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09/11/2020 | FRANCE | N°18MA03420

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 09 novembre 2020, 18MA03420


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SMA Environnement a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile à lui verser la somme de 4 256 431 euros en réparation du préjudice résultant de la cessation de l'exécution du marché d'exploitation du centre de stockage de déchets ultimes dit du Mentaure.

Par un jugement n° 1506957 du 23 mai 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une

requête et un mémoire enregistrés le 20 juillet 2018 et le 26 février 2020, la société SMA Env...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SMA Environnement a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile à lui verser la somme de 4 256 431 euros en réparation du préjudice résultant de la cessation de l'exécution du marché d'exploitation du centre de stockage de déchets ultimes dit du Mentaure.

Par un jugement n° 1506957 du 23 mai 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 juillet 2018 et le 26 février 2020, la société SMA Environnement, représentée par Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de condamner la métropole Aix-Marseille Provence, venant aux droits de la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile, à lui verser la somme de 4 256 431 euros ;

3°) de mettre à la charge de la métropole Aix-Marseille Provence la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé car il ne précise pas les raisons qui ont conduit les premiers juges à considérer que le courrier du 4 mai 2013 décidait la résiliation du marché ;

- le jugement est insuffisamment motivé car il ne précise pas les raisons pour lesquelles le tribunal a jugé qu'eu égard à la durée du marché et à l'intervention de l'arrêté préfectoral du 28 décembre 2012, la résiliation était justifiée ;

- la décision du 4 février 2013 ne peut être regardée, eu égard à ses termes et aux suites qui lui ont été données, comme une décision de résiliation susceptible de faire courir le délai de réclamation de l'article 31.1 du cahier des clauses administratives générales ;

- le délai de réclamation n'a couru qu'à compter de la naissance du différend, soit le 1er avril 2013, en vertu des stipulations de l'article 34 du cahier des clauses administratives générales ;

- la résiliation était insuffisamment motivée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 janvier 2020 et le 22 juin 2020, la métropole Aix-Marseille Provence, venant aux droits de la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société SMA Environnement en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société SMA Environnement ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 24 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 juillet 2020.

Un mémoire présenté pour la société SMA Environnement et enregistré le 17 juillet 2020 n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 77-699 du 27 mai 1977 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... Grimaud, rapporteur ;

- les conclusions de M. C... Thielé, rapporteur public ;

- et les observations de Me G..., représentant la société SMA Environnement et de Me A... B..., substituant Me D..., représentant la métropole Aix-Marseille Provence.

Une note en délibéré présentée pour la métropole Aix-Marseille Provence a été enregistrée le 22 octobre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté d'agglomération " Garlaban-Huveaune-Sainte Baume " a conclu le 17 août 2004 un marché avec un groupement constitué de la société Coved centre-est et de la société SMA Environnement, en vue de l'exploitation, sur le site dit du Mentaure, d'un centre de stockage et d'enfouissement de déchets ultimes. Par un arrêté du 23 décembre 2012, le préfet des Bouches-du-Rhône a modifié ses précédents arrêtés autorisant cette installation et en encadrant le fonctionnement, a autorisé la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile, succédant à la communauté d'agglomération " Garlaban-Huveaune-Sainte Baume ", à poursuivre l'exploitation du centre de stockage de déchets jusqu'au 31 mars 2013 et à plafonner le tonnage de déchets pouvant être admis sur le site à 500 000 tonnes. Par un courrier du 4 février 2013, la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile a informé la société SMA Environnement que l'exécution des prestations d'enfouissement du marché prendrait fin le 1er avril 2013. Par trois courriers datés des 29 avril 2013, 6 décembre 2013 et 4 mai 2015 restés sans réponse, la société SMA Environnement a sollicité auprès de la communauté d'agglomération l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la cessation de l'exécution du marché.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le jugement attaqué mentionne les stipulations du contrat relatives à la durée du marché et les termes du courrier du 4 février 2013 par lequel le président de la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile a informé la société SMA Environnement de l'arrêt des prestations et indique qu'" au vu de ces circonstances ", cette lettre " doit être regardée comme ayant mis fin par anticipation au marché ". Il en résulte que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des parties, ont suffisamment précisé les motifs les ayant conduits à considérer que la cessation des missions confiées à l'entreprise constituait une fin anticipée du contrat. À cet égard, la circonstance que le jugement ne précise pas la nature des mentions du courrier sur lesquelles il se fonde est sans incidence sur le bien-fondé de ce moyen dès lors qu'il ressort clairement de ces termes que cette référence aux mentions du courrier du 4 février 2013 est uniquement relative à sa date de notification.

