Vu les procédures suivantes :
I°) Par une requête, enregistrée le 3 février 2018 sous le n°18MA00513, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'avis favorable au projet d'extension de 5 100 m2 de l'ensemble commercial " Carrefour La Pioline ", émis le 26 octobre 2017 par la Commission nationale d'aménagement commercial ;
2°) de mettre à la charge de tout succombant une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son recours est recevable dès lors que la commune ne pourrait demander l'annulation du permis que son maire serait contraint de délivrer sur la base de cet avis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation ;
- les dispositions de l'article R. 752-38 du code de commerce ont été méconnues ;
- les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce n'ont pas été respectées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2019, la SAS Immobilière Carrefour, représentée par la SELARL Letang Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Aix-en-Provence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle est dirigée contre un acte préparatoire ;
- elle est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
II°) Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 mars 2018 et 21 mai 2019 sous le n°1801410, la SAS Immobilière Carrefour, représentée par la SELARL Letang Avocats, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2018 par lequel le maire de la commune d'Aix-en-Provence a refusé de lui délivrer le permis de construire sollicité pour son projet d'extension de l'ensemble commercial " Carrefour La Pioline " ;
2°) d'enjoindre à la commune d'Aix-en-Provence de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la Cour de céans est compétente pour connaître du litige en application de l'article L. 600-10 du code de l'urbanisme ;
- il n'y a pas eu de rejet implicite et elle a bénéficié d'un permis tacite le 13 décembre 2017 en application des dispositions des articles L. 424-2 et R. 424-2 du code de l'urbanisme ;
- le retrait de ce permis opéré par l'arrêté attaqué aurait dû être précédé d'une procédure contradictoire, conformément aux dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- un tel retrait ne pouvait intervenir dès lors que le permis tacite n'était pas illégal ;
- les dispositions de l'article UEc 9 du plan local d'urbanisme sont illégales ;
- l'avis de la direction des routes du 25 janvier 2017 était prématuré et celui du 19 mai 2017 se fonde sur un plan erroné ;
- les motifs dont il est sollicité la substitution ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2019, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SAS Immobilière Carrefour au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la Cour n'est pas compétente pour statuer sur le litige qui ne relève pas de l'article L. 600-10 du code de l'urbanisme ;
- la requête est irrecevable dès lors que l'arrêté confirme une décision implicite de rejet née le 4 septembre 2017 ;
- le maire se trouvait en compétence liée pour refuser le permis dès lors que l'emprise au sol du projet ne respectait pas les prescriptions du plan local d'urbanisme ;
- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève ;
- d'autres motifs peuvent être substitués à ceux retenus pour refuser le permis ; les dispositions de l'article 1. 1. A2 ne sont pas respectées par le projet ; l'installation d'enseignes prévue ne respecte pas les dispositions de l'article UE 11 du même plan ; l'emprise au sol du projet, auquel il convient d'ajouter les constructions existantes, est excessive au regard des dispositions de l'article UE 9 ; enfin, pour les mêmes motifs de légalité interne que ceux exposés dans l'instance visée sous I°), l'avis de la commission nationale d'aménagement commercial est illégal.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., substituant Me D..., représentant la commune d'Aix-en-Provence, et de Me C..., représentant la SELARL Letang Avocats.
Une note en délibéré a été enregistrée pour la SAS Immobilière Carrefour le 16 septembre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Immobilière Carrefour a déposé, le 23 décembre 2016, une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de l'extension de l'ensemble commercial " Carrefour La Pioline " à Aix-en-Provence. Le 14 juin 2017, la commission départementale d'aménagement commercial des Bouches-du-Rhône a rendu un avis défavorable à ce projet. Saisie le 13 juillet 2017, la Commission nationale d'aménagement commercial a rendu pour sa part un avis contraire, favorable au projet, le 26 octobre 2017. La commune d'Aix-en-Provence demande à la Cour, dans l'instance enregistrée sous le n°18MA00513, d'annuler ce dernier avis. Parallèlement, dans l'instance enregistrée sous le n°18MA01410, la SAS Immobilière Carrefour demande à la Cour d'annuler l'arrêté du 1er février 2018 par lequel le maire de la commune d'Aix-en-Provence a refusé de lui délivrer le permis sollicité.
