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21/09/2020 | FRANCE | N°19MA00328

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 21 septembre 2020, 19MA00328


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... H... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 17 novembre 2016 par laquelle le président de l'université de Montpellier lui a notifié le refus du jury de lui accorder le titre de docteur et d'enjoindre à cette autorité de la convoquer devant un jury composé différemment de celui ayant statué sur sa soutenance de thèse.

Par un jugement n° 1702524 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la

Cour :

Par une requête enregistrée le 21 janvier 2019, Mme H..., représentée par Me A....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... H... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 17 novembre 2016 par laquelle le président de l'université de Montpellier lui a notifié le refus du jury de lui accorder le titre de docteur et d'enjoindre à cette autorité de la convoquer devant un jury composé différemment de celui ayant statué sur sa soutenance de thèse.

Par un jugement n° 1702524 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 janvier 2019, Mme H..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 juin 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 17 novembre 2016 du président de l'université de Montpellier ;

3°) d'enjoindre au président de l'université de la convoquer devant un jury composé différemment de celui ayant statué sur sa soutenance de thèse ;

4°) de mettre à la charge de l'université de Montpellier la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision du 17 novembre 2016 est susceptible de recours ;

- l'auteur de cet acte, qui n'était pas en situation de compétence liée, est incompétent ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- la composition du jury a méconnu les dispositions de l'article 18 de l'arrêté du 25 mai 2016, ses deux co-directeurs de thèse étant restés dans la salle pendant la délibération du jury ;

- le jury, dont la composition était identique à la première soutenance, n'était pas impartial ;

- étant donné la composition du jury, la décision méconnaît le principe d'égalité entre les candidats ;

- aucun vote n'a désigné le président du jury, contrairement aux exigences de l'article 18 de l'arrêté du 25 mai 2016 et la délibération de celui-ci est dès lors irrégulière ;

- l'appréciation du jury a été portée dans des conditions non conformes au règlement de l'examen et repose sur des faits étrangers à ses mérites dès lors que sa première soutenance de thèse a été prise en compte lors de l'examen de sa seconde soutenance, qu'il lui a été reproché de ne pas avoir modifié sa thèse entre la première et la seconde soutenance et d'avoir réalisé un travail insuffisant alors qu'elle a été autorisée à soutenir sa thèse par plusieurs des membres du jury.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2019, l'université de Montpellier, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme H... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le courrier de notification du rapport de soutenance du 17 novembre 2016 est insusceptible de recours ;

- les moyens de la requête sont infondés.

Par ordonnance du 11 mars 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 avril 2020 reportée de plein droit au 23 juin 2020 en application du 1er alinéa du II de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-305 modifiée portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Mme H... a obtenu l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'arrêté du 25 mai 2016 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme D... F..., présidente assesseure, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de

M. Guy Fédou, président de la 6ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... Grimaud, rapporteur ;

- et les conclusions de M. B... Thiele, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme H... s'est, en 2013, engagée dans la rédaction d'une thèse de doctorat en biologie dans le cadre d'une convention de cotutelle conclue entre l'université Montpellier 2 et l'université de Yaoundé. Elle a soutenu cette thèse sans succès le 15 mars 2016 mais a été autorisée à la présenter une nouvelle fois par le président de l'université de Montpellier. Une seconde soutenance s'est tenue le 10 novembre 2016. Le jury a prononcé son ajournement qui lui a été notifié par lettre du vice-président chargé de la recherche de l'université de Montpellier du 17 novembre 2016, à laquelle était joint le rapport de soutenance.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le courrier du 17 novembre 2016 :

2. L'université s'est bornée, par ce courrier, à informer Mme H... de son ajournement au terme de la délibération du jury et à lui transmettre le rapport rédigé par le jury à cette occasion. Cette correspondance ne recèle en elle-même aucune décision susceptible de recours et les conclusions dirigées contre cette correspondance doivent dès lors être rejetées comme irrecevables.

En ce qui concerne la délibération du jury :

3. Si Mme H... présente formellement des conclusions seulement à l'encontre du courrier du 17 novembre 2016, elle doit également être regardée, eu égard à la teneur de son argumentation, comme contestant la délibération du jury prononçant son ajournement.

