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22/07/2020 | FRANCE | N°19MA01786-19MA01787

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 22 juillet 2020, 19MA01786-19MA01787


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1601969, 1603056 du 25 février 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 17 avril 2019 sous le n° 19MA01786, M. C..., représenté par Me

B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 25 fé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1601969, 1603056 du 25 février 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 17 avril 2019 sous le n° 19MA01786, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 25 février 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le § 3 de l'article 14 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise fait obstacle à l'imposition en France de ses salaires de source luxembourgeoise ;

- le service des impôts des particuliers d'Aix-en-Provence a formellement pris position sur l'exonération de ses salaires de source luxembourgeoise ;

- sa position est confortée par le document d'information n° 2041 GG publié par l'administration fiscale ;

- c'est à tort que l'administration a fait application de la majoration pour manquement délibéré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 17 avril 2019 sous le n° 19MA01787, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 25 février 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2014, et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition et des pénalités en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le § 3 de l'article 14 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise fait obstacle à l'imposition en France de ses salaires de source luxembourgeoise ;

- le service des impôts des particuliers d'Aix-en-Provence a formellement pris position sur l'exonération de ses salaires de source luxembourgeoise ;

- sa position est confortée par le document d'information n° 2041 GG publié par l'administration fiscale ;

- c'est à tort que l'administration a fait application de la majoration pour manquement délibéré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention fiscale du 1er avril 1958 conclue entre la France et le grand-duché de Luxembourg ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de M. C... présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. A l'issue de contrôles sur pièces du dossier de M. C..., l'administration fiscale a notamment regardé comme imposables les salaires qu'il a perçus en qualité de pilote de ligne au titre des années 2012, 2013 et 2014. M. C... fait appel du jugement du 25 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été ainsi assujetti, et des pénalités correspondantes.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

3. En premier lieu, si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office, si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale. Il en est ainsi à l'égard de toute convention ayant cet objet, telle que celle conclue le 1er avril 1958 entre la France et le Luxembourg, alors même qu'elle définit directement les critères de la résidence fiscale à prendre en compte pour les besoins de son application.

4. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus (...) ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal (...) ".

5. Il est constant que M. C... avait au cours des années 2012 à 2014 son domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts, et qu'il était ainsi passible de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de ses revenus en application de l'article 4 A du même code.

6. Aux termes de l'article 14 de la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 : " 1. Sous réserve des dispositions de l'article 12 ci-dessus, les traitements, salaires et autres rémunérations analogues ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel s'exerce l'activité personnelle source de ces revenus. / (...) 3. Une personne ayant son domicile fiscal dans l'un des Etats contractants est exonérée de l'impôt dans l'autre Etat contractant en ce qui concerne la rémunération des services rendus sur des aéronefs affectés à des transports internationaux ".

7. La convention fiscale du 1er avril 1958, qui a notamment pour objet d'éviter les doubles impositions entre les deux Etats contractants, ne saurait en aucun cas avoir pour effet d'exonérer de toute imposition des revenus résultant d'activités exercées par les personnes dont le domicile fiscal se situe dans l'un ou l'autre de ces Etats, quelle qu'en soit la source. Le paragraphe 3 de l'article 14 de cette convention, qui concerne le cas particulier des activités exercées sur des aéronefs affectés à des transports internationaux, et qui par leur nature ne peuvent être regardées comme déployées dans le périmètre d'un territoire donné, doit être interprété comme dérogeant au principe posé au paragraphe 1 de ce même article, lequel réserve au seul Etat sur le territoire duquel s'exerce l'activité personnelle source des revenus en cause la faculté de les imposer. Il est constant que le domicile fiscal de M. C... est situé en France au sens de la convention du 1er avril 1958. Dès lors, en vertu de la dérogation prévue au paragraphe 3 de l'article 14 précité, les revenus que l'intéressé a tirés, au cours des années en litige, de son activité au sein de la société Global Jet Luxembourg, laquelle assure des vols " continentaux et intercontinentaux, notamment Europe/Etats-Unis ou Europe/Asie ", ne pouvaient donner lieu qu'à une imposition en France. Dès lors, contrairement à ce qui est soutenu, les stipulations de la convention fiscale franco-luxembourgeoise ne font pas obstacle à l'application de la loi fiscale française.

8. En deuxième lieu, la circonstance que M. C... s'est conformé à la notice d'information 2041 GG relative à la déclaration des revenus de source étrangère est sans incidence sur le caractère imposable en France des traitements et salaires qu'il a perçus.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".

10. D'une part, à supposer que M. C... ait entendu soutenir que la notice d'information 2041 GG relative à la déclaration des revenus de source étrangère est opposable à l'administration, ce document ne comporte en tout état de cause aucune interprétation du texte fiscal différente de celle dont il a été fait application.

11. D'autre part, la décision de dégrèvement du 18 décembre 2010 dont se prévaut M. C..., prise au visa de sa réclamation présentée le 12 décembre 2010, ne comporte aucune motivation. Cette décision ne peut être ainsi regardée comme comportant une prise de position formelle de l'administration fiscale sur l'appréciation de la situation de fait du requérant au regard d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. Si le requérant affirme qu'un agent du service des impôts des particuliers d'Aix-en-Provence lui a indiqué, verbalement, que ses revenus de source luxembourgeoise devaient être exonérés d'impôt sur le revenu en France, la seule production de la réclamation datée du 6 décembre 2010, qui ne fait d'ailleurs aucune mention d'un contact préalable avec les services fiscaux, et de la décision de dégrèvement du 18 décembre 2010 n'est pas suffisante pour établir l'existence d'une prise de position verbale, qui ne peut par suite être utilement invoquée sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales. Au surplus, à supposer même que l'administration puisse être regardée comme ayant formellement pris position en 2010 sur le caractère non imposable en France des traitements et salaires de M. C..., une telle prise de position aurait été rapportée par la notification, le 5 décembre 2012, soit antérieurement à la date de dépôt des déclarations de revenus au titre des années an cause, de la proposition de rectification par laquelle l'administration fiscale a estimé que les traitements et salaires versés à M. C... par la société Global Jet Luxembourg sont imposables en France.

Sur les pénalités :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

13. M. C..., ainsi qu'il a été dit précédemment, a été destinataire d'une proposition de rectification datée du 5 décembre 2012, par laquelle l'administration fiscale a estimé que les traitements et salaires qui lui sont versés par la société Global Jet Luxembourg sont imposables en France. Dans ces conditions, il ne pouvait ignorer ni qu'il était imposable sur le montant de ces traitements et salaires au titre des années considérées, ni l'importance des droits en découlant. Par suite, l'administration établit le bienfondé de l'application de la majoration pour manquement délibéré prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions à fin de décharge en tant qu'elles portent sur des montants excédant les sommes mises à la charge de M. C... au titre des années 2012 et 2013, que ce dernier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 25 février 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que demande M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 15 juillet 2020, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- Mme Carotenuto, premier conseiller,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juillet 2020.

6

N° 19MA01786, 19MA01787

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01786-19MA01787
Date de la décision : 22/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Opposabilité des interprétations administratives (art - L - 80 A du livre des procédures fiscales).

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Traitements - salaires et rentes viagères - Personnes et revenus imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : SELARL LEXALTO ; SELARL LEXALTO ; SELARL LEXALTO

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-22;19ma01786.19ma01787 ?
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