2. Ces deux instances concernent le même projet et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par le même arrêt.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'avis rendu par la commission nationale d'aménagement commercial :
3. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (...) ". Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " I.- Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. / La Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. En l'absence d'avis exprès de la commission nationale dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial est réputé confirmé. / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial a le caractère d'un acte préparatoire à la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, seule décision susceptible de recours contentieux. Il en va ainsi que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial soit favorable ou qu'il soit défavorable. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée en ce sens par la SAS Immobilière Carrefour doit être accueillie et les conclusions présentées par la commune d'Aix-en-Provence dans l'instance n°18MA00513, tendant à l'annulation de l'avis rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial le 26 octobre 2017, doivent être rejetées comme irrecevables.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 1er février 2018 et à fin d'injonction :
En ce qui concerne la compétence de la Cour :
5. Aux termes de l'article L. 600-10 du code de l'urbanisme : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs au permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale prévu à l'article L. 425-4 ".
6. En application de ces dispositions, les cours administratives d'appel sont compétentes, en vertu de l'article L. 600-10 du code de l'urbanisme, pour connaître en premier et dernier ressort du recours contentieux formé par le demandeur d'un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale contre la décision de refus de permis prise par l'autorité administrative après avis de la Commission nationale d'aménagement commercial, ce recours constituant un litige relatif au permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale au sens de cet article. L'exception d'incompétence opposée par la commune d'Aix-en-Provence doit dès lors être écartée.
En ce qui concerne l'existence d'un permis tacite :
7. Aux termes de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. / Un décret en Conseil d'Etat précise les cas dans lesquels un permis tacite ne peut être acquis ". Aux termes de l'article R. 424-2 : " Par exception au b de l'article R*424-1, le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction vaut décision implicite de rejet dans les cas suivants : / (...) / h) Lorsque le projet relève de l'article L. 425-4 ou a été soumis pour avis à la commission départementale d'aménagement commercial sur le fondement de l'article L. 752-4 du code de commerce et que la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, la Commission nationale d'aménagement commercial a rendu un avis défavorable ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 423-18 du même code : " Le délai d'instruction est déterminé dans les conditions suivantes : / a) Un délai de droit commun est défini par la sous-section 2 ci-dessous. En application de l'article R. 423-4, il est porté à la connaissance du demandeur par le récépissé ; / b) Le délai de droit commun est modifié dans les cas prévus par le paragraphe 1 de la sous-section 3 ci-dessous. La modification est notifiée au demandeur dans le mois qui suit le dépôt de la demande ; / c) Le délai fixé en application des a ou b est prolongé dans les cas prévus par le paragraphe 2 de la sous-section 3 ci-dessous, pour prendre en compte des obligations de procédure qui ne peuvent être connues dans le mois qui suit le dépôt de la demande ". Aux termes de l'article R. 423-19 : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet ". Il résulte du c) de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme que le délai d'instruction d'un permis de construire un bâtiment commercial de droit commun est de trois mois. Aux termes de l'article R. 423-25 : " Le délai d'instruction prévu par le b et le c de l'article R*423-23 est majoré de deux mois : / (...) / e) Lorsque le permis porte sur un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 423-36-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'en application soit du I, soit du V de l'article L. 752-17 du code de commerce, la délivrance du permis est subordonnée à un avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial, le délai d'instruction est prolongé de cinq mois. / (...) ".
8. La SAS Immobilière Carrefour a déposé, le 23 décembre 2016, sa demande de permis de construire, laquelle a été, à la demande du service instructeur, complétée le 4 avril 2017. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la lettre du 4 janvier 2017, que la commune d'Aix-en-Provence a appliqué d'abord un délai d'instruction modifié de cinq mois à compter de cette date en raison de la soumission du projet à la législation relative aux établissements recevant du public et à autorisation d'exploitation commerciale, expirant ainsi le 4 septembre 2017. Après l'avis défavorable de la commission départementale d'aménagement commercial, ce délai a été prolongé de cinq mois, en raison du recours formé par la pétitionnaire devant la commission nationale d'aménagement commercial, et expirait donc le 4 février 2018. La requérante soutient que le délai de l'article R. 423-36-1 du code de l'urbanisme commence à courir à compter de la notification de son recours administratif à la commune d'Aix-en-Provence, le 13 juillet 2017. Toutefois, en l'absence de mention expresse en ce sens au sein de cet article et en vertu de l'article R. 423-18 du code de l'urbanisme, le délai de prolongation exceptionnelle de cinq mois commence à l'issue de l'expiration du délai de droit commun modifié en application de l'article R. 423-25. Par suite, si aucune décision implicite de rejet n'a pu naître le 4 septembre 2017 comme le soutient à tort la commune d'Aix-en-Provence, le délai d'instruction n'était pas expiré le 2 février 2018, date à laquelle le maire a notifié la décision de refus de permis de construire contestée, prise le 1er février 2018. La SAS Immobilière Carrefour n'est donc pas fondée à soutenir que cette décision procéderait illégalement au retrait sans procédure contradictoire d'un permis de construire tacite.