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. ". Les délibérations d'un jury d'examen chargé d'apprécier les mérites des candidats n'entrent dans aucune des catégories de décisions défavorables énumérées par cette disposition. Dès lors, le moyen tiré de ce que la délibération du jury ayant examiné la thèse de Mme H... est insuffisamment motivée doit en tout état de cause être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 18 de l'arrêté du 25 mai 2016, seul applicable à la date de l'intervention de la délibération du jury en l'absence de dispositions transitoires ayant maintenu la réglementation issue de l'arrêté du 7 août 2006 au bénéfice des candidats ayant commencé leurs travaux de thèse avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 25 mai 2016 : " Le jury de thèse est désigné par le chef d'établissement après avis du directeur de l'école doctorale et du directeur de thèse. Le nombre des membres du jury est compris entre quatre et huit. Il est composé au moins pour moitié de personnalités françaises ou étrangères, extérieures à l'école doctorale et à l'établissement d'inscription du doctorant et choisies en raison de leur compétence scientifique ou professionnelle dans le champ de recherche concerné, sous réserve des dispositions relatives à la cotutelle internationale de thèse définies au titre III du présent arrêté. / Sa composition doit permettre une représentation équilibrée des femmes et des hommes. La moitié du jury au moins doit être composée de professeurs ou personnels assimilés au sens de l'article 6 du décret n° 92-70 relatif au Conseil national des universités et de l'article 5 du décret n° 87-31 pour les disciplines de santé, ou d'enseignants de rang équivalent qui ne relèvent pas du ministère chargé de l'enseignement supérieur. / Les membres du jury désignent parmi eux un président et, le cas échéant, un rapporteur de soutenance. Le président doit être un professeur ou assimilé ou un enseignant de rang équivalent. / Le directeur de thèse participe au jury, mais ne prend pas part à la décision. Lorsque plusieurs établissements sont accrédités à délivrer conjointement le doctorat, le jury est désigné par les chefs des établissements concernés dans les conditions fixées par la convention mentionnée à l'article 5 du présent arrêté. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le jury a désigné Mme I... en qualité de présidente. La requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jury se serait, en méconnaissance des dispositions ci-dessus reproduites, qui n'exigent en outre aucune procédure de vote formel, abstenu de désigner un président en son sein.

7. Si les dispositions du quatrième alinéa de l'article 18 de l'arrêté du 25 mai 2016 précité interdisent au directeur de thèse de prendre part à la délibération du jury, elles l'autorisent cependant à assister à la délibération. Il ressort en l'espèce des pièces du dossier, et notamment du rapport de soutenance, que " les rapporteurs et l'examinateur ont débattu sur la décision à prendre ". Dès lors, Mme H..., qui se borne à soutenir que ses deux co-directeurs de thèse sont demeurés dans la salle où se déroulait la délibération, n'est pas fondée à soutenir que cette délibération serait, pour ce seul motif, entachée d'irrégularité.

8. Si Mme H... fait valoir que la composition du jury de sa seconde soutenance, identique à celui de sa première soutenance, a été entachée de défaut d'impartialité et a méconnu le principe d'égalité entre les candidats, ni le principe d'impartialité, ni les dispositions de l'article 18 de l'arrêté du 25 mai 2016, ni aucune autre disposition n'imposaient que la composition du jury soit différente lors de la seconde soutenance de celle de la première soutenance. Par ailleurs, Mme H..., qui se borne à faire état en termes généraux de relations dégradées avec l'un de ses co-directeurs de thèse, n'établit pas par cette argumentation et les pièces qu'elle produit que la composition du jury ou son comportement ont été entachés de partialité à son égard ou ont méconnu le principe d'égalité entre candidats.

9. En troisième lieu, s'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler l'appréciation portée par le jury d'un examen sur la prestation d'un candidat, il lui incombe, en revanche, de vérifier qu'il n'existe, dans l'organisation et le déroulement de l'examen, aucune violation du règlement de celui-ci.

10. Contrairement à ce que soutient Mme H..., il ressort du rapport de soutenance que le jury n'a formulé à son égard aucun reproche tenant à l'absence de correction de sa thèse entre la première et la seconde soutenance et ne s'est pas davantage fondé sur l'interrogation qu'il avait menée lors de la première soutenance, autrement que pour souligner les progrès ou l'absence de progrès sur certains points du document entre les deux soutenances. La requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que la décision du jury reposerait sur des motifs étrangers aux mérites de son travail.

11. Ainsi qu'il vient d'être dit au point 9, il n'appartient pas au juge de contrôler l'appréciation portée par le jury sur la thèse de Mme H.... Le moyen tiré de la contradiction entre l'autorisation qui lui a été accordée de soutenir la thèse et l'appréciation finalement portée sur les qualités de celle-ci, qui implique nécessairement un tel contrôle, ne peut dès lors être examiné au contentieux.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme H... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par leur jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du jury de thèse du 10 novembre 2016.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme H..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique s'opposent à ce que la somme réclamée par Mme H... sur leur fondement soit mise à la charge de l'université de Montpellier, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par l'université de Montpellier.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme H... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'université de Montpellier tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... H..., à Me A... et à l'université de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2020, où siégeaient :

- Mme D... F..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. C... Grimaud, premier conseiller,

- M. François Point, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 septembre 2020.

2

N° 19MA00328

MY


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00328
Date de la décision : 21/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Enseignement et recherche - Questions générales - Examens et concours.

Enseignement et recherche - Questions générales - Examens et concours - Organisation.

Enseignement et recherche - Questions générales - Examens et concours - Jury.


Composition du Tribunal
Président : Mme MASSE-DEGOIS
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : CHARRE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-09-21;19ma00328 ?
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