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02/10/2020 | FRANCE | N°19MA03613

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 02 octobre 2020, 19MA03613


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SG BTP a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 5 mars 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Corse lui a infligé une amende de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 8115-1 du code du travail.

Par un jugement n° 1800483 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et

un mémoire, enregistrés le 31 juillet 2019 et le 19 février 2020, la société SG BTP, repré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SG BTP a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 5 mars 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Corse lui a infligé une amende de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 8115-1 du code du travail.

Par un jugement n° 1800483 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 juillet 2019 et le 19 février 2020, la société SG BTP, représentée par la SCP Morelli Maurel et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 13 juin 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 5 mars 2018 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Corse ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le mémoire en défense de la ministre du travail est irrecevable car produit tardivement et doit être écarté des débats à défaut d'être accompagné d'aucune pièce ;

- la décision en litige est irrégulière faute de viser les dispositions règlementaires du code du travail relatives aux installations sanitaires, dont l'administration a entendu faire application ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- le principe du contradictoire a été méconnu ;

- les griefs retenus à son encontre ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, le montant de l'amende doit être réduit pour tenir compte de sa bonne foi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2020, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle entend se référer aux écritures de première instance de l'administration dont elle joint copie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des postes et des communications électroniques ;

- le code du travail ;

- l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un contrôle effectué le 14 novembre 2017 par les services de l'inspection du travail sur un chantier de construction au lieu-dit Bodicione à Ajaccio (Corse du Sud), la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Corse a estimé que la société SG BTP avait manqué à ses obligations prévues par le code du travail relatives aux installations sanitaires et de restauration mises à disposition des travailleurs. Par une décision du 5 mars 2018, elle a prononcé à l'encontre de la société SG BTP, en application de l'article L. 8115-1 du code du travail, une amende de 1 250 euros par salarié concerné et par manquements constatés et mis à sa charge à ce titre la somme totale de 10 000 euros. La société SG BTP relève appel du jugement du 13 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la recevabilité des écritures en défense :

2. Il ressort des pièces du dossier que le mémoire en défense, signé pour la ministre du travail par le sous-directeur des conditions de travail de la santé et de la sécurité au travail, a été enregistré au greffe de la Cour le 18 février 2020, avant la clôture de l'instruction fixée par ordonnance au 6 mars 2020. Ce mémoire, qui n'était pas tardif, a été régulièrement communiqué à la société SG BTP qui a d'ailleurs fait valoir ses observations le 19 février 2020. A ce mémoire en défense étaient jointes les écritures de première instance de la DIRECCTE auxquelles la ministre du travail déclarait se référer. Si aucune autre pièce n'a été jointe à ce mémoire, cette circonstance est sans aucune incidence sur sa recevabilité. Par suite, la société SG BTP n'est pas fondée à demander que le mémoire en défense de la ministre du travail soit écarté des débats.