3. En deuxième lieu, le tribunal, qui a retenu la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la réclamation indemnitaire préalable de la société SMA Environnement, n'était dès lors pas tenu de répondre à l'argumentation de la requérante relative au bien-fondé de la mesure édictée le 4 février 2013.

4. Il résulte de ce qui précède que la société SMA Environnement n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de la société SMA Environnement :

5. D'une part, aux termes de l'article 24.1 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché : " La personne publique peut à tout moment, qu'il y ait ou non faute du titulaire, mettre fin à l'exécution des prestations faisant l'objet du marché avant l'achèvement de celles-ci, par une décision de résiliation du marché. / Sauf dans les cas de résiliation prévus aux articles 25 à 28, le titulaire a droit à être indemnisé du préjudice qu'il subit du fait de cette décision comme il est dit à l'article 31 ". En vertu de l'article 31.1 de ce cahier : " Si, en application de l'article 24, le titulaire peut prétendre à indemnité, il doit présenter une demande écrite, dûment justifiée dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de résiliation ". Aux termes des stipulations de l'article 34 de ce cahier des clauses administratives générales : " 34.1. Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion ".

6. D'autre part, en vertu de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières : " Le présent marché est conclu pour une durée qui sera fonction de la note d'engagement de chaque candidat sur les tonnages admis. Le marché sera considéré comme terminé lorsque la dernière tonne sera livrée sur le site et que la mise en place de la couverture finale ainsi que la végétalisation sera terminée ". En vertu de l'article 3 de ce cahier : " Les pièces constitutives du marché sont par ordre de priorité décroissante / - l'acte d'engagement (...) / - une note d'engagement sur les tonnages admis (à définir par chaque candidat) (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'acte d'engagement : " La durée du marché est liée à l'engagement du prestataire sur le tonnage que celui-ci s'engage à recevoir sur le site. / Engagement de tonnage : 550 000 tonnes en phase 2 / (...) Le marché sera considéré comme terminé lorsque la dernière tonne sera livrée sur le site et que la mise en place de la couverture finale comprenant la végétalisation sera réalisée ".

7. Il résulte de ces stipulations combinées que le terme de l'exécution des prestations des marchés était fixé, d'un commun accord entre les parties, à la date où la société SMA Environnement achèverait la couverture finale végétalisée du site après avoir admis la dernière des 550 000 tonnes qu'elle s'était engagée à traiter. La circonstance que le préfet des Bouches-du-Rhône ait, par son arrêté du 23 décembre 2012, limité le tonnage maximal admis dans cette installation à 500 000 tonnes est par ailleurs sans incidence sur la durée du marché ainsi définie dès lors qu'un tel acte unilatéral, s'il s'imposait aux parties, ne pouvait avoir pour effet de modifier les stipulations contractuelles relatives à la durée du contrat, les stipulations de l'article 5.1 du cahier des clauses techniques particulières ne conférant pas valeur contractuelle aux arrêtés encadrant le fonctionnement de l'installation.

8. Il résulte de ce qui précède que le courrier du président de la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile du 4 février 2013, qui a indiqué à la société SMA Environnement qu'il serait mis fin à l'exécution de la prestation d'enfouissement à compter du 31 mars 2013, date à laquelle le tonnage de 500 000 tonnes serait atteint, ne peut être regardé comme ayant mis fin à l'exécution du contrat à son terme. Eu égard à ses termes, cette décision, qui n'a pas mis fin à l'intégralité des obligations contractuelles de la société et n'a, notamment, pas supprimé la prestation d'installation d'une couverture végétalisée du site, ne peut pas davantage être regardée comme résiliant celui-ci à compter du 31 mars 2013. Il en résulte que cette décision ne peut être regardée que comme une décision de modification unilatérale du contrat résultant de la suppression des prestations d'enfouissement à hauteur d'environ 50 000 tonnes.

9. Il résulte de ce qui précède que, le litige n'ayant pas trait à une résiliation, seules les stipulations de l'article 34.1 du cahier des clauses administratives générales étaient applicables au différend opposant la société SMA Environnement à la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile, stipulations qui ne sont pas opposées à la demande de la société requérante par la métropole Aix-Marseille Provence, qui ne se prévaut que des stipulations de l'article 31.1 du même cahier. En outre et en tout état de cause, l'intervention, le 4 février 2013, de la décision de modification litigieuse n'était pas de nature à caractériser un différend susceptible de faire courir le délai de réclamation au sens des stipulations de l'article 34.1 du cahier des clauses administratives générales, de telle sorte que la société SMA Environnement est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé que sa réclamation du 29 avril 2013 était tardive et de nature à rendre irrecevable son recours contentieux.

