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07/12/2020 | FRANCE | N°19MA03655

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 07 décembre 2020, 19MA03655


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SMA Vautubière a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part d'annuler ou, à défaut, de résilier le marché public conclu le 28 août 2017 entre la métropole Aix-Marseille Provence et la société Suez RV Méditerranée et relatif au lot n° 2 des prestations de transport des emballages ménagers recyclables et journaux, revues et magazines collectés en porte-à-porte ainsi qu'au transport et au traitement des ordures ménagères résiduelles et, d'autre part, de condamner la mé

tropole Aix-Marseille Provence à lui verser une indemnité de 2 232 515 euros en répa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SMA Vautubière a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part d'annuler ou, à défaut, de résilier le marché public conclu le 28 août 2017 entre la métropole Aix-Marseille Provence et la société Suez RV Méditerranée et relatif au lot n° 2 des prestations de transport des emballages ménagers recyclables et journaux, revues et magazines collectés en porte-à-porte ainsi qu'au transport et au traitement des ordures ménagères résiduelles et, d'autre part, de condamner la métropole Aix-Marseille Provence à lui verser une indemnité de 2 232 515 euros en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière du marché.

Par un jugement n° 1708898 du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a résilié ce marché à compter du 11 mars 2020 et a condamné la métropole Aix-Marseille Provence à verser une somme de 109 934,34 euros à la société SMA Vautubière.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 2 août 2019 et le 5 octobre 2020, la société Suez RV Méditerranée, représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er, 3 et 4 du jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société SMA Vautubière devant le tribunal ;

3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de la société SMA Vautubière en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement a statué ultra petita en mettant à sa charge une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative alors que la société SMA Vautubière n'avait présenté aucune conclusion contre elle sur ce fondement ;

- la décision d'exclure la société SMA Vautubière a été prise sur le fondement du 2° et du 5° de l'article 48 de l'ordonnance du 23 juillet 2015, de telle sorte qu'elle est légale quand bien même elle ne pouvait se fonder sur le 5° de cet article ;

- il était loisible à la métropole Aix-Marseille Provence de se fonder sur les dispositions du 5° de l'article 48 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 même en l'absence de lien direct entre la procédure de passation et l'information judiciaire ;

- une substitution de motifs entre les 5° et 2° du I de l'article 48 de l'ordonnance était possible ;

- la métropole Aix-Marseille Provence était fondée à exclure la société SMA Vautubière de la compétition sur le fondement de l'article 48 de l'ordonnance du 23 juillet 2015.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 mars 2020, la société SMA Vautubière, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 800 euros soit mise à la charge de la société Suez RV Méditerranée en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Suez RV Méditerranée ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 19 octobre 2020.

Un mémoire présenté par la société SMA Vautubière et enregistré le 16 octobre 2020 n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... Grimaud, rapporteur,

- les conclusions de M. A... Thiélé, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la société SMA Vautubière.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence envoyé à la publication le 22 mars 2017, la métropole Aix-Marseille Provence a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert relative à un accord-cadre composé de trois lots concernant le prétraitement, le transport et le traitement des ordures ménagères et des emballages ménagers recyclables et journaux, revues et magazines. La société SMA Vautubière a présenté une offre concernant le lot n° 2 relatif au transfert des emballages ménagers recyclables collectés en porte-à-porte et au transport ainsi qu'au traitement des ordures ménagères résiduelles. Par courrier du 11 juillet 2017, la métropole Aix-Marseille Provence a notifié à cette société la décision de la commission d'appel d'offres du 7 juillet 2017 prononçant son exclusion de la procédure de passation sur le fondement des dispositions de l'article 48 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 et l'a informée de l'attribution de ce marché à la société Suez RV Méditerranée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de l'instruction que la société SMA Vautubière n'a présenté, devant le tribunal, aucune conclusion contre la société Suez RV Méditerranée sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette dernière est dès lors fondée à soutenir que le jugement attaqué a statué au-delà des conclusions de la société SMA Vautubière et à demander l'annulation de l'article 3 du jugement dans la mesure où il met une somme de 2 000 euros à la charge de la société Suez RV Méditerranée. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer l'affaire sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions à fin de résiliation du marché :

3. Aux termes des dispositions de l'article 48 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 : " I.°-Les acheteurs peuvent exclure de la procédure de passation du marché public : / (...) 2° Les personnes qui ont entrepris d'influer indûment sur le processus décisionnel de l'acheteur ou d'obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu lors de la procédure de passation du marché public, ou ont fourni des informations trompeuses susceptibles d'avoir une influence déterminante sur les décisions d'exclusion, de sélection ou d'attribution ; / (...) 5° Les personnes qui, par leur candidature, créent une situation de conflit d'intérêts, lorsqu'il ne peut y être remédié par d'autres moyens. Constitue une situation de conflit

d'intérêts toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché public ou est susceptible d'en influencer l'issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché public. / II. - Un opérateur économique ne peut être exclu en application du I que s'il a été mis à même par l'acheteur d'établir, dans un délai raisonnable et par tout moyen, que son professionnalisme et sa fiabilité ne peuvent plus être remis en cause et, le cas échéant, que sa participation à la procédure de passation du marché public n'est pas susceptible de porter atteinte à l'égalité de traitement.".

