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30/10/2020 | FRANCE | N°18MA02760

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 30 octobre 2020, 18MA02760


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision en date du 9 juin 2015 par laquelle le président du conseil général des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande tendant à ce que département des Alpes-Maritimes effectue des travaux de remise en état du mur séparant sa propriété de la route départementale RD 6085 et, d'autre part, de lui enjoindre dans les plus brefs délais et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de réaliser ces travaux.

Par un

jugement n° 1503185 du 10 avril 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision en date du 9 juin 2015 par laquelle le président du conseil général des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande tendant à ce que département des Alpes-Maritimes effectue des travaux de remise en état du mur séparant sa propriété de la route départementale RD 6085 et, d'autre part, de lui enjoindre dans les plus brefs délais et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de réaliser ces travaux.

Par un jugement n° 1503185 du 10 avril 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2018, Mme F..., représentée par Maître A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 10 avril 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 9 juin 2015 du président du conseil général des Alpes-Maritimes ;

3°) d'enjoindre au département des Alpes-Maritimes d'entreprendre les travaux confortatifs et de remise en état du mur en litige sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du département des Alpes-Maritimes le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les travaux de remise en état du mur séparant sa propriété de la route départementale (RD) 6085, qui s'est en partie effondré, incombent au département des Alpes-Maritimes, dès lors que ce mur constitue un accessoire de la voirie départementale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2019, le département des Alpes-Maritimes, représenté par la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le moyen soulevé par Mme F... n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant le département des Alpes-Maritimes.

Considérant ce qui suit :

1. Le 19 décembre 2013, un pan du mur qui sépare la propriété de Mme D... F... située 17 boulevard Georges Clémenceau à Grasse de la route départementale (RD) 6085, s'est effondré. Par une décision du 9 juin 2015, le président du conseil général des Alpes-Maritimes a rejeté la demande de l'intéressée tendant à ce que département des Alpes-Maritimes effectue des travaux de remise en état de ce mur. Mme F... relève appel du jugement du 10 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit enjoint au département des Alpes-Maritimes de réaliser ces travaux sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Sur le refus opposé par le président du conseil général des Alpes-Maritimes :

2. Aux termes de l'article L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Font également partie du domaine public les biens des personnes publiques (...) qui, concourant à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable ".

3. En l'absence de titre en attribuant la propriété aux propriétaires des parcelles en bordure desquelles il est édifié ou à des tiers, un mur situé à l'aplomb d'une voie publique et dont la présence évite la chute de matériaux qui pourraient provenir des fonds qui la surplombent doit être regardé comme un accessoire de la voie publique, même s'il a aussi pour fonction de maintenir les terres des parcelles qui la bordent.

4. Pour demander l'annulation de la décision du 9 juin 2015 par laquelle le président du conseil général des Alpes-Maritimes a refusé que le département des Alpes-Maritimes prenne en charge la réfection du mur bordant sa propriété et situé en surplomb de la route départementale RD 6085, Mme F... fait valoir que ce mur fait partie du domaine public départemental. Le département des Alpes-Maritimes soutient, de son côté, que cet ouvrage serait la propriété de la requérante. S'il résulte de l'acte de vente produit par Mme F..., qu'elle a fait l'acquisition avec son époux le 27 décembre 1978 de la propriété de deux parcelles de terrain, 17 boulevard Clemenceau à Grasse, et que celle cadastrée BM n° 284 borde la route départementale 6085, il ne résulte d'aucune stipulation de cet acte que la propriété du mur aurait été attribuée à l'intéressée, comme l'admet d'ailleurs le département. Si l'acte de vente de 1978 a été complété par un acte rectificatif des 27 juillet, 12 août et 16 décembre 1981 auquel est annexé un procès-verbal et un plan de bornage, son objet était seulement de fixer la limite séparative de la parcelle BM n° 284 avec une propriété privée riveraine. Il ne résulte pas davantage de ces documents que la propriété du mur bordant la voie publique aurait été transférée à l'intéressée. La propriété du mur ne saurait non plus se déduire ni de l'arrêté individuel d'alignement du 15 mars 1978 de l'ingénieur en chef des ponts et chaussées fixant la limite du domaine public au droit de la propriété " à la limite de fait de la R.N. 85 ", dans la mesure où il s'agit d'un acte purement déclaratif sans effet sur les droits des propriétaires riverains, ni du plan topographique établi en juillet 2014 à la demande du conseil général, ni enfin des énonciations du plan cadastral qui ne constituent pas par elles-mêmes un titre de propriété. Ainsi, aucun titre privé ne permet en l'espèce d'établir la propriété du mur en litige.

5. Il ressort des pièces du dossier que ce mur de pierre d'environ 3 mètres de hauteur a été édifié en bordure d'une ancienne route nationale créée par décaissement du flanc d'une colline. A l'endroit où il s'est effondré, il n'était séparé de la chaussée que par un petit caniveau. Sa présence évite très clairement la chute sur la voie publique de matériaux qui pourraient provenir du fond riverain de Mme F... situé en surplomb de cette voie, même s'il a aussi pour fonction de maintenir les terres de ce fond. L'ouvrage est, par suite, nécessaire à la sécurité de la circulation. Il constitue ainsi une dépendance de la voie publique dont il est un accessoire indispensable. Dans ces conditions, ce mur fait partie du domaine public départemental. Il s'ensuit que le président du conseil général des Alpes-Maritimes ne pouvait légalement refuser de procéder à la réparation de ce mur au seul motif que Mme F... en était la propriétaire.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme F... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a refusé d'annuler la décision du 9 juin 2015 du président du conseil général des Alpes-Maritimes.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".

8. L'annulation de la décision mentionnée au point 6 n'implique pas nécessairement que le département des Alpes-Maritimes remette en état le mur qui s'est effondré sur son domaine public. Il implique seulement que le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes réexamine la demande de Mme F... au regard du motif d'annulation mentionné au point 5.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département des Alpes-Maritimes le versement de la somme de 2 000 euros à Mme F... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise au même titre à la charge de Mme F..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1503185 du 10 avril 2018 et la décision du 9 juin 2015 du président du conseil général des Alpes-Maritimes sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au président du conseil départemental des Alpes-Maritimes de réexaminer la demande de Mme F... tendant à ce que département des Alpes-Maritimes effectue des travaux de remise en état du mur qui s'est effondré au droit de sa propriété.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le département des Alpes-Maritimes versera à Mme F... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions du département des Alpes-Maritimes présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... F... et au département des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2020, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 30 octobre 2020.

2

N° 18MA02760

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA02760
Date de la décision : 30/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SCP KAIGL - ANGELOZZI

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-30;18ma02760 ?
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