Sur la légalité de la décision du 5 mars 2018 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 8115-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : / (...) 5° Aux dispositions prises pour l'application des obligations de l'employeur relatives aux installations sanitaires, à la restauration et à l'hébergement prévues au chapitre VIII du titre II du livre II de la quatrième partie, ainsi qu'aux mesures relatives aux prescriptions techniques de protection durant l'exécution des travaux de bâtiment et génie civil prévues au chapitre IV du titre III du livre V de la même partie pour ce qui concerne l'hygiène et l'hébergement. ". L'article L. 8115-5 du même code dispose que : " Avant toute décision, l'autorité administrative informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée en portant à sa connaissance le manquement retenu à son encontre et en l'invitant à présenter, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, ses observations. / A l'issue de ce délai, l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende et émettre le titre de perception correspondant (...) ". Aux termes de l'article R. 8115-1 du même code : " Lorsqu'un agent de contrôle de l'inspection du travail constate l'un des manquements aux obligations mentionnées à la section 2 du présent chapitre, il transmet au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi un rapport sur le fondement duquel ce dernier peut décider de prononcer une amende administrative ". L'article R. 8115-9 précise que : " Les manquements mentionnés à l'article R. 8115-1 sont ceux résultant de la méconnaissance des articles L. 4751-1 à L. 4753-2 et de l'article L. 8115-1 ". Enfin, selon l'article R. 8115-10 dudit code : " (...) lorsque le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi décide de prononcer une amende administrative sur le fondement des articles L. 4751-1 à L. 4753-2 et L. 8115-1 à L. 8115-8, il invite l'intéressé à présenter ses observations dans un délai d'un mois. / Ce délai peut être prorogé d'un mois à la demande de l'intéressé, si les circonstances ou la complexité de la situation le justifient ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux dans sa rédaction alors applicable : " En cas d'absence du destinataire à l'adresse indiquée par l'expéditeur lors du passage de l'employé chargé de la distribution, le prestataire informe le destinataire que l'envoi postal est mis en instance pendant un délai de quinze jours à compter du lendemain de la présentation de l'envoi postal à son domicile ainsi que du lieu où cet envoi peut être retiré. / Au moment du retrait par le destinataire de l'envoi mis en instance, l'employé consigne sur la preuve de distribution les informations suivantes : (...) - la date de distribution ; / La preuve de distribution comporte également la date de présentation de l'envoi (...) ". Aux termes de l'article 7 du même arrêté : " A la demande de l'expéditeur, et moyennant rémunération de ce service additionnel fixée dans les conditions générales de vente, le prestataire peut établir un avis de réception attestant de la distribution de l'envoi. Cet avis est retourné à l'expéditeur et comporte les informations suivantes : (...) - la date de présentation si l'envoi a fait l'objet d'une mise en instance ; - la date de distribution ; (...) ".

5. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 8115-5 et R. 8115-10 du code du travail que l'amende administrative prévue à l'article L. 8115-1 du même code est prononcée par une décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi qui ne peut être infligée qu'à l'issue d'une procédure contradictoire lui permettant de statuer en tenant compte des observations de l'employeur intéressé. Le respect de cette procédure, qui constitue une garantie pour l'employeur, suppose que celui-ci soit informé, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de l'amende, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'il en fait la demande.

6. En cas de contestation sur ce point, il incombe à l'administration du travail d'établir que la notification du ou des manquements retenus à l'encontre de l'employeur lui a été régulièrement adressée et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.

7. Il résulte de l'instruction que le pli recommandé contenant les griefs formulés à l'encontre de la société SG BTP et l'invitant à présenter ses observations, expédié à l'adresse de la société, a été retourné à une date indéterminée à la DIRECCTE de Corse, accompagné d'un avis de réception revêtu d'une étiquette sur laquelle la case " pli avisé et non réclamé ", correspondant au motif de non-distribution, était cochée. Toutefois ce pli ne comporte aucune date de vaine présentation du courrier. En l'absence de mentions précises, claires et concordantes sur ce courrier et de tout autre élément de preuve apporté par l'administration établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste, la lettre du 5 décembre 2017 par laquelle l'administration informait l'employeur des griefs retenus à son encontre et de l'amende qu'elle se proposait de lui infliger ne peut être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à la société SG BTP avant que ne lui soit infligée l'amende en litige le 5 mars 2018. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la société aurait été mise à même, par d'autres voies, de présenter ses observations sur la sanction envisagée. Elle a, dès lors, été effectivement privée d'une garantie.

8. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société SG BTP est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société SG BTP de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1800483 du tribunal administratif de Bastia du 13 juin 2019 et la décision du 5 mars 2018 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Corse sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la société SG BTP une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SG BTP et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée à la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Corse.

Délibéré après l'audience du 18 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 octobre 2020.

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N° 19MA03613

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03613
Date de la décision : 02/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Procédure contradictoire.

Répression - Domaine de la répression administrative Régime de la sanction administrative - Régularité.

Travail et emploi - Institutions du travail - Administration du travail.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SCP MORELLI MAUREL et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-02;19ma03613 ?
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