4. En premier lieu, le courrier de la métropole Aix-Marseille Provence en date du 3 juillet 2017 invitant la société SMA Vautubière à faire valoir ses observations sur sa possible exclusion invoque, d'une part, une procédure judiciaire relative à la dévolution d'une délégation de service public à cette société en 2005 et, d'autre part, un conflit d'intérêts affectant le président de la métropole Aix-Marseille Provence, personne responsable de la passation du marché ayant par ailleurs décidé la constitution de partie civile de l'établissement dans le cadre de cette procédure. Enfin, ce courrier évoque en termes généraux des manquements au devoir de probité imputables à la société SMA Vautubière. La décision de la commission d'appel d'offres en date du 7 juillet 2017 décidant de l'exclusion de la société SMA Vautubière se fonde quant à elle sur des manquements au devoir de probité ainsi que sur le conflit d'intérêts touchant le président de la métropole Aix-Marseille Provence. Il en va de même du courrier du 11 juillet 2017 annonçant son exclusion à la société SMA Vautubière. Il résulte des termes de ces actes et correspondances, qui ne font à aucun moment état de faits assimilables à une volonté d'influer indûment sur le processus décisionnel de la métropole Aix-Marseille Provence ou d'obtenir des informations confidentielles susceptibles de donner un avantage indu à la société SMA Vautubière, ou à la production par ses soins d'informations trompeuses susceptibles d'avoir une influence déterminante sur le processus de mise en concurrence, que la métropole Aix-Marseille Provence aurait entendu se fonder sur les dispositions du 2° du I de l'article 48 de l'ordonnance du 23 juillet 2015, alors même que le courrier du 3 juillet 2017 vise cette disposition.

5. En deuxième lieu, la circonstance que le président de la métropole Aix-Marseille Provence a décidé la constitution de cet établissement public de coopération intercommunale en qualité de partie civile dans le cadre de l'instance pénale relative à des agissements antérieurs de sociétés membres du même groupe que la société SMA Vautubière est seulement susceptible de conduire le pouvoir adjudicateur à un pré-jugement négatif des capacités de cette société, de la qualité de son offre et de la probité de ses dirigeants. N'entachant la procédure de passation du marché d'aucun défaut d'impartialité de nature à favoriser la société, elle n'est dès lors pas constitutive d'un conflit d'intérêts pouvant justifier l'exclusion de celle-ci en vertu des dispositions du 5° du I de l'article 48 de l'ordonnance du 23 juillet 2015.

6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que le courrier adressé à la société SMA Vautubière par la métropole Aix-Marseille Provence le 3 juillet 2017 ne l'invitait à faire valoir ses observations que sur une possible exclusion à raison du conflit d'intérêts supposé affecter le président de la métropole. Par ailleurs, la commission d'appel d'offres s'est fondée exclusivement sur cette circonstance pour écarter l'offre de la société SMA Vautubière. Il n'est dès lors pas possible de substituer au motif fondé sur le

5° du I de l'article 48 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 un motif tiré de ce que l'offre de la société SMA Vautubière méconnaissait les dispositions du 2° du I de cet article. Au demeurant et en tout état de cause, il résulte de l'instruction, d'une part, que les infractions et manoeuvres reprochées au groupe auquel appartient la société SMA Vautubière dans le cadre de la procédure pénale le concernant remontent à 2004 et 2005 et concernent un acheteur public différent, d'autre part, que la soumission de la société SMA Vautubière faisait état des liens étroits entre cette société et les sociétés visées par la procédure pénale en cause et ne comportait aucune information trompeuse sur ce point, sur sa structure capitalistique ou sur la personne de ces dirigeants, enfin que la métropole Aix-Marseille Provence ne fait état d'aucune tentative de la société SMA Vautubière d'obtenir des informations confidentielles susceptibles de lui conférer un avantage indu au cours de la procédure de passation du marché. La décision du 7 juillet 2017 ne pouvait donc en tout état de cause pas se fonder sur le 2° du I de l'article 48 de l'ordonnance du 23 juillet 2015.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Suez RV Méditerranée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont déclaré irrégulière l'éviction de la société SMA Vautubière et résilié en conséquence le marché attaqué. Sa requête doit donc être rejetée en ce qu'elle demande l'annulation des articles 1er et 4 du jugement.

Sur les frais liés au litige :

En ce qui concerne les frais exposés devant le tribunal et non compris dans les dépens :

8. En l'absence de demande présentée par la société SMA Vautubière à l'encontre de la société Suez RV Méditerranée sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu de mettre une somme quelconque à la charge de cette dernière sur le fondement de ces dispositions.

En ce qui concerne les frais exposés devant la Cour :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par la société Suez RV Méditerranée sur leur fondement soit mise à la charge de la société SMA Vautubière, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance. Il n'y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société SMA Vautubière sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 3 du jugement n° 1708898 du tribunal administratif de Marseille du 11 juin 2019 est annulé en ce qu'il met une somme de 1 500 euros à la charge de la société Suez RV Méditerranée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SMA Vautubière, à la métropole Aix-Marseille Provence et à la société Suez RV Méditerranée.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2020, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- Mme C... E..., présidente assesseure,

- M. B... Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2020.

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N° 19MA03655

MY


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03655
Date de la décision : 07/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-005 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Formalités de publicité et de mise en concurrence.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : DE METZ-PAZZIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-07;19ma03655 ?
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