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15/12/2020 | FRANCE | N°20MA01178-20MA01523

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 15 décembre 2020, 20MA01178-20MA01523


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 7 février 2020 par lequel le préfet de la Corse-du-Sud lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour en France pour une durée de deux ans ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il l'a assigné à résidence.

Par une ordonnance n° 2000118 du 10 février 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Bastia

a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire com...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 7 février 2020 par lequel le préfet de la Corse-du-Sud lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour en France pour une durée de deux ans ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il l'a assigné à résidence.

Par une ordonnance n° 2000118 du 10 février 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 9 mars 2020 et le 10 novembre 2020 sous le n° 20MA01178, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Bastia du 10 février 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 février 2020 par lequel le préfet de la Corse-du-Sud lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour en France pour une durée de deux ans ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il l'a assigné à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Corse-du-Sud de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la date du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Bastia a estimé que la requête était tardive dès lors qu'il a envoyé la télécopie dix minutes avant l'expiration du délai de recours de quarante-huit heures et que c'est uniquement en raison d'une panne du télécopieur du tribunal que sa requête n'a pu être enregistrée qu'après l'expiration de ce délai ;

- les décisions du préfet de la Corse-du-Sud portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour pendant une durée de deux ans méconnaissent le droit d'être entendu, qui fait partie des droits de la défense et est garanti par le droit de l'Union européenne ;

- les décisions sont entachées d'une erreur de droit, le préfet de Corse-du-Sud n'ayant pas attendu l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) concernant sa demande d'autorisation de travail ;

- exerçant la profession de cuisinier, le sous-paragraphe 321 de l'accord franco-sénégalais relatif à la gestion concertée des flux migratoires du 23 septembre 2006 lui permet de bénéficier d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ;

- il a droit à un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auquel renvoie le paragraphe 42 de cet accord franco-sénégalais ;

- il remplit les conditions de la circulaire du 28 novembre 2012 pour bénéficier d'un titre de séjour ;

- il a droit à un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions du préfet de la Corse-du-Sud méconnaissent les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;

- sa situation n'entre dans aucun des cas prévus au I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la décision portant obligation de quitter le territoire est, par suite, entachée d'une erreur de droit ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un délai de deux ans est insuffisamment motivée ;

- elle est disproportionnée dès lors, notamment, qu'il n'a jamais fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, ne constitue pas une menace pour l'ordre public et apporte des preuves relatives à l'existence de liens avec une ressortissante de nationalité française.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2020, le préfet de la Corse-du-Sud conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 26 octobre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 17 novembre 2020.

II. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 27 mars 2020 et le 17 juillet 2020 sous le n° 20MA01523, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution de cette ordonnance du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Bastia du 10 février 2020 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Corse-du-Sud de lui délivrer, dans le délai d'un mois suivant le présent arrêt, une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois renouvelable, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance du 10 février 2020 du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Bastia a des conséquences difficilement réparables ;

- il justifie de moyens sérieux en l'état de l'instruction à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de cette ordonnance et des arrêtés du 7 février 2020 du préfet de la Corse-du-Sud.

Par ordonnance du 26 octobre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 17 novembre 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les deux requêtes susvisées sont dirigées contre la même ordonnance. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

2. Par un arrêté du 7 février 2020, le préfet de la Corse-du-Sud a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour en France pour une durée de deux ans et, par un arrêté du même jour, il l'a assigné à résidence. Se fondant sur le 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Bastia a, dans une ordonnance du 10 février 2020, rejeté comme tardive et donc manifestement irrecevable la requête présentée par M. A... tendant à l'annulation de ces arrêtés. Par une requête, enregistrée sous le n° 20MA01178, celui-ci fait appel de cette ordonnance et, par une requête enregistrée sous le n° 20MA01523, il demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution de cette ordonnance.

Sur les conclusions de la requête n° 20MA01178 à fin d'annulation :

3. Aux termes du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En cas de placement en rétention en application de l'article L. 551-1, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, dans un délai de quarante-huit heures à compter de leur notification, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention (...). L'étranger faisant l'objet d'une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 peut, dans le même délai, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision. Les décisions mentionnées au premier alinéa du présent III peuvent être contestées dans le cours lorsqu'elles sont notifiées avec la décision d'assignation (...) ". L'article R. 776-4 du code de justice administrative dispose que : " Conformément aux dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le délai de recours contentieux contre les décisions mentionnées à l'article R. 776-1 en cas de placement en rétention administrative ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est de quarante-huit heures. Ce délai court à compter de la notification de la décision par voie administrative (...) ". Aux termes du II de l'article R. 776-5 du même code : " Les délais de quarante-huit heures mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-4 (...) ne sont susceptibles d'aucune prorogation ".

4. Il ressort des pièces du dossier que les arrêtés contestés du préfet de la Corse-du-Sud, qui comportaient la mention des voies et délais de recours, ont été notifiés à M. A... le 7 février 2020 à 15 heures. M. A..., qui disposait d'un délai de recours contentieux expirant le 9 février 2020 à 15 heures en application des dispositions précédemment citées, a tenté de saisir le tribunal administratif de Bastia par voie de télécopie à 14 heures 50, c'est-à-dire en temps utile. Il ressort également des pièces du dossier que c'est en raison d'une panne du télécopieur du tribunal que l'envoi effectué à 14 heures 50, qui a d'ailleurs été renouvelé à 14 heures 57 après la réception d'un avis d'échec de la transmission, n'a pu aboutir dans le délai de recours et que la requête n'a été enregistrée ce même jour qu'à 16 heures 13.

5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Bastia a rejeté pour tardiveté la demande de M. A.... Par suite, l'ordonnance attaquée est irrégulière et doit être annulée.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Bastia pour qu'il statue sur la demande de M. A....

Sur les conclusions de la requête n° 20MA01523 à fin de sursis à exécution :

7. Le présent arrêt statue sur la demande d'annulation de l'ordonnance attaquée. Les conclusions tendant au sursis à exécution de cette ordonnance n° 2000118 sont donc devenues sans objet.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du 10 février 2020 est annulée.

Article 2 : M. A... est renvoyé devant le tribunal administratif de Bastia pour qu'il soit statué sur sa demande.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de l'ordonnance du tribunal administratif de Bastia du 10 février 2020 présentées dans la requête n° 20MA01523.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. D..., président assesseur,

- Mme Carotenuto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2020.

6

N° 20MA01178, 20MA01523

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01178-20MA01523
Date de la décision : 15/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Séjour des étrangers - Restrictions apportées au séjour - Assignation à résidence.

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000.

Procédure - Voies de recours - Appel - Effet dévolutif et évocation - Évocation.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : CARREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-15;20ma01178.20ma01523 ?
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