) 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants :... / c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; / d) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules (...) / 5° Effets du projet en matière de développement durable. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de développement durable, incluant les éléments suivants :(...) d) Description des mesures propres à limiter l'imperméabilisation des sols ; (...) / 6° Effets du projet en matière de protection des consommateurs. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de protection des consommateurs, incluant les éléments suivants : (...) d) Evaluation des risques naturels, technologiques ou miniers et, le cas échéant, description des mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs (...) ".

7. D'abord, il ressort des pièces du dossier que le projet consiste en la seule transformation d'une partie des réserves en surface de vente, sans création de surface de plancher supplémentaire, ni, par suite, nouvelle imperméabilisation des sols. Ensuite, et contrairement aux affirmations de la société requérante, une étude suffisante des flux a été produite et le risque d'inondation a été évalué par trois études hydrauliques, étant précisé que des mesures ont été prises pour mettre le projet en conformité avec le plan de prévention des risques. Le moyen relatif à la composition du dossier ne peut donc être accueilli.

En ce qui concerne l'appréciation de la commission :

8. Aux termes du I de l'article L. 752-6 du code de commerce : " L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale (...) / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; (...) c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; (...) ". 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales (...) ". L'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de l'animation de la vie locale et de la circulation :

9. Le projet qui a uniquement la nature d'une extension d'un magasin existant, se situe à proximité du centre-ville. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que, si la commune a été éligible au fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) en 2012, peu de locaux commerciaux du centre-ville sont vacants et, en outre, une part importante de la clientèle peut se rendre à pied dans le magasin. Par ailleurs, l'augmentation du trafic automobile générée par le projet est très limitée, de l'ordre de 2 % et n'est, dès lors, pas susceptible de modifier sensiblement la situation actuelle. Du reste, l'accès au supermarché se réalise par un maillage de voies communales existantes, lequel a été complété par un nouvel accès situé à l'arrière du bâtiment. Il s'ensuit que le projet n'aura pas d'effet négatif sur l'animation de la vie locale et sur la circulation.

S'agissant des risques :

10. Si la société fait valoir que le plan de prévention des risques applicable à la zone en cause interdit " toute construction ... de moyenne ou grande surface commerciale ", le projet en cause ne prévoit aucune construction, dès lors que l'extension se situe dans un bâtiment existant. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le bâtiment a un impact très faible sur la zone inondable, qu'il se situe en limite de ladite zone et que des mesures de protection ont été prises. Ainsi, le risque invoqué n'est pas avéré.

S'agissant de l'insertion paysagère et de la qualité architecturale :

11. Si, comme l'a relevé le ministre chargé de l'urbanisme, la qualité architecturale du bâtiment reste faible, et le projet ne prévoit pas de dispositif de végétalisation de la toiture ou de procédés de production d'énergie renouvelable, 33 arbres seront plantés et la surface occupée par les espaces végétalisés passera de 1 261 à 1 593 m2. Par ailleurs, aucune nouvelle construction n'est prévue. Dès lors, le projet ne présente pas d'insuffisances en matière de développement durable et d'insertion paysagère de nature à justifier son rejet.

12. Enfin, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme est irrecevable, s'agissant d'une autorisation d'exploitation commerciale.

13. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la SAS Comind, que la SAS Distribution Casino France n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 7 mars 2019.

Sur les frais du litige :

14. L'Etat n'ayant pas la qualité de partie perdante au litige, les conclusions de la SAS Distribution Casino France fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. En revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de ladite société une somme de 2 000 euros, à verser à la SAS Comind.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Distribution Casino France est rejetée.

Article 2 : Il est mis à la charge de la SAS Distribution Casino France une somme de 2 000 euros, à verser à la SAS Comind, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à SAS Distribution Casino France, à la SAS Comind et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la Commission nationale d'aménagement commercial et au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020, où siégeaient :

- Mme D..., présidente,

- M. C..., président assesseur,

- M. Merenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2020.

6

N° 19MA02502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02502
Date de la décision : 23/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SELARL CONCORDE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-23;19ma02502 ?
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