La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2020 | FRANCE | N°18MA02731

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 29 septembre 2020, 18MA02731


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 23 février 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par l'article 2 du jugement n° 1801277,1801278 du 27 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 juin 2018, Mme B.

.. épouse A..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 23 février 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par l'article 2 du jugement n° 1801277,1801278 du 27 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 juin 2018, Mme B... épouse A..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler l'article 2 du jugement du 27 avril 2018 du magistrat désigné par le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) d'annuler l'arrêté du 23 février 2018 du préfet des Pyrénées-Orientales ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, qui sera versée à Me E... en cas d'obtention de l'aide juridictionnelle en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- la décision en litige méconnaît l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle a été privée de son droit à être entendue avant l'édiction de la décision en litige ;

- sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît aussi l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- sur le pays de destination :

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est cru à tort lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 avril 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme B... épouse A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier :

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., de nationalité albanaise, est entrée le 14 novembre 2016 en France avec son époux et ses deux enfants mineurs nés en 2002 et 2008. Elle a déposé en décembre 2016 une demande d'asile à la préfecture de l'Hérault. L'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande par décision du 17 mai 2017, confirmée le 16 octobre 2017 par la Cour nationale du droit d'asile. Par l'arrêté en litige du 23 février 2018, le préfet lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. La requérante relève appel du jugement du 27 avril 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 février 2018.

Sur les conclusions de la requérante tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par décision du 13 juillet 2018, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance par l'arrêté en litige de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et du défaut de motivation ne comportent aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Montpellier par Mme A.... Par suite, il y a lieu d'écarter ces deux moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge aux points 4 et 5 du jugement attaqué.

4. En second lieu, la requérante, en se bornant à soutenir que son "audition par la DPAF a été très sommaire", n'apporte en tout état de cause aucun élément de nature à établir que son droit d'être entendue avant l'édiction de la décision en litige aurait été méconnu.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que la requérante réside habituellement en France depuis novembre 2016, soit à une date récente à la date de la décision en litige du 23 février 2018. Son époux de même nationalité a fait l'objet le même jour d'une mesure d'éloignement. La circonstance que l'ainée de ses deux enfants mineurs suive une scolarité réussie en France en classe de troisième de collège n'ouvre pas par elle-même droit au séjour. La requérante n'établit pas que sa famille, eu égard notamment au jeune âge de ses enfants, ne pourrait pas se reconstituer dans son pays d'origine. Les dispositions précitées ne consacrent pas un droit aux étrangers de choisir librement le pays où établir leur vie familiale. La requérante ne se prévaut d'aucune intégration socio-professionnelle en France. Dans ces conditions, Mme A... n'établit pas avoir constitué le centre de ses intérêts privés et familiaux en France. Si la requérante produit un certificat médical du 5 mars 2018 d'un psychiatre du centre hospitalier de Thuir mentionnant que les troubles d'anxiété et de sommeil de sa fille aînée née en 2002 seraient "en relation avec des menaces portant sur son intégrité physique et sur celle de ses proches" et qu'un "retour dans son pays d'origine constituerait un risque grave pour l'intégrité physique et morale de cette jeune fille", ce certificat peu circonstancié ne permet pas par lui-même d'établir que la jeune fille aurait vécu en Albanie des évènements traumatisants qui ne permettraient pas d'envisager un éloignement de la France et un retour dans son pays d'origine. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant la mesure d'éloignement en litige.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. L'obligation de quitter le territoire français en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer la requérante de ses enfants. Il n'est pas établi, ainsi qu'il a été dit au point 6, que sa famille ne pourrait pas se reconstituer dans son pays d'origine et que ses enfants ne pourraient pas suivre en Albanie une scolarité normale et pour l'aînée des deux enfants, que les évènements qu'elle aurait vécu en Albanie l'empêcheraient d'y poursuivre une vie normale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne le pays de destination :

9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

10. Mme A..., dont la demande d'asile a été au demeurant rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile qui ont estimé ses déclarations insuffisamment développées et peu crédibles, se borne à soutenir que son mari encourt des risques en cas de retour en Albanie au motif que, malgré une protection policière qui s'est révélée insuffisante, il serait la cible d'une "vendetta" d'une autre famille en Albanie qui aurait agressé sa fille mineure en septembre 2016, qu'il aurait voulu protéger et qu'il aurait échappé en septembre 2016 à des tirs d'arme à feu. La requérante se contente de produire à l'instance notamment une attestation du président de son village en Albanie certifiant que son mari "a eu un conflit avec un résident d'un autre village", de son neveu qui ne présente pas des garanties d'impartialité suffisantes, d'une personne non identifiée affirmant que deux des trois frères, que son mari prétend être ses agresseurs, sont sortis de prison, ainsi que des rapports sur la situation générale de l'Albanie en ce qui concerne la "vendetta albanaise". Dans ces conditions, la requérante n'établit pas l'existence d'un risque actuel et personnel d'être exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, en désignant l'Albanie ou tout autre pays pour lequel la requérante établit être légalement admissible comme pays de destination de la mesure d'éloignement, le préfet des Pyrénées-Orientales, qui ne s'est pas cru à tort lié par la décision de la CNDA, n'a ainsi méconnu, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A..., au ministre de l'intérieur et à Me E....

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Chazan, président de chambre,

- Mme D..., première conseillère,

- M. Mouret, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

6

N° 18MA02731


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA02731
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Frédérique SIMON
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SUMMERFIELD TARI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-09-29;18ma02731 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award