En ce qui concerne le préjudice :

10. En premier lieu, si la société SMA Environnement fait valoir qu'elle a immobilisé ses matériels sur le site du Mentaure entre le 1er avril 2013 et le 6 décembre 2013 en raison de l'incertitude qui affectait, selon elle, le sort du marché, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 8 ci-dessus que la décision du 4 février 2013 a mis fin, en termes clairs, aux prestations d'enfouissement à compter du 1er avril 2013. Dès lors, la société, qui n'établit d'ailleurs pas au demeurant avoir laissé ses matériels immobilisés sur le site, n'est pas fondée à demander la condamnation de la métropole Aix-Marseille Provence à lui verser la somme de 1 100 712 euros qu'elle demande à ce titre.

11. En deuxième lieu, il ne résulte d'aucune stipulation contractuelle que la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile se serait engagée à la livraison d'un tonnage minimal annuel de déchets. Dès lors et en tout état de cause, elle n'a commis aucune faute contractuelle en s'abstenant d'assurer l'accueil sur le site d'un tonnage de 100 000 tonnes annuelles qui, selon la requérante, aurait seul pu assurer l'équilibre économique du contrat. La société SMA Environnement n'est dès lors pas fondée à demander la condamnation de la métropole Aix-Marseille Provence à lui verser l'indemnité de 780 000 euros qu'elle sollicite à ce titre.

12. En troisième lieu, la société SMA Environnement affirme avoir subi un manque à gagner en raison de la modification du contrat, qui l'a privée de la possibilité d'assurer ses prestations à hauteur de 50 000 tonnes et avoir, du fait de cette mesure, supporté des charges d'amortissement ayant trait à trois matériels Caterpillar et un broyeur Hammel ainsi que des charges de personnel relatives au licenciement de trois salariés permanents, qu'elle n'a pu compenser. Si ces préjudices, dont la requérante est fondée à demander l'indemnisation dans la mesure où ils seraient imputables à la modification du contrat, sont certains dans leur principe, leur montant est contesté par la métropole Aix-Marseille Provence et la Cour ne dispose pas des éléments lui permettant de déterminer leur quotité. Il convient, dès lors, avant de statuer sur la requête, d'ordonner une expertise aux fins, pour l'expert, d'éclairer la juridiction sur ces points et d'annuler le jugement du tribunal en ce qu'il a rejeté la demande de la société SMA Environnement.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1506957 du tribunal administratif de Marseille du 23 mai 2018 est annulé.

Article 2 : Il sera, avant de statuer sur la requête de la société SMA Environnement, procédé à une expertise contradictoire en présence de ladite société et de la métropole Aix-Marseille Provence, avec mission pour l'expert, qui sera désigné par le président de la Cour, de :

1°) prendre connaissance de l'entier dossier ;

2°) se faire communiquer l'intégralité des pièces comptables de la société SMA Environnement relatives à l'exploitation du site du Mentaure ;

3°) se faire communiquer l'intégralité des documents juridiques et comptables relatifs à la procédure de licenciement des trois salariés dont la société SMA Environnement impute la cessation de contrat de travail à la modification du contrat ;

4°) se faire communiquer l'intégralité des documents juridiques et comptables relatifs à l'amortissement des quatre engins Caterpillar et Hammel dont la SMA Environnement impute l'absence d'amortissement à la modification du marché ;

5°) fournir, au vu de ces pièces, tous éléments permettant à la Cour d'évaluer la marge nette qu'aurait procuré à la société SMA Environnement l'enfouissement de 50 000 tonnes supplémentaires de déchets en l'absence de modification du marché ;

6°) fournir tous éléments permettant à la Cour de déterminer si et dans quelle mesure la modification du contrat a pu être la cause des coûts de personnel et d'amortissement invoqués par la société en ce qui concerne les salariés et matériels visés aux 3°) et 4°) ci-dessus et, dans l'hypothèse où ces coûts auraient été effectivement induits en tout ou partie par la modification du contrat, fournir tous éléments permettant de déterminer le montant du préjudice subi à ce titre par la société eu égard, notamment, aux possibilités de réemploi de ces personnels et de cession ou de réemploi de ces matériels.

Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société SMA Environnement et à la métropole Aix-Marseille Provence.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2020, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- Mme F... H..., présidente assesseure,

- M. E... Grimaud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2020.

2

N° 18MA03420


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03420
Date de la décision : 09/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution technique du contrat - Aléas du contrat.

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SELARL SINDRES - AVOCATS MARSEILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-09;18ma03420 ?
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