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16/11/2020 | FRANCE | N°18MA02373

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 16 novembre 2020, 18MA02373


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé à la présidente du tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1709245 du 8 janvier 2018, la magistrate désignée par la préside

nte du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé à la présidente du tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1709245 du 8 janvier 2018, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 mai 2018 et le 12 avril 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 janvier 2018 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me D... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation personnelle ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'erreur de fait et de droit, dès lors qu'il est en réalité mineur ;

- il est entaché d'erreur manifeste au regard de sa situation personnelle ;

- sa convocation par le juge des enfants faisait obstacle au prononcé d'une interdiction de retour sur le territoire français ;

- cette mesure est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'étranger mineur de moins de dix-huit ans ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

2. Les trois premiers alinéas de l'article 388 du code civil, dans la rédaction issue de l'article 43 de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016, disposent que : " Le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis. / Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. / Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé. "

3. Par la décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019 qui a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution, le Conseil constitutionnel a jugé que l'exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant qui résulte des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946 impose que les mineurs présents sur le territoire national bénéficient de la protection légale attachée à leur âge, et que les règles relatives à la détermination de l'âge d'un individu doivent être entourées des garanties nécessaires afin que des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures, en rappelant qu'il appartient aux autorités administratives et judiciaires compétentes de donner leur plein effet à ces garanties.

4. M. A..., ressortissant malien soutenant être né le 5 mai 2001, a été interpellé par les services de police le 15 novembre 2017 et a fait l'objet le même jour d'un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

5. En premier lieu, M. A... a initialement produit un extrait d'acte de naissance dont le caractère frauduleux a été établi par les services de police. Cependant, la production d'un acte d'état civil frauduleux ne permet pas par elle-même de déterminer si l'intéressé est majeur ou mineur. En outre, M. A... a produit un nouvel extrait d'acte de naissance, différent du premier, dont l'authenticité n'est pas contestée par le préfet.

6. En deuxième lieu, si les examens radiologiques osseux, ayant conclu le 15 novembre 2017 que l'intéressé était âgé de dix-neuf ans, ne sont pas versés au dossier, il est constant qu'ils ne précisent pas la marge d'erreur les affectant. En tout état de cause, il résulte du troisième alinéa de l'article 388 du code civil, dont les dispositions sont citées au point 2, que ces examens ne peuvent suffire à eux seuls pour déterminer si l'intéressé est mineur.

7. En troisième lieu, la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par un arrêt du 7 novembre 2018, a jugé que l'intéressé était réputé mineur et a ordonné son placement au service de l'aide sociale à l'enfance du département des Bouches-du-Rhône.

8. L'état de minorité dont se prévalait M. A... à la date de l'arrêté contesté n'a ainsi pas été remis en cause par des éléments suffisamment probants apportés par le préfet. Dans ces conditions, le doute devant en outre profiter à la personne se déclarant mineure, le moyen tiré de la méconnaissance du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être accueilli.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 novembre 2017.

Sur les frais liés au litige :

10. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros à Me D..., avocate de M. A..., sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 8 janvier 2018 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 15 novembre 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.

Article 2 : L'État versera à Me D... la somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2020, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. C..., premier conseiller,

- Mme Poullain, premier conseiller.

Lu en audience publique le 16 novembre 2020.

4

No 18MA02373


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA02373
Date de la décision : 16/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : QUINSON

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-16;18ma02373 ?
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