En ce qui concerne la légalité de certaines dispositions du plan local d'urbanisme :
9. En premier lieu, si les dispositions de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme ne prévoient plus que le règlement du plan local d'urbanisme puisse fixer des " coefficients d'occupation des sols qui déterminent la densité de construction admise ", elles prévoient en revanche que le " règlement précise les conditions de hauteur, d'implantation et de densité des constructions ". Aux termes des dispositions de l'article R. 151-39 du code de l'urbanisme : " Afin d'assurer l'intégration urbaine, paysagère et environnementale des constructions, déterminer la constructibilité des terrains, préserver ou faire évoluer la morphologie du tissu urbain et les continuités visuelles, le règlement peut notamment prévoir des règles maximales d'emprise au sol et de hauteur des constructions. / (...) ". La SAS Immobilière Carrefour ne saurait dès lors soutenir que l'article UEc 9 du plan local d'urbanisme de la commune d'Aix-en-Provence qui lui a été opposé serait illégal au motif qu'il limite à 60% de la surface des terrains l'emprise des constructions.
10. En deuxième lieu, d'une part, les auteurs d'un plan local d'urbanisme ne sont pas tenus de respecter les limites cadastrales, d'autre part, ainsi que le soutient la commune d'Aix-en-Provence, la cartographie numérique du plan local d'urbanisme est suffisamment précise pour mesurer, au sein des parcelles faisant l'objet d'un classement mixte, la superficie relevant de chacune des zones concernées. Le moyen tiré de ce que le plan local d'urbanisme serait illégal à raison de ce que le zonage qu'il établit ne se confond pas avec les limites parcellaires de la propriété en cause doit dès lors être écarté.
En ce qui concerne les voies d'accès et la voirie :
11. Si le projet a été modifié entre le dépôt du dossier effectué initialement le 23 décembre 2016 et le complément apporté le 4 avril 2017, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment pas des avis informellement donnés par les services techniques concernés au cours du mois de mars 2017, que l'avis défavorable au projet, rendu par la direction des routes du département des Bouches-du-Rhône le 19 mai 2017, aurait été pris au regard du plan initial, et non du plan corrigé. Le plan dont la SAS Immobilière Carrefour indique qu'il est celui fourni le 4 avril 2017 maintient bien, contrairement à ce qu'indique la requérante, un accès des poids-lourds, en entrée et en sortie, sur la partie ouest du terrain d'assiette, lequel n'est que très légèrement modifié par rapport au projet initial. La SAS Immobilière Carrefour n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'avis sur lequel s'est fondé le maire de la commune d'Aix-en-Provence, constitué par celui rendu en séance le 19 mai 2017 et non par le précédent avis du 25 janvier 2017, ne serait pas pertinent.
12. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les substitutions de motifs sollicitées subsidiairement par la commune d'Aix-en-Provence, les conclusions présentées par la SAS Immobilière Carrefour tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2018 et à ce qu'il soit enjoint à la commune de lui délivrer un certificat de permis tacite doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce et dans les deux instances en cause, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de l'une quelconque des parties.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la SAS Immobilière Carrefour dans l'instance n°18MA00513 et par la commune d'Aix-en-Provence dans l'instance n°18MA01410 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Immobilière Carrefour, à la commune d'Aix-en-Provence et à la Commission nationale d'aménagement commercial.
Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2020, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 septembre 2020.
N°18MA00513 - 18MA01410 2